mardi 3 août 2010

264 : lundi 2 août 2010

C'était arriver avant les autres, car parti de chez soi un peu plus tôt, chances aux correspondances, parfois être le premier, désarmer l’alarme et trouver le bureau calme. Être seul.


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Dans une conversation paresseuse, au jardin, après le déjeuner, échange voltigeant de mots, d'idées, d'informations, que j'écoutais plus que je n'y participais, en étrangère que j'étais devenue, un nom est passé, et me suis absentée. Dans une recherche d'un souvenir si léger que ne voulait me venir. L'impression que je n'avais pas vraiment connu celui qui portait ce nom, que nous nous étions côtoyés, il y avait si longtemps, qu'il avait existé entre nous une certaine familiarité, et que j'étais restée un peu intriguée, un peu en désir de franchir cette trop aimable image, sans le pouvoir.


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Nous passions toutes nos journées ensemble, entières. Toutes nos soirées également, jusqu’à ce que nous allions nous coucher, moi de mon côté, et elle et lui du leur. Et le lendemain une autre journée commençait jusqu’au soir, tous les trois ensemble. Nous avions tant d’activités partagées, et passions tant d’heures à proximité les uns des autres, mon corps jamais plus éloigné de plus de quelques mètres du sien, et du sien, son corps et le sien toujours près du mien, que parfois je m’étonnais que je ne devienne jamais elle ou jamais lui, que je sois toujours moi et que cette distinction entre nos individus se maintienne toujours selon les mêmes limites étanches. Je me réveillais toujours moi, elle se réveillait toujours elle et il en allait de même pour lui, et le soir venu, plus souvent une heure avancée de la nuit, c’était moi qui regagnait seul ma chambre, et toujours eux deux qui se retrouvaient dans celle qu’ils partageait. Nos personnes ne furent jamais échangées, ni ne fusionnèrent à aucun moment, pas plus que nous ne connurent de matin où le soleil ne se leva pas, ou ne s’était pas déjà levé - ces phénomènes disposaient en fait de probabilités égales de se produire. Il me semblait parfois incroyable que ce ne soit jamais arrivé, pourtant, et je trouvais là un doute profond quant à la réalité du monde lui-même, ce en quoi je grattais sans le savoir la surface insaisissable d’un abîme parfaitement obscur. Je me rappelais qu’il existe des scepticismes radicaux dans certaines théories de la connaissance, aux moyens desquels on peut ne pas tenir pour acquis le lever du soleil le lendemain. Peut-être que des personnes fusionnent ou naturellement s’échangent pendant l’hiver au-delà des cercles polaires.