mardi 31 janvier 2012

791 : lundi 30 janvier 2012

C’est sérieux, le rêve aussi (question de survie). Ah, si seulement Dieu avait été plus sympa, au tout début du monde… Très bien observé : Paris d’autrefois, n’est-ce pas ? Pour ma part, j’y verrais bien un restaurant où l’on y servirait des nourritures divines. Merci pour le partage : les chocoholics vont adorer !

--------------------

Ce serait lever les yeux sur un bleu improbable, violent ; mais tout aussi profond, un bleu qui ne surplomberait pas la rue mais infuserait l'air au dessus de la ville. Ce serait pour renforcer cette sensation de réel, un très léger réseau de voiles qui glisserait à sa surface, qui, en creusant l'espace, lui mettrait une borne, le rendrait presque tangible. Et je resterais un moment, sur le seuil, charmée par la délicatesse de ce ciel.

--------------------

Depuis quand le village des Hûles avait-il reçu la grâce et la malédiction de ne jamais trouver de place définitive sur la terre ? Déjà en ces temps-là, diverses légendes en évoquaient les circonstances mais aucune ne situaient celles-ci dans le passé du village. Ces légendes étaient elles-mêmes très diverses et se contrariaient les unes les autres au point de couvrir l’esprit, de ceux auxquels elles avaient été contées depuis la naissance, d’un voile protecteur sous lequel tout était vrai puisque tout y était discordant. Il en était ainsi dans les paysages au sein desquels les Hûles voyageaient. Le désaccord y était souvent tel, au sein des teintes, des textures, des échappées sonores ou odorantes, qu’il finissait par produire de l’harmonie.

--------------------

Marc sait que le soir venu, Sophie entrera furtivement dans le salon. Elle se faufilera entre les fauteuils tandis que sa femme et lui regarderont la télévision. Tout doucement, elle s'enroulera autour d'un cousin, près du feu, les regardera longuement en alternant avec les flammes dans l'âtre, avant de s'endormir avec détermination. C'est ainsi, c'est sa routine. Elle accepte que ses parents la bordent, lui racontent des histoires et embrassent son front avant d'éteindre la lumière. Elle attend un peu avant de sortir de la chaleur des couvertures pour les rejoindre, grappiller encore un peu de leur amour jusqu'à ce que ses yeux ne tiennent plus et se ferment.

lundi 30 janvier 2012

790 : dimanche 29 janvier 2012

L’eau de toutes les rivières ne suffirait pas à étancher la pépie des Pilons. Mais d’où leur vient cette soif maladive et grandiloquente ? Nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agirait d’une forme complexe de vertige horizontal aggravé d’une tendance maligne à la peur du vide dans la durée. D’autres y voient une sorte de quête dégradée de l’os à moelle du Totem. On notera également, sans vouloir abaisser le niveau du débat, qu’ils aiment particulièrement les anchois.

----------------------

Elle s'installe dans l'attente avec inquiétude. Elle connait ses silences, ses petites habitudes liées à l'évitement. Cette fois-ci elle se sent plus forte, mieux armée, elle est préparée au pire. Pourtant une part d'elle espère naïvement le meilleur chez l'autre. C'est pour cela qu'elle est aussi appréciée au bureau, sa gentillesse toute en sourire lui vaut les amitiés des plus récalcitrants. Pourtant, ce soir, point de faiblesse. Soupir.

dimanche 29 janvier 2012

789 : samedi 28 janvier 2012

Ce serait ne pas pouvoir regarder la violence de la lumière qui abolirait le ciel, être aspirée avec l'azur, l'éternel azur, sa sereine ironie, et deux petits nuages qui passaient par là. Ce serait sentir le sang battre dans ses yeux. Ce serait penser aux trous noirs.


------------------------


Quand la lassitude du soir s'installe, Marc ne supporte plus le silence des pièces. Son pas résonne étrangement, chaque écho le rappelant à la solitude et à l'ennui. Il faut meubler, combler, musique, télévision, et même ces étranges compilations de sons de pluie ou de cascade. Enfin, un jour, Marc trouva la parade. Un ami dans la confidence lui fit parvenir une heure trente de bruits d'embouteillages. Moteurs, klaxons, énervement... enfin la ville s'offrait de nouveau à lui, l'emmenant jusqu'au sommeil doux et apaisé d'un citadin exilé à la campagne.

samedi 28 janvier 2012

788 : vendredi 27 janvier 2012

Les Aquaplans n’ont jamais rien demandé à personne ni rien attendu de rien. Il arrive pourtant que quelqu’un ou quelque chose les déçoive.


----------------------


Excofier s’enquiert auprès de Picris de la suite de farigouleBASTARD. S’il était toujours à l’hôpital. S’il avait trouvé de quoi se nourrir, se loger et de vêtir. Si on avait retrouvé la mule au relais après la Vieille. Si la Vieille avait été tenue informée des évènements. Si Celle avait été tenue informée des évènements. Si farigouleBASTARD avait pu déposer la commission à Paris, ainsi que les échantillons de nougat et de lavande. S’il avait songé au retour. S’il avait trouvé le lieu d’exposition. Picris se contentait de hocher la tête et ne répondait pas. Il n’appréciait guère le “sieur Excofier”, de famille, les arbres ont des racines profondes, et plus encore depuis qu’il avait cherché à l'engrener dans ses “affaires” lui et ses amandiers et même les lavandes de l’Albe — lesquelles au demeurant ressortissaient non directement de lui mais de la famille de sa belle-sœur Eliette Faure qui avait quitté avec son frère la région pour Forcalquier où celle-ci avait quelques accointances. Ce subit intérêt du notable en trois velours pour les froques de l’ami le révulse. S’il n’y avait ses petits trafics, non plus que le serpent qui dort dans sa bouche, il n’en penserait pas plus que d’un étourneau. En soi, Picris n’avait rien de solide à croquer, ni de nouvelles de farigouleBASTARD, avec lequel il ne communiquait qu’au travers d’une adresse absolument étrangère à lui, et l’autre ne répondait guère. Il l’avait appelé depuis une cabine quand il fut sorti de l'hôpital où il n’était resté qu’un brin, à ses dires, mais depuis, c’était l’habituel silence-farigoule. Quelle drôle d’idée d’aller à Paris, comme s’ils se souciaient de nous ! Une erreur sur la personne, voilà ce qu’il en reste et baste. Ça ne méritait pas d’interrompre la scope ou le rami, et personne n’y parlait plus, pas plus que la mort qu’on redoutait autant qu’elle faisait bavarder — mais un temps seulement. Alors non, Picris ne répond. Il ausculte le visage de l’autre, qui déjà s’est détourné et parle cantonales avec d’autres encore. Des gilets velours, que ça. Ça vaut pas rien. Ce qu’il en sait, pour l’heure, reste en gueule. Un peu de brindilles colportées par les on-dit — on se fait un nid de mots, ça fait tenir l’hiver. Qu’on l’a vu discuter avec une ombre à l’estanco, qu’il a plongé dans la crau et semblait fatigué, qui boitait. Qu’il n’avait plus la mulesse. Qu’il l’avait donc laissée à quelque part. Qu’il a été croisé par le véhicule du Père Moure entre le château et la station d’épuration, à peu près. Que des gamins l’ont vu, géant barbu, dans ses frusques de mouton avec sa pipe, au guichet de la gare de Montélimar-ville. Qu’il aurait même bu une bière là. Qu’il est monté dans le train rapide, le tégévé. Ils sont là-dessus formels, qu’eux attendaient le téheuhère d’Avignon, qu’est large mais tout pété. Qu’en sus un bougre comme ça ça ne se confond pas, un maure, un minotaure, avec son costume de santon, des Ets Chono-Giar, Laragne, depuis 1862. On aurait dit le tambourinaïre de la crèche, fagoté comme pour un réclamation dans un mauvais film de Pagnol. Formels, ils s’en sont faits des gorgées chaudes. Ils ont bien rigolé. N’empêche, dans le train, il riait moins le farigouleBASTARD, qui voyait le soleil plus petit et traverser des plaines riantes de solitude, et les villages dessinés dans les almanachs de France, qu’est-ce a dit ? Tout ça reste muet, reste dans son nez au Picris, qui se ressert un jaune, parce que c’est pas tout ça, mais il y a encore vêpres.


----------------------


Que l’éléphant puisse à loisir se transformer aussi bien en fou qu’en évêque laissa Léon pantois.


----------------------


Non mais ça c’est l’encart, il est sur la Bal, essaye de l’ouvrir, mais il faut recréer tous les liens, il doit être dans son dossier, je pose une question, voilà, essaye encore, tous les liens un à un mais c’est de la folie, non mais ça c’est pas le dix pages, ça c’est l’encart, elle l’a laissé sur son dock, on peut l’ouvrir. Derrière son ordi un jeune homme brun soupire pendant que ses doigts courent sur le clavier. - C’est le doc que tu as ouvert, j’ai trouvé ça, oui, oui, je te parle de l’encart, comment je peux le faire, c’est pas le même, je rappelle l’informatique, ah bon, je te dis qu’il ne s’agit pas de ce doc, elle n’a pas bossé dessus, en même temps si elle te donne le chemin, c’est bizarre, c’est impossible que le doc soit fermé, essaye encore, le problème c’est qu’il doit bien y avoir quelqu’un qui sait ouvrir ce doc, tu pourras m’envoyer des pdf, et sinon Hélène peut l’ouvrir sur son bureau, je ne sais même pas ce qu’il faut faire, c’est un doc d’exé, quoiqu’il arrive c’est mieux de recommencer dès le début, il faut le mettre sur une clé usb, si je ne sais pas ce qu’il y a à faire comment je peux le faire, faut jamais travailler sur un doc d’exé, il faut l’afficher sur le bureau. La femme blonde exaspérée se concentre et va à un bureau plus loin. - Il faut insister lourdement, elle insiste lourdement, mais si elle a travaillé dessus hier, ah bon, comment ça se fait qu’on arrive pas à l’ouvrir aujourd’hui, rappelle l’informatique aujourd’hui, de toute façon s’il n’a pas accès au serveur, qu’est-ce qu’on peut faire, recréer les liens un par un, recentre la, voilà, c’est trop long, moi je comprends rien, faut juste qu’on m’explique ce qu’il faut faire, en fait on ne voit pas les visuels, je voulais savoir si c’est là dessus qu’elle a travaillé. Autour d’eux, des gens s’affairent, passent des coups de fil, discutent, c'est électrique. - Il faut remettre les visuels à gauche, là on tourne en rond, on repart d’un ancien doc, en somme faut repartir en arrière, ce qui m’inquiète dans la prochaine phase, sinon on ne peut pas travailler dessus, y a un truc, comment je peux le faire, tu m’appelles, on va tout recaler, ça va aller, c’est dans l’encart, ah bon, il faut prendre l’image à gauche, peut-être, il faut refaire tout page par page, sur quoi elle a travaillé. Voilà. Super merci bien je t’en prie.


----------------------


Elle se sent légère comme une bulle qui s'élèverait dans les airs. Bras repliés autour de ses genoux, elle admire le vent sur l'herbe verte encore mouillée alors que le soleil sort timidement de derrière les nuages. Ses poumons enflent d'une paisible tranquillité, son visage se tourne vers l'avant, les yeux ouverts et heureux. Comme la fin d'un orage, une page est tournée et elle avancera, certainement. Mais pour l'instant, l'immobilité de ce paysage lui suffit tandis qu'en elle un chant rayonne.

vendredi 27 janvier 2012

787 : jeudi 26 janvier 2012

Cette présence auprès de Tamel se faisait à chaque instant plus nette, plus dense. Elle avait à présent l’aspect d’une fillette de quatre ans aux yeux rieurs, aux traits doux. Avec elle il se promena à travers une contrée qu’il voyait pour la première fois. Toutes sortes d’animaux, de fleurs, d’arbres. L’un d’entre eux, visible de très loin, leur donna envie de l’approcher. A plus de cent pas on le voyait couvert de fruits de toute beauté dont ils eurent un début de saveur en bouche à l’instant même où ils les aperçurent. A vingt pas Tamel ressentit comme un frôlement à l’intérieur même de sa tête, une caresse : la caresse d’un maître à son chien. Au même instant une voix lui murmura une promesse intime. A ses côtés, la petite fille s’était arrêtée, avait agrippé son bras puis s’était mise à le tirer vers l’arrière, à l’éloigner de ce géant feuillu, en poussant de petits cris plaintifs. Tamel se retourna vers Damouce et l’emprise sur lui cessa. Tous deux s’éloignèrent de l’arbre.

--------------------

Ses doigts s'impatientent... Elle cherche à tâtons des clefs puis la serrure. Le froid la ralentit dans sa frénésie de se retrouver à l'intérieur. Enfin elle entre, s'assoit sur un tabouret au milieu de la cuisine et pleure.

jeudi 26 janvier 2012

786 : mercredi 25 janvier 2012

Les Oiseaux de Pascal, qui savent ce qu’ils savent, préfèreraient être assis au volant d’une voiture. Ils se verraient bien, pris dans la fumée des embouteillages, à regarder les Oiseaux de Pascal fendre le ciel. À les envier rageusement, dans la fatigue du matin.

-------------------

Ce serait un jour tendre. Le ciel serait d'un bleu sans violence, presque un ciel d'affiche, ou de dessin, juste un peu trop chargé de mauve, un bleu presque pur, mais l'enfant qui l'aurait dessiné aurait maladroitement lancé un coup de crayon, en chemin vers la maison ou l'arbre qu'il voulait tracer, et en le gommant, ce trait, il aurait laissé une trace blanche comme un sillage d'avion – et un petit nuage, léger, effiloché, s'effaçant pour éviter toute remarque, serait venu ce joindre à ce sillage.

-------------------

Sa vie se résume à des trains, des longues journées en transit entre un point et un autre. Il n'est chez lui nulle part et tout le monde le pense à son aise ailleurs. Paris, Londres, Amsterdam, Turin... À chaque fois il arrive avec son lot de réponse et sa fatigue des chemins parcourus. Pour les autres, il est une brise, un renouveau. Lui n'attend qu'une chose, pouvoir enfin s'arrêter, quelque part, humer le vent et ne penser à rien. Que personne n'aie d'attente ni besoin de lui, telle serait sa libération...

mercredi 25 janvier 2012

785 : mardi 24 janvier 2012

Des images la hantent, des visages, des bruits, des mots aussi qu’elle ne comprenait pas. Elle se demande pourquoi elle n’a pas su s’opposer à ceux qui la maintenaient anesthésiée. Isaure s’est échappée de cet enfer, elle s’est réveillée petit à petit. Au début, elle s’est enfermée dans le silence, fuyant les autres, rasant les murs, terrifiée par la conscience d’être encore en vie. Elle passait de longues heures à la fenêtre de sa petite chambre, les yeux fixés vers le ciel, cherchant dans ses couleurs un apaisement à sa souffrance. Elle parcourait la pièce dans tous les sens, se tapait la tête contre les murs, s’arrachait les cheveux, s’effondrait sur le carrelage, les mains plaquées sur sa bouche pour étouffer la longue plainte qui montait en elle. Puis elle s’est remise à écrire. Au début, son stylo ne tenait pas dans sa main. Les premiers mots tracés lui ont demandé des efforts surhumains, tant elle tremblait. Elle a patiemment rééduqué ses gestes. Elle a commencé par écrire son nom, des centaines de fois, pour l’avoir sous les yeux, pour pouvoir le lire, le prononcer, le graver dans sa mémoire. Isaure, je suis Isaure. Je m’appelle Isaure. Puis d’autres mots sont venus, ses doigts se sont déliés, elle ne parvenait pas à penser, les mots couraient tout seuls. Les tremblements se sont arrêtés au bout de quelques jours. Elle a pu à nouveau sortir, marcher dans les rues mais elle n’habitait plus son corps. Il était à côté d’elle et la suivait partout. Ca a duré longtemps. De ces mois, elle n’a de souvenir que sa souffrance – dans sa tête – une souffrance exténuante, lancinante qui l’empêchait de respirer. Ce qu’elle a fait, elle n’en sait rien. Elle n’était personne. Elle se souvient juste de sa petite chambre, de son lit, de l’évier à côté de la fenêtre, des toilettes sur le palier où elle allait vomir, des douches froides qu’elle se forçait à prendre qui la giflaient et la laissaient pantelante, hagarde, sans force. Elle s’enroulait dans la couverture, grelottante, reprenait son crayon et continuait son parcours de mots. Elle se souvient aussi combien elle aimait la nuit. Ca lui est resté. Elle sait maintenant qu’elle était une autre et que l’autre s’occupait d’elle. Lorsqu’elle a repris conscience de son corps, de son visage, de sa voix, elle a recommencé à vivre. Isaure aime toujours la nuit, le silence, l’écriture. Mais par-dessus tout, maintenant, elle aime la vie. Elle tente d’en rassembler les morceaux épars. Avec douceur et patience. En essayant de ne plus trembler.

-------------------

En son sommeil Tamel fit un rêve étrange qui anima autant sa chair que son esprit de dormeur. Bien qu’aucune lame ne l’ait approché, une blessure lui entaillait le ventre, sans que le sang ne coule pourtant, et de cette béance apparut une frêle pousse bourgeonnante qui, s’élevant peu à peu, finit par devenir un arbre au tronc vigoureux et au feuillage foisonnant. Celui-ci donna bientôt des fruits ronds et charnus dont la peau possédait toutes les nuances de couleur du jaune absolument pâle au rouge le plus vif. Ce songe et son arbre s’évanouirent au réveil de Tamel lorsqu’un oiseau perché dans le feuillage s’envola en poussant un cri de pie dérangée en pleine rapine. Resta à l’enfant le sentiment d’une grande solitude. Sentiment si intense que Tamel parvint à lui donner la consistance d’une présence, d’une compagnie, amie discrète à laquelle il prêta un visage, un caractère, une voix.

mardi 24 janvier 2012

784 : lundi 23 janvier 2012

Les Temporestres habitent de fragiles intervalles que pas même le truffier ne suppute. Ils se glissent en lascives épingles dans la tendresse du granit pendant que, bêtes comme foin, nous passons sans les voir. On croit parfois les entendre, mais c’est rare. Et toujours trop tard.

--------------------

Ce serait une grosse cohorte grise qui se lancerait, en grand élan, au travers de notre ciel, le barrant avec autorité en diagonale mouvementée, bosselée, creusée de lueurs, et la regardant je tenterais de croire qu'elle serait signe de la déroute de ma tristesse, annonce de la ruée d'une lumière dont il serait toujours temps de déplorer la violence, avec une mauvaise foi délibérée, quand elle nous baignerait enfin.

--------------------

Pour renforcer l’effet de surprise, penser à un orang-outan, la prochaine fois. Retour au temps des gorilles… les bonobos n’y survivront pas : c’est superbe ! Les femmes y parviennent, quant à elles ; happy for you. Est-ce que l’art et la vie deviendront, un jour, une seule et même chose pour tous (sept milliards d’humains) ? Je nous le souhaite. Oui, c’est vilain d’enseigner des mensonges !

--------------------

La fatigue, oubliée trop longtemps, avait, sans qu’il n’y prenne garde, envahi les membres, le regard et le front de Tamel. Petit à petit, il disparaissait derrière ce murmure douloureux mais profond et enivrant dans lequel il prenait plaisir à s’enfoncer doucement. Ce jour-là, depuis l’annonce de l’aube jusqu’à la disparition totale des étoiles, fut consacré à la somnolence, au rêve éveillé, aux songes profonds. En enfant, Tamel voyait ce repos comme une récompense. Il n’était probablement pas loin de la vérité.

--------------------

Elle imaginait sa soirée triste et taciturne, elle est comme ça, fatiguée un rien l'irrite et entraîne des larmes. Mais, une fois rentrée chez elle, elle n'eut à serrer contre elle que joie et rires qui l'accompagnèrent vers l'endormissement. Elle découvrit ainsi que la fatalité n'existait pas, et surtout qu'elle était libre de fracasser ses peines par des chants sereins. Demain, je serais heureuse, songea-t-elle avant de fermer les yeux.

lundi 23 janvier 2012

783 : dimanche 22 janvier 2011

Toute la journée, Tamel se trouva, le plus souvent de façon inopinée, en présence d’animaux des près, des bois, des rochers en bandes, en falaises ou solitaires, des hautes pâtures ou des ciels plus ou moins profonds. A chaque fois, il reçut le trésor du regard que l’on croise et qui dit « Aujourd’hui, aujourd’hui seulement peut-être, je suis ton ami. »


-----------------------


Elle est si fatiguée que les mots se déchirent dans se tête. Seul le sommeil pourrait les réparer faute de colle ou de scotch, ou encore de l'assurance que tout devrait être autre et que si rien ne va ce n'est guère de sa faute. Elle tourne sous ses couvertures et essaie de rêver d'une plage ensoleillé. Hélas, quand elle y parvient, la mer fait rage sous un vent furieux et c'est finalement la grisaille du ciel qui a raison de ses yeux et l'emporte vers la nuit.

dimanche 22 janvier 2012

782 : samedi 21 janvier 2012

Les Indibulles ne prononcent qu’un seul mot à la fois. Nous aussi, me direz-vous. Mais savons-nous vraiment en profiter ?

----------------------


Ce serait des petits nuages qui se contorsionnent, dansent lentement leur attente de la nuit, se poudrent de rose délicat en regardant le soleil sombrer majestueusement.

samedi 21 janvier 2012

781 : vendredi 20 janvier 2011

De C.P. à Mme Sordio — Madame, Vous vous rappelez peut-être de moi, mais nous avons dû nous croiser à peine ; je suis le facteur des vallées de Méouge, Toulourenc et part du Buëch. Je ne crois pas être jamais venu chez vous pour le courrier. Ce que je vous écris aujourd’hui, ironie du sort, c’est un autre postier qui le présentera à votre attention. Mais ce sont de bien tristes nouvelles que je dois vous transmettre, funeste messager. J’ai reçu ce jour un appel téléphonique de M. Jean-Louis Bastard que par le passé vous avez bien connu. Il me fait transmettre le message parce que d’une part il se méfie de ces appareils téléphoniques et ne souhaite pas multiplier les appels, mais surtout parce qu’il ne peut pas vous parler. Il ne peut plus vous parler. Je suis son seul confident, et la manière dont il communique avec moi — hors le téléphone — est plus que compromettante. Il m’appelle depuis un lieu lointain, un endroit qu’il ne sera pas possible pour vous d’imaginer, de localiser ; ni même vouloir. Il m’appelle d’un ailleurs si éloigné de notre main que ce ne serait que longues attentes éreintées ou délayages incessants qui seraient aussi nuisibles à vous-même qu’à lui. Par ailleurs, son élocution est très étrange, sirupeuse, mais brisée à la fois, dentale, digitale, je ne saurais dire, déformée par la distance mais aussi par tout un ensemble de dispositions physiques défaillantes dues au voyage. Ce voyage fut très long, et très éprouvant. On ne se rend pas compte d’ici, mais il est vraiment très loin parti, et très fatigué, très abimé par le trajet. J’en viens au message macabre pour lequel j’ai été mandaté. J’ai donc été chargé de vous informer, Mme Sorio, que depuis ce lieu où il se perd, M. Jean-Louis Bastard ne reviendra pas. Pas en tout cas de la manière dont il pouvait venir chez vous, physiquement, avec toute la force de ses membres, et toute la vigueur requise à votre personne. Il a décidé de ne pas revenir. Certes, il pourra toujours — mais difficilement comme je l’ai déjà dit, à la fois pour des motifs disons médicaux, mais aussi pour des raisons vulgaires et triviales : l’argent ne se trouve pas comme ceci, l’indigence dans laquelle l’ont jeté les différentes aventures de son pèlerinage, ce purgatoire, comme il aime à le nommer (vous connaissez son ironie et son sens de la formule) ne permettant pas plus à cette âme sans corps de s’attacher durablement à des réalités trop matérielles. Mais avant de ne pouvoir plus aussi aisément faire valoir ses droits d’être vivant sur cette terre, ou de citoyen dans ce pays, plus justement, il me demande enfin de vous indiquer que vous lui êtes chère, que vous êtes très essentielle à son cœur, et qu’il regrette par avance les rancœurs, les désagréments et les paroles ou les gestes malheureux que son absence ne manquera pas de faire encourir. Il vous supplie, il vous le demande sur ce qui lui reste de genoux, il vous supplie disais-je de ne pas commettre l’irréparable, à présent qu’il n’est plus présent pour faire de paravent. Il me supplie de vous faire entendre la nuit profonde, de bien écouter à l’oreille de la lune, que les prochaines montaisons et dévalaisons seront ardues. Il sait que vous comprendrez. Il sait que vous l’entendrez. Il vous nourrit de toute sa gratitude, de tout son respect et de toute sa joie, plénière, et indivisible. Il me fait part de son incorrigible printemps. Il me dit qu’il est inutile de vouloir user de ce messager (c’est-à-dire moi même !) pour en apprendre plus, car il ne sait rien, et même si, ne parlerait pas. (C’est bien vrai !) Il embrasse toute l’étendue, toute la surface de votre corps. Il s’allonge à vos pieds. Il passe pour vous. Il est passé. Bien à vous. FB.


-----------------------


Léon avait lu quelque part, ou entendu à la radio, à moins que ça soit dans un reportage à la télé qu’ils avaient dit ça, que le maigret de canard n’était en rien nocif pour ce qui était du risque d’attraper un infractus.


-----------------------


Un coup bâclé s’abat sur sa nuque, elle chancelle, amorce un mouvement de la main en direction de son pistolet. Déclic de la protection de l'Uzi qui se débranche, elle sent l’acidité de sa sueur, elle voit un rideau rouge passer devant ses yeux. C’est sur cet abruti va tirer, des forces obscures ont pris le contrôle de ce pantin, il va tirer, quel bruit va faire son crâne à l’instant où la balle va le toucher, l’os va-t-il exploser directement ou se fendre en craquelant pendant que la cervelle se réduit en bouillie, les neurones se déchirer comme une toile d araignée par une matinée froid, le cortex s’effondrer comme un escargot écrabouillé, la matière grise se liquéfier, est-ce que ça va être douloureux, un peu, beaucoup ou la zone de la sensibilité sera-t-elle être touchée la première et aucun ressenti, la douleur se propagera-t-elle a la vitesse de l'éclair jusqu’à toutes les extrémités de son corps, un cri aura-t-il le temps de se former dans sa bouche, avec un peu de chance elle ne sentira rien, ou pas, la pression du canon s’accentue au dessus de la tempe gauche, continuera-t-elle a bouger quelques secondes comme un canard sans tête avance… Elle essaye de ralentir sa respiration, mais pourquoi il ne tire pas maintenant, le nuage noir monte du sol, elle ne voit plus ses mains, mieux vaut il fermer les yeux pour mourir ou les garder grands ouverts, si ça se trouve la mort c est un couloir de lumière donc il vaut peut être mieux les fermer, elle ferme les paupières puis les ouvre sans pouvoir se décider, les ouvre mais ne voit plus rien, peut être déjà passée de l’autre côté. Un grand bruit, une déflagration, le tracée lumineux d une balle au dessus de son crane, le bruit d un corps qui tombe, se retourner, aucune présence, il s’est effondré brusquement, le brouillard partout, Emmanuelle re-règle ses lunettes infrarouges au niveau le plus lumineux et d une démarche hésitante se dirige vers la sortie à petits pas traînants.


-----------------------


Méditer. Ondoyer. Aux vents hurlants ou caressants. Se projeter sur les nuées blanches et grises aux nuances rousses et roses, jaunes bleues mauves et le soir au ciel pourpre, rougeoyant au couchant. Se faire prisme, si l'arc en ciel se déplie au-dehors sur un ciel de pluie. Se fixer tour à tour sur l'onde de lumière solaire, violente lame de fond, sur la symphonie de gouttes de pluie, sur les miroirs aux sols verglacés, sur le tournoiement des flocons de neige. "... et puis nous regardions passer de temps en temps les bancs de petits poissons d'argent, aux reflets scintillants, censés mouvoir le ciel."


-----------------------


Un lapin traversa le chemin sur lequel Tamel progressait mollement et, après quatre bonds qui le conduisirent de l’autre côté, juste avant de disparaître dans un buisson, tourna la tête vers l’enfant. A cet instant, il apparut à Tamel, comme une révélation, que ce nom de « lapin » convenait tout à fait au petit être bondissant et l’enfant fut étonné de cette merveilleuse coïncidence. Celle-ci se renouvela toute la journée lors des rencontres successives d’un dindon, de canards, d’un chevreuil, de cochons et d’un ânes. La journée achevée, Tamel s’endormit dès qu’il se fut allongé sur un tapis de feuilles mortes, comme après très un long travail.


-----------------------


Le son de sa voix glisse contre sa peau et disparaît dans le sommeil.

vendredi 20 janvier 2012

780 : jeudi 19 janvier 2012

Chez les Métamécaniches on remonte son enfance avec une clé. Il n’est pas rare d’apercevoir, au coin d’une rue, un vieillard à bout de souffle qui se cabre soudain comme un arc puis bondit comme un chevreau. On devine alors qu’il vient de reprendre plusieurs lustres de verte innocence et d’imminents désastres.

---------------------

Les rubans s'emmêlaient au centre de la table, vagabondaient en une fugue joyeuse sur la nappe, et à trop se pencher passaient par dessus bord pour dégringoler jusqu'au sol. J'aimais regarder leurs cascades soyeuses tandis que maman cousait inlassablement.

jeudi 19 janvier 2012

779 : mercredi 18 janvier 2012

Ce serait deux tout petits nuages blancs, comme un signe de ponctuation, très brillant, presque éblouissant, posé sur une nappe en fuite de traces blanches, si fines que transpercées par le bleu dur du ciel en travers duquel elle était jetée, deux petits points ponctuant la présence, un peu plus haut d'un nuage tourbillon dont ils semblaient avoir été éjectés. Ce serait rester un moment, interrogatif, ou intrigué plutôt, devant ce dynamisme qui nous survolerait, tenter de le suivre, s'impatienter de constater la lenteur de cet élan.

-------------------

Tamel était demeuré replié sur lui-même depuis trop longtemps. Ses membres protestèrent lorsqu’il voulut les remettre à l’effort. Il parvint cependant, après plusieurs tentatives infructueuses ponctuées de chutes qui lui laissèrent quelques écorchures incrustées de poussières, à se mettre en marche. Il avait choisi un chemin de terre dépourvu de caillou, légèrement en pente descendante pour soulager ses muscles récalcitrants. Ce chemin le conduisit jusqu’à un petit à ruisseau, au bord d’une prairie, si calme qu’il semblait presque immobile. Tamel se pencha sur l’eau. Il eut alors le sentiment d’avoir créé des profondeurs de l’onde un être vivant, de lui avoir insufflé la vie et, lorsque lui-même se leva, pour poursuivre sa route, d’avoir accordé à cette créature, pour laquelle il sentait en lui un fort élan de sympathie, la liberté d’agir à sa guise.

-------------------

Il retient de son baiser un goût de sucre sur sa langue, une odeur d'amande grillée, et cette chaleur qui monte en lui presque pour la première fois. Des années plus tard les premières chaleurs de l'été, encore, le transporteront ce soir-là, vers cette lumière dorée d'une première fois.

mercredi 18 janvier 2012

778 : mardi 17 janvier 2011

Les Patentés doutent à ce point d’eux-mêmes qu’on les dit cartésiens morts dans l’œuf. Ils en seraient restés à l’âge crépusculaire du Malin Génie, comme à une sorte de stade anal de la pensée. Mais les Patentés se moquent pas mal de ces considérations. Car s’il y a une qualité qu’il faut bien reconnaître à celui qui n’est pas même certain d’exister, c’est le sens de la légèreté. Ainsi va le vent, délestant encore l’ego qui flageole.

---------------------

Elle apprend à rationner ses mots comme autrefois on mesurait le pain. Elle donne un peu chaque jour, un peu d'amour, un peu de temps, dans son épuisement elle prend bien garde à en garder pour le lendemain. Parfois elle s'en veut de ses gestes en demi-teinte, de ses élans avortés, de cette joie tapie au fond d'elle qui pourrait être mais qu'elle n'ose sortir vers la lumière tandis que son bonheur s'étiole.

mardi 17 janvier 2012

777 : lundi 16 janvier 2012

La fac de Rouen est donc l'abbaye de Thélème : c'est bon à savoir. Albert Cohen aurait dit "départ ivre vers la mer", mais ça revient au même. Chouette, une heure de dodo en plus... the beautiful wild ? Autre beauté devenue reporter de guerre : Lee Miller. Rien n'arrête les canons, décidément ! Quand le bac était "splendide", que pensait-on du doctorat ?

-------------------

Je vous aime. Comment ? Que dites-vous ? Excusez-moi, je n’ai pas compris. Je vous aime… C’est ce que je dis. Mais… Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas ! Nous sommes- nous déjà rencontrés ? Je suis ce que je dis. Je vous aime, c’est tout ! Etes-vous sûre d’avoir toute votre raison ? Que vous arrive-t-il ? Voyons, cessez donc ! Vous ne comprenez pas : je vous aime ! Cela ne vous suffit-il pas ? Oh ! Bien ! Comme vous voulez ! Je m’en vais. Lâchez-moi, s’il vous plaît ! Vous ne m’empêcherez pas de penser que/ Je vous aime. Ne soyez pas fâché ! C’est ainsi. Vous n’y êtes pour rien. Laissez-vous aller. Est-ce que je vous plais ? Non ? Tant pis ! Je vous/ Taisez-vous ! Vous êtes ridicule ! Vous vous donnez en spectacle. Allons ! Laissez-moi tranquille ! Savez-vous… Savez- vous combien de temps j’ai mis à vous trouver ? Comment ? J’ai passé un temps fou à vous chercher ! Des mois ! Et maintenant, vous voulez que j’abandonne ! Vous êtes injuste ! Vous ne me connaissez même pas ! Ah ! Vous voyez ! Enfin, vous avouez ! Je ne vous ai jamais vue ! Reprenez vos esprits ! C’est insensé ! Que voulez-vous que je fasse ? Je vous aime, je le sais, je vous ai choisi, s’il vous plaît, croyez-moi ! Oh ! Mais cela suffit ! Foutez-moi la paix ! Vous êtes cinglée ! Allez-vous-en ! Quelle folle ! La colère vous va bien ! Je vous aime, vous l’entendrez partout où vous irez ! Vous ne pourrez plus vous en passer ! Je serai partout avec vous. Laissez-vous faire, je prendrai soin de vous ! Je… Eh ! Lâchez-moi ! Vous me faites mal ! Ah ! Oh ! Où m’emmenez-vous ? Dehors ! Allez ! Avancez ! Plus vite ! Cessez de crier ! Là ! Maintenant, écoutez-moi bien : vous allez disparaître de ma vue ! C’est compris ? Adieu ! ... Appel à témoins : la police recherche des personnes susceptibles de fournir des renseignements pour le meurtre d’un quadragénaire. Hier, vers 19 heures, rue du Saut, un homme d’une quarantaine d’années a été retrouvé mort sur le trottoir, victime d’une balle en plein cœur. Toute personne pouvant fournir des indications sur ce drame est priée d’appeler le 0360…

-------------------

Aude aurait aimé tordre le cou à ses déceptions ou à un poulet, ou encore à sa voisine de bureau, elle ne savait plus trop. À chavirer dans les mollets de Gaston, elle avait perdu ses repères, surtout depuis qu'il ne la désirait plus, et ses jours se languissaient dans des étourdissements doux amers au goût de bonbon à la violette sur fond d'apéro à la Chartreuse.

lundi 16 janvier 2012

776 : dimanche 15 janvier 2012

Les Flaminfouèches naissent un pied scellé dans la tombe. Avec le second, ils se perdent en conjectures pour les uns, en pédicures pour les autres.

-------------------

Ce serait un monde en gris doux, une assemblée de nuages, du charbonneux au gris de souriceau, entourant en un demi-cercle un peu désordonné, sans ostentation - une idée de cour – une gracieuse zone, légèrement courbe, qui s'élèverait en lumière blanche, presque en gloire, une transparence.

-------------------

Deux yeux ronds se hissent à la lucarne en bois ciselé, au petit toit de tuiles ondulées... Les doigts potelés de Lucas ont eu du mal à arriver jusque-là. Il a fallu éviter Tante Simone aux yeux bleus perçants et grimper sans bruit l'escalier grinçant menant au grenier. Plusieurs fois, il s'est arrêté en retenant sa respiration, imaginant le pire et ne reprenant ses esprits qu'une fois assuré que le train train des adultes continuait sans lui. Enfin au grenier, il du tirer un tabouret vermoulu et se battre contre les toiles d'araignées profusionnant les lieux. Ses doigts s’accrochèrent au chambranle de la fenêtre afin de permettre à ses yeux de voir le jardin et les adultes semant œufs et chocolats en chuchotant entre eux. Lucas repéra, tant qu'il put, tant que ses doigts parvinrent à tenir il mémorisa les bons coins à friandise, avant de lâcher, et de se retrouver les quatre fers en l'air, le dos maculé de poussière mais l'estomac déjà dans l'expectative.

-------------------

Il avait dormi sans rêve un peu de temps. La nuit, l’aube nouvelle, puis s’était éveillé sous un soleil rayonnant. Du Sud, un oiseau noir et blanc à grande queue traversa le ciel. En son milieu, il croisa deux colombes qui volaient en sens inverse. La même scène se déroulait simultanément au sol, où, d’Ouest et d’Est, les trajectoires parallèles d’un sanglier et d’un chevreuil se rencontrèrent à deux pas seulement du lieu où Tamel venait de les créer.

dimanche 15 janvier 2012

775 : samedi 14 janvier 2011

Un vent violent chassa du ciel les nuées qui s’y étaient amoncelées. Comme si les nuages les avaient inventés en se retirant, le Soleil et la Lune, chacun à une extrémité du ciel, se défiaient. Tamel songeait à sa voûte intérieure, y cherchant l’écho des deux luminaires. Un LA grave emplit son oreille. Il sut alors que les deux mondes venaient de s’accorder.

samedi 14 janvier 2012

774 : vendredi 13 janvier 2012

Parfois, les SPP en ont marre d’enregistrer des CA sur PROGIMAD, d’incrémenter des CRE sur leur Base PK ou de compiler des données rata pour les convertir ensuite en PH à fort potentiel anti-émollient. Alors soudain, ils font une TS ou un AVC. Ou bien ils versent une larme de sang et se transforment en longues phrases joufflues spermatiquement irrécupérables qui vous tonitruent la caisse enregistreuse comme une fanfare tzigane.


----------------------


Longtemps Léon pratiqua l’auto-crucifiction.


----------------------


Alors qu’il s’émousse dans le train pour Paris, farigouleBASTARD lentement décortique le jour et s’enfonce dans sa chair, comme dans l’eau, où il foumouge. Il voit la Vieille, douze ans auparavant, qu’il a connu dans un bal. Il voit Celle, douze ans après, pour attirer l’attention de laquelle il aura tout fait. Il voit Picris qui lui fait lire ces trois “papelards” qu’Excofier lui a remis. Dans Le Figaro Madame : Une grande rétrospective consacrée à l’artiste s’installe au musée d’Art moderne de Tayance. L’occasion de redécouvrir l’œuvre fulgurante de cet artiste intransigeant issu de l’underground haut-provençal. Dans Télérama Le centre Tan présente une rétrospective consacrée à l’œuvre de farigouleBASTARD. L'exposition nous guide au coeur de ce que les commissaires ont baptisé "Chemin", car l'évolution du processus créatif de l'artiste se révèle intimement lié à son parcours personnel entre désenchantement et sobriété, utilisée alors comme antidote. Sur le site de TFINews S'il est un évènement à ne pas manquer cet été, c'est la rétrospective farigouleBASTARD au Centre National de Gangres. L'exposition, qui réunit près de 120 œuvres provenant de prestigieuses institutions internationales et de collections particulières, propose, en une approche inédite, une traversée de l'œuvre. Dans un parcours à la fois didactique et vivant, l'exposition montre les deux fondamentaux de l’artiste : le trait, hérité de la pratique des arts martiaux, et le mot comme vecteur de formes artistiques nouvelles. Le parcours proposé s'organise autour de douze thèmes qui mettent l'accent sur les grandes problématiques plastiques du travail et témoignent à la fois de l'originalité et de l'évidente résonance contemporaine de l’œuvre de farigouleBASTARD. Il ne voit plus rien finalement car il est aveuglé, tout le jour perce son œil et jusqu’à son cerveau il lui semble, un peu comme lorsque. N’avait rien demandé farigouleBASTARD, qu’on lui laisse simplement s’intéresser à la chose, lui qui s’intéressait à tout sauf à elle — pas plus qu’il n’avait composé d’ « œuvre », n’avait participé à un quelconque « underground », ni érigé de quelconques « fondamentaux », sauf à ce que vivre par tous les temps à plus de mille mètres et vivre avec des bêtes dont on s’imprègne de l’odeur et du destin et du peu de langage, sauf à ce que les ciels lavés des pluies, ou les pentes embuées de neige, sauf à ce que le froid dans les os, et la maison presque en ruine, sauf à ce que les ongles noirs, les pieds incarnés d’os brisés, les bras ballants, le dos en miette, la barbe longue et sale, la crasse ergotée dans la chair, sauf à ce que la suie sur les murs, la carreau du fenestrou brisé, les monceaux d’écorces sur la terre battue, les échardes, les crampes, les barbelés plantés ça et là, les moteurs cassés, les bêtes bouffés par les loups, les nuits seul et les jours qui se ressemblent comme des maillons, et le vin pour laver cette vie de crasse et de misère, et la pipe comme seule compagne, et le chien qui est mort, et la mule qui a disparu, et l’hiver qui revient, et tout recommencer et jour après jour, année après année aller moins vite, aller moins facile, aller moins bien, pour se sortir de là, il n’y a que la corde, que la corde, on ne peut pas dire qu’on n’y a pas pensé, on ne pense même qu’à ça et le jour et la nuit passent dans le chas de la corde et nondidiou si on peut appeler ça une œuvre, alors on peut bien prendre le train pour Paris, on peut bien se jeter de la crête et voler, on peut bien danser avec un ours, désirer une femme jeune, la vouloir dans son lit de torches sales et de pailles humides, et l’aimer jusqu’au bout, c’est décidé.


----------------------


Survint bientôt l’instant au cours duquel Tamel s’aperçut de ce que son œil émettait à nouveau cette discrète lueur, en accord avec La Lumière, cette lueur ténue dont le scient ignore tout et sans laquelle pourtant aucune rencontre ne serait possible, aucune image ne pourrait naître en l’esprit. L’œil de Tamel voyait ainsi à nouveau les arbres danser sur les pentes rocailleuses et s’appliquer à leur tache dans les vergers de la vallée.


----------------------

Tout à coup il s'agit d'ignorer l'évidence, d'édulcorer ou de segmenter. Marc ne peut pas. Cet homme en rectangle immense et doux est face à sa vie et aux choses. Il aimerait se raconter une histoire, se raccrocher à ce qui n'est pas mais c'est impossible. Il se doit d'être fidèle à lui même, dans son intégrité et, surtout, dans le respect de lui-même. Alors ce soir, Marc pleure en silence. Son corps imposant assis sur un banc, les pieds dans la neige d'un parc, il regarde le paysage figé de l'hiver en laissant de gros sanglots le secouer.

vendredi 13 janvier 2012

773 : jeudi 12 janvier 2011

Ce serait un gai nuage blanc, éblouissant, juste adouci par de douces ombres, qui galoperait dans la gloire lumineuse d'un début d'après-midi, comme emporté dans une danse joyeuse, laissant s'effilocher derrière lui, se perdre dans le bleu, un semblant de mèches légères.

-------------------

Une partie de l’eau qui avait coulé sur sa peau demeura sous lui et s’y immobilisa tandis que l’autre partie, ayant profité de la chaleur de son corps, redevint vapeur, s’éleva puis se condensa en de beaux ensembles ronds et blanc qui formèrent un troupeau lequel s’éloigna lentement devant Tamel. En suivant ce mouvement, l’enfant s'aperçu de la présence réconfortante de montagnes élevées semées de rocailles, de bosquets d’épineux, de forêts et de pâtures.

-------------------

Son visage est d'abord blanc de choc. Il n'y croit pas, c'est impossible et grotesque, c'est humiliant et publique. Peu à peu, son visage s'empourpre d'une gêne immense, mélange d'embarras et de pudeur. Quelques gouttes suintent sur son front tandis qu'il attend que ce moment passe, ces instants de vie que pour jamais au monde il ne revisitera.

jeudi 12 janvier 2012

772 : mercredi 11 janvier 2012

Pendant que nous ramons, les Naïades butinent le lit des rivières, folâtrent dans les torrents s’enroulent dans l’écume de tous les océans. Mais elles rêvent chaque nuit de l’étreinte fugace d’un galérien amer.

-------------------

Mes yeux se ferment dans les tiens.

-------------------

Pendant son sommeil, Tamel rêva. Sa bouche aspirait l’espace autour de lui, s’y baignait à l’envers, puis l’envoyait vers le ciel au milieu de nuages de vapeur qui moutonnaient tout autour de lui jusqu’à créer un firmament. Bientôt, il plut. Son visage fut caressé par les gouttelettes tièdes qui s’écoulèrent ensuite en différents chemins de son corps vers cet envers du ciel … dont il ne savait plus le nom.

mercredi 11 janvier 2012

771 : mardi 10 janvier 2012

Ce serait, préparation infiniment douce aux yeux dans la nuit, autre vision plus focalisée et floue à la fois, un rose de chair illuminée, une condensation de lumière en adieu qui se répandrait, se diffuserait dans le bleu mourant, qui l'accompagnerait dans son naufrage, sa lente dérive vers la profondeur bleue de la nuit, chemin imperceptible, arrivée brutale – et marchant, les yeux attirés irrésistiblement dans le ciel, nos pensées, soucis, joies, souvenirs, ou absence, sans relation avec cette vision, en serait teintés involontairement, inconsciemment, d'une langueur joyeusement nostalgique.

-------------------

Mes yeux se ferment dans les tiens.

mardi 10 janvier 2012

770 : lundi 9 janvier 2012

Question "velue" : le tableau de Courbet est-il une œuvre d'art ? Dans les jardins publics, sur une pelouse bien verte... Je dois croire en moi-même, car j'écris tous les jours et j'en vis. Ou bien de la sauce au chocolat ? Bons exemples et à mon sens, Courbet se situe entre Duchamp et Manet.

-------------------

Chez les Astrolabes, en guise de tournée du patron, c’est un coup de pied au cul et bonsoir Madame ! Vraiment, il faut le voir pour le croire.

-------------------

La lumière était partout présente autour de lui. Une lumière à laquelle semblaient mêlées de sombres nuées. Le désir lui vint que cette confusion cesse, que la clarté caresse son corps soudainement affamé et que l’obscurité patiente un peu jusqu’à ce que survienne un espace ou un temps qu’elle pourrait occuper en totalité. Alors les nuées se replièrent sur les côtés puis furent aspirées par la ligne d’horizon. Tamel put goûter avec délice de tièdes lueurs qui baignaient toutes les fibres de son corps. Il s’endormit.

-------------------

Elle se penche vers le cercueil. Dans la boite, une petite femme fripée et sèche au teint cireux. Autour, des gens serrés contre leurs larmes effrayées. Ils ont peur de la mort, de ce rappel à la réalité. Ils regardent, la planche, les clous, ils font leurs adieux. Jeanne, elle, regarde pour vérifier que la salope est bien morte.

-------------------

Vagues Cela vient par vagues. Sans-doute est-ce pour cette raison qu’elle redoute de mourir noyée. C’est un rappel à l’ordre. Elle doit s’y mettre. Elle a du mal. Elle sait déjà que ses écrits risquent de bouleverser leurs vies. Elle s’en moque, cela fait trop longtemps qu’elle se tait. Ce sera une mise au point, juste ça, pour leur dire, à tous, qu’elle n’est pas dupe, qu’elle ne l’a jamais été, qu’elle a toujours vu, entendu et compris. Une revanche ? Un règlement de compte ? Non ! Elle a trop souffert pour vouloir se venger. Une trace, pour leur montrer qu’elle est différente, qu’elle est consciente du monstrueux gâchis, qu’ils peuvent se vautrer dedans, mais qu’elle ne les suit pas. Elle a pris d’autres chemins sur lesquels il fait bon marcher, plein de senteurs et de couleurs. Ils n’ont pas idée du bonheur qu’elle ressent, même si celui-ci est souvent assombri. Bonheur et tristesse s’entremêlent. Une vie, sa vie dont elle a éloigné coûte que coûte leurs odeurs nauséabondes, leurs histoires sordides, leurs mensonges éhontés. Tout ira bien, se dit-elle, tant qu’elle parviendra à rester à l’écart. Elle s’interroge encore sur le bien-fondé d’une telle entreprise : c’est une partie de sa vie qu’elle a volontairement engloutie. Mais les morts remontent toujours à la surface. La nature humaine est étrange. Elle a appris pendant des années à décrypter les signes avant-coureurs de malaises, engendrés par la remontée de souvenirs. Elle s’est employée à les chasser, puis à les regarder en face, à les analyser. Voyage douloureux, traversée glaciale de paysages fangeux, dans lesquels il est difficile de survivre. Pourtant, elle a survécu, elle a simplement tourné son regard ailleurs, elle a mis des mots sur sa souffrance, elle reste frileuse mais elle a découvert un autre monde. Et c’est là qu’elle a compris : celui dans lequel on l’avait fait vivre était un monde d’épouvante. Ils n’ont rien vu, ils l’ont niée, reniée, pour eux, elle n’était rien. Ils n’ont pas pensé un seul instant que le silence était sa porte de sortie. Longtemps, elle s’est crue dans un rêve, la lumière était trop forte, l’air trop pur, l’ombre s’accrochait à ses pieds. Elle était en mille morceaux mais vivante. Le bonheur est venu doucement, par petites touches, parfois, elle avait l’impression qu’un peintre lui donnait vie, elle appréciait la douceur du pinceau. Elle sait qu’elle a mis du temps à choisir les couleurs, les nuances, le paysage. Le tableau n’est pas achevé, il y manque un morceau. Des vagues, peut-être, quelque part…

lundi 9 janvier 2012

769 : dimanche 8 janvier 2012

Ce serait un halo, dans un ciel sombre qui en serait gorgé de bleu mort, un creusement vers la lumière, un effort de celle-ci vers un surgissement, une transparence de plus en plus claire qui serait filtre, une impression d'un trou dans lequel nous tomberions, au dessus de nous.

-------------------

Elle n'avait pas la force de monter à l'étage pour préparer sa chambre. De fatigue, Adèle s'enroula sur le canapé et s'endormi, un coussin calé dans ses bras et retenant sa tête.

-------------------

Tamel guérissait. Petit à petit, des parties de son corps réapparaissaient se dépliaient, depuis la parcelle de néant où elles s’étaient réfugiées pour se protéger des paroles armées de dents et du désir de mordre sans toucher, à distance [il les avait nommé mEGO]. Le calme était revenu au-dehors. Bientôt Tamel pourrait à nouveau respirer librement et peut-être même marcher et tenter lui aussi, comme l’ami lointain, d’émettre son propre « touhytt…touhytt…touhytt », voire de véritables phrases. Mais il lui faudra se rappeler qu’il est des lieux où la porte, si elle semble ouverte à tous, avertit en réalité de la présence d’un lieu privé où le geste la langue et jusqu’au sourire sont codifiées. De ces parcelles du réel, il ne devra plus s’approcher.

dimanche 8 janvier 2012

768 : samedi 7 janvier 2012

Les Citoyens pourrissent sur pied en moins de temps qu’il n’en faut pour bâtir le socle sur lequel. Ils ont donc fait de la rusticité de leurs memento mori une sorte de devise nationale.

------------------

Jeanne se pencha. Elle aurait du pleurer sans doute, mais au final elle ne ressentît qu'un immense soulagement alors que le silence s'installait. Il y avait deux corps mais qu'un seul cœur à battre dans la pièce. Enfin une infirmière entra et brisa son immobilité. Il allait y avoir une suite, il devait y avoir des choses à venir. Pour l'instant Jeanne ne savait plus.

samedi 7 janvier 2012

767 : vendredi 6 janvier 2012

Le chant lui parlait. Sans réelle intention, l’être lointain renvoyait vers Tamel une grande part des petites parcelles de l’univers qui lui parvenait et qu’il laissait rebondir sur sa surface lise, leur donnant parfois un peu de couleur ou d’odeur supplémentaire. Si l’on avait pu lire dans la conscience de ce soleil, un petit refrain se serait fait entendre : « touhytt…touhytt…touhytt », à l’intérieur d’un halo de grande bienveillance.

-------------------

Dans les vestiges de l'ombre, une étincelle s'agite. Franck est sur le toit, encore. Assis sur la crête, il observe la ville, une bière à la main. Bientôt, l'aurore donnera naissance au jour, au songe d'un lendemain. En attendant, il reste, sur le toit, dans le vent un peu froid. Dans l'entre-deux de promesses non tenues qui lui permettent de continuer, d'attendre, d'espérer.

-------------------

Jeu Prenez une feuille blanche et un crayon à papier. Debout ou assis, fermez les yeux et pensez à un visage. Imaginez que vous le parcourez du doigt… le front, les sourcils, l’arête du nez, les joues, la bouche dont vous suivez lentement le dessin, le menton, les oreilles… Ouvrez les yeux et prenez votre crayon. Dessinez immédiatement ce visage. Ne trichez pas. Qui voyez- vous ? Si cela vous dit, vous pouvez nous le raconter. Vous pouvez recommencer l’expérience avec un mot que vous tracez les yeux fermés. Vous devez voir votre doigt qui dessine chaque lettre. Ouvrez les yeux. Écrivez ce mot. Quel effet cela fait-il ? Vous sentez-vous détendu ? Bien. Maintenant, allongez-vous. Fermez à nouveau les yeux et imaginez que vous êtes un géant et placez vos deux mains autour de la terre. Qu’allez-vous faire ? La caresser ? La secouer ? La faire rouler ? La lancer ? L’écraser ? La déplacer ?... Si vous jouez à plusieurs, il est intéressant de connaître ce que chacun a imaginé. Vous pouvez aussi mener le jeu en famille ou avec des amis. Demandez-leur, par exemple, de vous décrire le monde, toujours les yeux fermés. Chacun à son tour dira ce qu’il voit. Notez tout, avec le nom de chacun. Cela ne doit pas durer plus de cinq minutes par personne. A la fin, lorsque tous se sont exprimés, relisez ce que vous avez noté. Vous serez étonné du résultat et les réactions ne manqueront pas. Les variantes de ce jeu sont infinies. N’hésitez pas à en proposer.

-------------------

La déesse, toi et moi, celui qu'on appelle le simple, on voguait vers là où le soleil se lève. Aujourd'hui je me souviens de ce long trajet monotone qui, sur le coup, m'a semblé insignifiant. Qui saura, un jour, toutes les conséquences qui ont découlé de cette dérive ? La puissante déesse s'était engagée pour te protéger contre vents, marées et même pire. Tu te concentrais pour trouver le meilleur retour, le courant, la vague. Et moi, peut-être que je découvrirai demain la nature du lien mystérieux qui vous unit. Décidée à faire un tour chez les mortels, Athéna prit cette fois l'apparence d'une chouette blanche. Cette nuit tu rêves du sourire de ta femme, le reflux des vagues te réveille, les paysages défilent, un sourire aimé disparait et tu regrettes ta vie d'avant. Plus tard, vieux et sage, je découvrirai la chasse, passerai ma vie dans les bois. Athéna avait tenté de convaincre d'autres dieux de te prêter main forte, mais beaucoup préféraient ne pas se mouiller, un mortel errant et confronté à la colère de la mer leur semblait condamné d'avance. Un beau matin, tu débarques sur une crique pelée, comme à chaque fois mes pas s'incrustent dans tes traces comme s'il n'y avait aucune autre issue. Nous parcourons une forêt d'oliviers en espérant découvrir âme qui vive, mais rien, même pas un chien errant, on tourne en rond... Une chouette blanche regardera ton navire disparaître à l'horizon puis s'envolera dans des piaillements rauques. Emporté jeune dans les tourments de la guerre et des voyages, j'avais oublié d'où j'étais parti; quand je me posais la question en fermant les yeux, aucun paysage n'apparaissait sous mes paupières. Toi, tu revois systématiquement le doux sourire de celle dont tu es si loin à chaque fois que le soleil se couche, à chaque battement d'aile de mouette, à chaque grondement de ressac. La chouette blanche disparaitra derrière l'horizon et nous tenterons une fois de plus d'oublier nos divagations, les déesses virevoltantes et les femmes éphémères... Quand il y a plusieurs années, j'avais appris que ton armée se préparait, j'avais couru jusqu'à la plage pour rejoindre les premiers convois; un matin béni où l'air était léger, le ciel rose et où, jeune, insouciant et ignorant du pouvoir des dieux, je me précipitais sur tes traces et dans la gueule du destin. Te soutenant depuis le début, Athéna apparaitra ici et là et ailleurs, sous diverses formes, et heureusement remettra plus d'une fois ton navire sur un bon cap. La déesse mettra un point final à ton interminable histoire : après d'interminables péripéties tu rejoindras ta femme, elle sourira comme jamais ; désorienté, je disparaîtrais dans des circonstances plus ou moins brumeuses; à moins que, lassé de la chasse et nostalgique d'expériences exotiques, une envie viendra, celle de raconter ton épopée, ou du moins de tenter de le faire sans oublier aucun détail...

-------------------

Excofier, au comptoir du troquet, en bas, évoque cette fille qu’il appelle étrangement Celle. Contrairement au prévu, elle n’est pas familière du Tone. « Elle aurait trente printemps et vient de la ville — attention, je ne dis pas Sisteron ou Gap ou Vaison, mais bel la ville, la capitale même. De Paname oui, messieurs, aussi vrai que je vous vois. Elle aurait aussi de la famille dans le coin — pas lui donc, pas le Tone, qui l’a simplement hébergé contre un peu de travaux ménagers, depuis qu’il est veuf, vous savez — et elle aurait hérité de la ruine du Rehaut, mais vu l’état, n’est-ce pas. On l’appelle Celle, ça pourrait être un prénom de chez nous. » Le mot s’est répandu, et vite parce que du neuf est rare ici. Surtout du neuf vivant. On a bien sûr des vacanciers, des passants, des pressés, qui s’installent ou à peine, et achètent et restaurent des maisons. Et ça y est, l’autre est parti sur un autre chemin, comment trouver une distillerie qui permette d’éviter les taxes et d’émonder un peu de vigne, de poires ou de noix dans l’alcool. On passera au prochain cochon, aux incuries du conseil municipal, et au SPANC, qu’il va falloir que je refasse tout dans le gazon et qui c’est qui va payer ? farigouleBASTARD est resté comme avec une truite dans la gorge — à plus pouvoir bouger. Et c’est un long travail de tuyauteries et de bulles qui éclatent dans ses abajoues pour se donner un masque satisfaisant. Et déjà parti, à remémorer sa rencontre et que cette jeune femme et ci et mi. Pour ce qui est des femmes, il n’y avait guère de place ; et la place la prenant toute, avec clapiers et mises bas, et fourrage et la pipe, qu’elle en était pas plus attirante. Le travail ça permet d’oublier qu’on est seul, et puis les bêtes. Et puis on s’accommode mal d’un berger, à marcotter toujours ailleurs qu’on pense. Il y a avait bien eu toute l’histoire de la Vieille mais ores préfère ne plus y penser, ne pas se rattacher à ça comme à un souvenir, quelque chose de soi, un sol solide où poser le pied. Extravagance, errance, erreur, une méprise, un malentendu, tant la vie et le monde en est empli, on n’a plus à raisonner cela. Dix, quinze, vingt après, alors que tout n’a été que laines et bouquets, voilà qu’on trouve un peu de bleu dans le ciel et de rayon au soleil et moins de piques à demain. Voilà qu’on se lève soulagé, moins écrasé par la nuit puis le jour. Voilà qu’on noie moins ses mains dans le sale ou l’alcool ou les herbes grasses sous une forme — ou l’autre. Il allait falloir s’y mettre, tâcher de descendre, tâcher de vérifier qu’une bouche, on l’a bien, et que même rouillée, elle est encore là ! Tâcher de nettoyer ses doigts de la crasse de la fatigue et du mal des os qui la fige comme celle d’un mort. Tâcher de trouver des prétexte, dans le tableau, pour dériver avec, pour s’y lover comme jusque là dans le silence. Ô farigouleBASTARD redevient un homme ! Ô farigouleBASTARD vient se frotter au monde ! Ô farigouleBASTARD lâche la crête et vient brûler ses ailes au quotidien ! Elle serait splendide, la bergerie nettoyée, comme un petit château à défendre, comme un four à pain qui serait la seule source des rivières au village, et là choyée, comme un petit graal, en un seul morceau, bijou prononçable, un trésor qu’on n’a pas honte de désirer. Qu’on pourrait en écrire des lignes. Qu’on pourrait raconter sa vie, qu’est pas rose, qu’on pourrait même se taire, d’un commun accord, le sachant, pour respirer le moment. Un silence une harmonie. Moins le dos les jambes les doigts.

vendredi 6 janvier 2012

766 : jeudi 5 janvier 2012

Dans les yeux d’un Chaland, un Chaland voit un Chaland qui voit un Chaland qui voit un Chaland qui voit un Chaland. Voilà qui là-bas, à tout un chacun suffit largement. C’est pourquoi les Chalands détestent les échos et les arbres généalogiques.

--------------------

Sa main était creusée et striée de veines bleues saillantes qu'on pouvait presque voir pulser. Elle reposait sur des draps blancs immaculés, dans une paisible immobilité. En face, Jeanne regardait, le lit, cette lumière éblouissante venant du dehors. Jeanne songeait au vide, elle pensait à la légèreté d'un corps face au poids de la mort.

jeudi 5 janvier 2012

765 : mercredi 4 janvier 2012

Ce serait un amas en bataille de nuages gris, grandes masses sombres glissant sur grisaille mouvementée, se fuyant, se heurtant, se mariant, un tumulte lent qui nous survolerait en grand élan, assez haut pour ne pas être réellement menaçant, un spectacle que je choisirais de saluer comme une distraction après des jours de calme lumineux. Ce seraient des blancheurs lumineuses qui feraient irruption entre des boursouflures, se déformeraient, seraient effacées, recouvertes, renaîtraient un peu plus loin. Ce serait plus tard, au cœur de ma lecture dans l'antre, une baisse de la lumière et puis le bruit de la chute molle d'une averse.

-------------------

De ce coin de néant, Tamel, après un peu de temps - dont il n’aurait pu dire la quantité, toute pulsation extérieure aux siennes lui ayant été retirées - après un peu de temps, Tamel ouvrit un œil. Ou tout du moins c’est l’impression qu’il eut car l’obscurité était moins absente. La vision lui revenait. Quelque part, il apercevait un contour, et de ce point de temps à autres, une lueur, ou un chant s’élevait.

-------------------

Trois gouttes sombres sur le tapis, un rayon de lumière et le monde qui bascule.