jeudi 31 octobre 2013

1212 : mercredi 30 octobre 2013


Alors, pour connaître mon avenir, j’avais voulu découper des formes dans ce papier couleur marc de café… laisser ma main et le métal inox décider de mes pas sur le fil du destin, le fil que de mes yeux fatigués je voyais se troubler, se dédoubler, comme une réalité à plusieurs niveaux, autant de couches de ma conscience.

mardi 29 octobre 2013

1211 : lundi 28 octobre 2013


Un mélange détonant, en attendant la vraie désolation dans la chambrée.

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Ivana tourne la tête, ma présence la dérange peut-être. C’est là que je remarque son profil. Une impression de déjà-vu, mais ce n’est pas une intime dont l’image me revient. J’ai découpé ce profil, il y a quelques mois, dans du papier noir en suivant la course de mes ciseaux. J’avais alors envie de produire du beau sans réfléchir, trouver des formes qui émerveillent et j’avais d’abord eu l’idée de dessiner un oiseau. Croquis raturé, puis feutres sortis, des silhouettes s’étaient mises à danser. Danseuses de flamenco, gitanes aux pieds cachés par les plis de la jupe qui attendaient ma main gauche tendue pour dire si j’allais vivre vieille ou mourir jeune en amour.

samedi 26 octobre 2013

1210 : vendredi 25 octobre 2013


Ouvre les yeux Ivana, et dis-moi d’où tu viens, et si tu sais où je vais ? Ma tête est lourde de souvenirs qui ne veulent pas émerger. Mon corps est épais d’une graisse qui m’enserre pour me rappeler que le soir d’adolescence dont je me souviens n’est pas hier comme je le croyais. Viens-tu aussi d’un rêve, où nous allons ensemble cheminer ? J’avance sur un fil, toi sur le tien, et s’ils se rejoignaient ? Manque un troisième pour une tresse, qui permettrait à nos pas d’être plus sûrs. Sur une corde trois fois plus large, nos corps se mettraient à danser, et le chapiteau, oscillant, laisserait se lever des pans de son manteau ; il s’ouvrirait au vent qui se caresserait à la plante de nos pieds.

vendredi 25 octobre 2013

1209 : jeudi 24 octobre 2013


Dans ma chambre, Ivana respire sur un rythme régulier. Si c’était elle, l’autre moi-même, l’épaule à mon épaule, mon double décoloré ? Je m’approche encore une fois de son lit. Elle est pareille à cette reine morte dans la cathédrale visitée, je ne sais plus son nom, mais son teint de marbre blanc est le même, ainsi que la main posée sur le cœur. Où est l’époux charmant, et mort aussi, censé l’accompagner ? Nous sommes donzelles solitaires, dans ce dédale emprisonnées, sans savoir qui demain a prévu de nous manger.

jeudi 24 octobre 2013

1208 : mercredi 23 octobre 2013


Arrivé devant sa porte, il me dit : « bonne nuit, Noé ». Comment a-t-il deviné ? J’entends dehors la pluie, au même instant, qui se remet à tomber. Je suis celle d’après le déluge. Je suis avec eux tous embarquée. Qui sauve qui, c’est à voir, mais nous sommes tous par pair, à moi de nous trouver. Car si c'était lui le bon, il ne m'aurait pas si vite démasquée.

mercredi 23 octobre 2013

1207 : mardi 22 octobre 2013


Je n’ai pas dit mon nom, je n’ai pas dit grand chose. J’ai laissé la tisane couler dans ma gorge et réchauffer mon atmosphère. Farid a dit qu’il n’avait pas sommeil, qu’il lui faudrait trois verveine. « Prends tes cachets » a marmonné le géant. Je ne suis pas sûre d’avoir bien entendu, mais ce n’est pas à moi qu’il s’adressait. Nous voilà Lui et Moi, glissant côté à côte vers nos chambres respectives, dans ce couloir clair qui ressemble à un tunnel sans fin, si haut que des chauves-souris pourraient sans se cogner poursuivre les insectes qui naissent de nos pensées, et pas assez étroit pour que nos mains se frôlent.

mardi 22 octobre 2013

1206 : lundi 21 octobre 2013


Le code de la route, pourquoi une résolution de saison ? What a luscious idea, lady friend ! Ou les deux. Rien ne se perd en enfer, guet-apens du passé.

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Les bols fument, lourds d’infusions de fin de soirée. Il s’appelle Farid. Et il essaie de deviner mon prénom. Il tente « Mafalda » ; je ne vois pas en quoi c’est drôle. Bon, peut-être. J’ai choisi verveine ET camomille. Le géant maigre me souffle : « assonance et allitération. » Je ne comprends pas ce jargon. Quelle science suis-je ici venue chercher ? La plante tordue s’est un peu redressée et me salue du bout de la feuille. Il est tard, mais je ne vois pas d’étoile, seul un réverbère nimbé d’orange me rassure sur le fait qu’il existe encore un monde extérieur. Et pourtant… sans angoisse particulière, j’en viens à sentir que mon espace intérieur s’étend jusqu’aux murs du réfectoire, englobant les convives, molletonnant la ronde table jaune.

samedi 19 octobre 2013

1205 : vendredi 18 octobre 2013


Le film s’achemine vers une fin heureuse. Le héros a retrouvé sa douce, femme ronde et colorée, jaune et rouge, comme la devanture d’une boulangerie d’où émanent des effluves de bon pain et de croissants chauds.

vendredi 18 octobre 2013

1204 : jeudi 17 octobre 2013


Je me retourne et il est là, hilare, la bouche un peu bête. Et pourtant. Il y a un je-ne-sais-quoi de torturé et d’aigu chez cet homme, peut-être le cheveu qui s’exclame, ou alors dans l’oblique du corps dont l’épaule droite descend jusqu’à chercher l’appui d’un accoudoir – or la chaise est manchote. Déséquilibre de l’attitude et main immense et molle qui désespère. C’est alors que de façon totalement imprévue, il baille, et sa main décrit une arabesque, un salut de cour en rewind, et ses doigts qui écrasent en s’écartant filtrent un regard, adouci à ma vue et mouillé d’une grande fatigue.

jeudi 17 octobre 2013

1203 : mercredi 16 octobre 2013


Autour de moi les rires sont gras. Le héros zygomatant sort en courant de la voiture qui s’est encastrée dans la vitrine d’un magasin dont l’ancienne clignotante vante les « pizzas à toute heure ». Une « quatre saisons » retombe sur l’asphalte après avoir fait l’éclipse ridicule, et suscité l’éclat qui me fait, moi aussi, atterrir. Je n’aime pas son rire. On dirait un sac de noix qui dévale à ski une pente couverte de bosses avant de s’encastrer dans la vitrine, de…, non, dans un panneau publicitaire, vert sapin.

mercredi 16 octobre 2013

1202 : mardi 15 octobre 2013


Lune amie, lune à la bouche close, que voit ton cratère le plus profond de la nuit bleue de nos océans ? Lune qui joue l’astre mais qui n’est qu’un caillou, tu me comprends, n’est-ce pas, quand j’aspire au ciel, amoureuse d’une étoile… ? Combien d’heures ai-je donc frémi à l’idée d’être sienne, me détournant pour soupirer de ta rognure d’ongle…

mardi 15 octobre 2013

1201 : lundi 14 octobre 2013


Amande du regard en faisant ressurgir l'angoisse de l'emploi. None, they're all agreed upon. Au piment d'Espelette, même commentaire... que l'année dernière, pour une peau bien hydratée.

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Une course-poursuite dans des ruelles sombres et humides, pneus qui crissent, pare-choc qui défonce l’écran. Rictus du héros, grimace du méchant. La musique accélère, héros qui coupe la radio. Une impasse, demi-tour. La voiture poursuivante barre le chemin du non-retour. Des planches salutaires, et le véhicule héroïque plane au-dessus de l’obstacle dépité. On fait semblant d’y croire. Au-dessus luit la lune qui tout voit mais ne dit mot.

dimanche 13 octobre 2013

1200 : samedi 12 octobre 2013


Je pousse la nuit de côté pour qu’elle fasse place au jour. Un peu de vent est accepté, voire souhaitable, mais nulle pluie. Je peigne les candélabres parallèles d’où suintent des larmes de givre. Fluide, la musique des sphères se heurte à chaque imposture. Des fragments irréguliers se détachent et tombent, vite emportés. On procède à des libations légères dont les spasmes font écho jusque de l’autre côté du fleuve.

samedi 12 octobre 2013

1199 : vendredi 11 octobre 2013


Se recentrer, ce concentrer, impression d'enroulement, escargot sous tension. Puis s'exprimer, aller vers, explosion d'une fleur de langage.

vendredi 11 octobre 2013

1198 : jeudi 10 octobre 2013


Et sans attendre la réponse, comme jadis, il part loin… vers la télévision. Je le suis à distance, pour ne pas l’effaroucher. Le voilà, assis, qui ne me regarde pas entrer, mais je sais qu’il sait que je suis là, et là, bien sûr uniquement pour respirer le même air de la même pièce que lui.

jeudi 10 octobre 2013

1197 : mercredi 9 octobre 2013


Trois p’tits chats, trois p’tits chats, trois p’tits chats chats chats ; chapeau de paille, parce qu’il m’éblouit ; paillasson, je m’écrase, mais non, c’est pas ça… paille de fer, et ses yeux me transpercent ; fer à cheval, j’ai beaucoup de chance ; cheval de course, on y va ; course à pied ; ça prendra le temps que ça prendra ; pied d’cochon, toi même… cochon de ferme ta boîte aux lettres d’amour. Nous y voilà. Et il me dit : « tu viens ? »

mercredi 9 octobre 2013

1196 : mardi 8 octobre 2013


Un instant suspendu, comme ma nuisette sur un fil à linge, poésie triviale d’un regard échangé. C’est lui. Il a mis le temps, mais il m’a retrouvée. Et si pour cela il faut que je navigue entre deux âges, peu importe, l’essentiel est de ne plus se perdre sur le chemin, le chemin du cimetière pour animaux.

mardi 8 octobre 2013

1195 : lundi 7 octobre 2013


Biscuit perché sur sa balustrade sans déployer ses ailes, ce paon est à la traîne. La vérité même, non ?

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On frappe à la porte. « Oui », je dis. Et paradoxalement, la personne s’en va. Ivana dort maintenant, elle ronfle légèrement, mignon, on dirait qu’elle soupire à chaque expire. Je me lève à pieds de chat, et, chaussettes sur lino, je me glisse jusqu’à l’appel du couloir. Vide. Au loin, un téléviseur dialogue avec des rires. Un grave et un trémolo. Envie de voir la tête de ces chants. Après le tournant, j’esquive un mouchoir en papier qui gît, recroquevillé, au milieu du passage. Deux portes plus loin, une porte s’ouvre avant que je ne la dépasse. L’homme qui se tient là, devant moi, n’a plus rien d’Eddy. Mais il me dit : « bonjour ». Tempes grisonnantes, cheveux noirs en bataille, si, il a bien quelque chose de mon rockeur adolescent. Je lui répond : « bonsoir », histoire de lui faire comprendre que je ne suis pas si à l’ouest que ça.

samedi 5 octobre 2013

1194 : vendredi 4 octobre 2013


C’était il y a trois semaines… ou 15 ans. Il m’a de nouveau salué le lendemain matin quand on s’est croisé dans la cour, je lui ai proposé un chewing gum. On a parlé du temps qu’il faisait, m’a demandé si c’était pour ça que j’étais enrouée, je lui ai dit que non, c’était parce que j’avais trop pleuré : « Mon chat est mort ». Il a eu un sourire bref, s’est excusé, c’est juste qu’il pensait à Molière. « Il avait quel âge ? », puis il précise « ton chat », des fois que je croie qu’il parlait de Jean Baptiste Poquelin.

vendredi 4 octobre 2013

1193 : jeudi 3 octobre 2013


Alors Eddy, je lui ai dit « bonjour » ; on était dans la queue de la cantine, il était juste devant moi, c’était le destin, y a pas, et en plus, il s’est retourné parce qu’il cherchait quelqu’un, alors j’ai fait comme si c’était moi, et derrière, Séverine s’est mise à pouffer. Il m’a regardé comme un coq regarde la chèvre d’à côté : on n’est pas du même enclos mais on peut se parler. Et il m’a dit : « bonjour. » Je n’en revenais pas, c’était trop beau, trop la classe, il m’avait remarquée. Bon, après, même si j’ai pris les mêmes entrées, la même mousse au chocolat dans laquelle je prévoyais déjà de tremper l’index pour le sucer voluptueusement, je n’ai pas osé le suivre, manger à la même table, de toute façon, il n’y avait pas de chandelier. Et puis, paf, re-coup du destin, voilà qu’au moment de reposer les plateaux, on se croise et les entrechoque ! Et, là, il me sourit, pour de VRAI, et il me dit « re-bonjour ! ». Trop top. Bon, la répartie, ce n’est pas mon fort et j’ai juste souri comme une gourdasse, et là, bouquet final, il m’a dit : « à bientôt. »

jeudi 3 octobre 2013

1192 : mercredi 2 octobre 2013


A qui allais-je désormais parler d’Eddy ? Eddy et sa dégaine de rockeur juvénile, ses grandes jambes et ses jeans gris délavés. Son regard bleu d’enfant sage et son sourire moqueur d’ado rrrrebelle. Qui me suivent jusque sous ma douche qui devient plus chaude à mesure que je grandis. Car maman me l’a dit, ce sang entre mes jambes, c’est que je ne suis plus petite fille. Alors je peux oser des rêves de « grande », des rêves de celles qui ondulent sur talons et font tourner les regards des copines jalouses. Je peux laisser monter les envies de caresses, plumes sur la peau d’un mouton noir tondu, bête idiote qui se cache dans ses mains, car peur, ou peur, et pourtant tout va bien. Il faudrait que je lui dise, que je lui parle à Eddy, que je lui dise « bonjour » et qu’il comprenne que c’est plus que le jour que je lui souhaite favorable et doux, que je mette une jupe, pas trop courte mais un peu moulante, quand même, que je montre mes genoux, que j’arrête de me ronger les ongles, que dans la chorale de l’école je demande si je peux être soliste sur un tout petit morceau...

mercredi 2 octobre 2013

1191 : mardi 1er octobre 2013


Ça devait faire un mois que Titi était mort. Titi… drôle de nom pour un chat, félin noir au ventre blanc, je sais. Qui piétinait le mien amoureusement tandis que je grattais sa tête en murmurant des confidences… Titi était mort et ma tristesse infinie. Les mots sont faibles et usés. Infinie. Comme un huit couché, ça tend vers… et la droite s’enfuie vers un haut inaccessible ; les « y » ne savent plus qu’un jour ils ont croisé les « x ».

mardi 1 octobre 2013

1190 : lundi 30 septembre 2013


Demain à l'île de Pâques, homme-oiseau ! Rechargeons-nous en énergie. Idem à Tikehau…

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Deux filles sur leurs lits. Mains croisées sous la nuque, à chercher la fissure. Que fais-je dans ce corps trop vieux, trop lourd ? Hier j’avais 12 ans et m’en voilà vingt de plus. Je cherche à retracer le fil de mes jours frais avant ma chute dans cette faille spacio-temporelle… Je me souviens d’avoir, quelques heures avant de sortir, corné le coin d’une page de mon Agatha Christie. Je me souviens du réveil qui a sonné à l’heure prévue, 1 heure du matin et de mon échappée sur la pointe des pieds. Il faisait froid et brume, un vrai temps de cimetière.