dimanche 30 septembre 2012

985 : samedi 29 septembre 2012


Il ne pleut plus aujourd'hui. L’air est doux mais le ciel reste blanchâtre, diffus, comme un grand non-lieu. J’aime bien malgré tout ce ciel indéfini. J’ai appris à l’aimer. Il me rappelle à ma propre vacance que je construis pour accueillir Joseph.

samedi 29 septembre 2012

984 : vendredi 28 septembre 2012


J’erre dans les circonstances de ces jours passés avec Hippolyte, j’erre et me divertis de cette errance. C’est mon travail peut-être d’errer, de veiller à la frange du doute, de porter la certitude de mon achèvement jusqu’à l’incandescence irradiante (Joseph ?). Oui, être inachevée mais soumise à la finitude, voilà un travail ou du moins un champ d’expériences dans lequel devenir plus humaine… Joseph bouge dans mon ventre. Il me fait des signes. Il fait de moi un signe.

vendredi 28 septembre 2012

983 : jeudi 27 septembre 2012


C'était avoir aimé se promener les dimanches après-midi à la limite des 6ème et 7ème arrondissements, remettre les pieds dans ses chemins d'élève architecte fugueuse, quand le trajet entre le 17ème des grands parents et l'école du boulevard Raspail se faisait à pied et prenait toute la journée, c'était avoir marché en regardant le haut des immeubles, l'irruption des toits sur les façades, et les cariatides et tympans, c'était se souvenir du rez-de-chaussée de l'aile du Louvre le long de la Seine et de la nymphe de Fontainebleau, c'était avoir retrouvé, en s'installant dans cette ville de fin de vie, au bord du Rhône, les petites rues, les porches et les façades noblement ornées, c'était aimer, sous les mascarons grotesques de l'hôtel de Crillon, une femme couchée, presque offerte, entre ville et fleuve, c'était rêver très vaguement, en dérive imprécise, aux métamorphoses d'Ovide, et aux dernières fraises plissées du temps d'Henri de Navarre.

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Journée pluvieuse. Je me noie dans les flaques. La vie en sourdine. Attendre.

jeudi 27 septembre 2012

982 : mercredi 26 septembre 2012


Aujourd'hui les zèbres sont partis. La plaine ôtée de leur présence me paraît muette. Les giboulées passent et minent le jour. J’ai peur que la pluie ne s’arrête jamais. Que le soleil ne réapparaisse plus. La maison assombrie s’emplit de menaces, de mauvais présages. Je pense à Joseph qui grandit dans mon ventre. Pourrait-il vivre dans un monde sans lumière ? Puis les nuages s’espacent et le soleil ressuscite. C’est chaque fois un intense soulagement que d’observer la lumière inonder de sa joie la moindre parcelle de terre. Comme l’eau devient constellante. Comme ses vapeurs font de lentes écharpes aux arbres.

mercredi 26 septembre 2012

981 : mardi 25 septembre 2012


Hippolyte, ton souffle court sur ma peau qui attend la voix de tes mains pour prendre vie. Que tes mains me fassent, que tes mains me créent mon amour, avec tous les chants de la caresse.

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C'était rencontrer sur un déballage à même le sol de la place du marché, une jambe dans une petite valise en carton, les fesses blotties dans un boutis froissé, un baigneur en celluloïd – se dire en celluloïd, s'étonner pourtant d'une épaisseur qui ajoutait à son souvenir un sentiment de solidité et de quasi richesse – c'était repenser mécaniquement, comme les rares fois où elle se retrouvait en présence d'un de ces corps joliment potelés, d'une de ces têtes rondes aux cheveux sculptés, au jouet de son enfance, assez grand pour qu'elle puisse à peine le tenir dans ses bras au début - et peut être était-ce la raison pour laquelle elle n'avait jamais eu pour lui l'embryon du sentiment maternel que l'on attend d'une petite fille – qui lui avait appris le vague plaisir de la propriété, comme ses chaussures ou sa place au tour de la table familiale, qui lui avait appris surtout l'échange d'amour entre sa mère qui l'avait donné, comme le nom puisqu'elle, elle ne s'en souciait pas – et d'ailleurs elle l'a oublié – qui lui tricotait chaque année, ou cousait, un vêtement, entre sa mère donc et elle qui remerciait, souriait pour faire plaisir, heureuse de plaire ainsi et de répondre à la générosité maternelle, avant de retourner aux jeux inventés avec les petits.

mardi 25 septembre 2012

980 : lundi 24 septembre 2012


Ce "bandit manchot" semble avoir rencontré un "requin femelle" : les bras lui en sont tombés. Faut bien se dévouer amicalement ; on a tous écrasé, un jour ou l’autre, un insecte entre ses doigts.

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Hippolyte s’assoit au milieu de ses livres étalés par terre et il attend. Il vibre parmi les lettres. Il regarde. Parfois il lit quelques bribes au hasard. Il scrute. Il frémit à l'unisson des lettres. Jusqu’à ce qu’il s’absente. Jusqu’à ce que son regard se perde. Jusqu’à ce qu’il soit là autrement. Alors il travaille. Ou plutôt, une parole le travaille en son creuset. Quel est ce creuset ? Son corps. Son corps qui rêve. Son corps qui se prête au savant bégaiement des songes. Ici, dans ce sillon de sa chair que longent les véhicules balbutiants du rêve, se prennent les décisions les plus importantes de sa vie. Quand il cesse de travailler, c’est-à-dire quand il sort de cet état singulier, tout est accompli. Il ne lui reste plus qu’à vivre. Il reste donc encore tout à faire me direz-vous. Oui, certes, mais ce n’est plus pareil. Quelque chose a eu lieu. Et il commence à écrire.

lundi 24 septembre 2012

979 : dimanche 23 septembre 2012


Hippolyte, ancre-toi loin de moi. Et sois fidèle dans ces distances immenses. Car il me plaît que tu parcoures d’innombrables pays quand je t’appelle très doucement. De cela je me nourris. Dans cet écart je suis ta femme. Eloigne-toi de moi, écoute le moindre de mes désirs. Comme cela tu me séduis…

dimanche 23 septembre 2012

978 : samedi 22 septembre 2012


J’ai rêvé que mon corps était de papier. Des brutes me froissaient sans pitié et me jetaient au feu. Un grand feu nocturne. Et je devenais la fumée de moi-même. Je flottais au-dessus de la ville. Et je me dispersais dans le ciel jusqu’à ce qu’il ne reste de moi qu’une invisible expansion. Alors une explosion a eu lieu. Une consistance s’est saisie de moi, ainsi qu’un poids, et je suis tombé dans l’éveil véritable. Yseult dormait à côté de moi. Sa peau ruisselait de silence. L’estuaire entre nous charriait l’amour depuis la plus immédiate origine vers le petit Joseph qui pleurait dans l’alcôve de sa dépendance.

samedi 22 septembre 2012

977 : vendredi 21 septembre 2012


C'était aimer la solidité du bras du grand-père, le plaisir de l'avoir un instant à soi, mais c'était aimer beaucoup moins la rudesse du drap kaki contre le rebondi de ses mollets – c'était préférer le coton de la chemise de Mahmadou, et puis lui il avait le temps de parler et de jouer – c'était trouver aussi qu'il faudrait qu'il se dépêche un peu, le bonhomme en civil, qui parlait beaucoup, qui exigeait un sourire, qui n'en finissait pas de regarder dans son gros appareil. C'était attendre avec impatience d'être reposée au sol, de pouvoir cueillir d'autres brins d'herbe, entre les aiguilles de pin, à côté de la grande place en terre. C'était sentir la main du grand père qui chatouillait un peu, pour avoir le sourire demandé, c'était aimer bien ça mais baisser un peu la tête pour bloquer ce sourire qu'il était beaucoup plus amusant de refuser.


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Une page écrite, n'est-ce pas une cage dévoilée que l’on découvre de l’extérieur une fois que, mystérieusement, l’écriture nous en a délivrés ? Chaque ligne écrite serait un barreau révélé, un barreau brisé en menus mots.

vendredi 21 septembre 2012

976 : jeudi 20 septembre 2012


Yseult, apprenons à être aveugle. Nos gestes seront féconds si nous savons préserver l'obscurité de leur cause. Agissons sans raisons. Recueillons l'ombre dans le creux de nos mains. Un enfant est un mystère qui prend chair et cherche la parole pour se dire vers autrui - une énigme sans réponse. L'avenir se construit avec chaque pan de cette nuit qui se trame de génération en génération.

jeudi 20 septembre 2012

975 : mercredi 19 septembre 2012


Les zèbres paissent dans les plaines vertes, les nuages dans la plaine bleue. Sous le soleil ils dérivent en paisibles troupeaux. Ils vont au loin, insensiblement, où se rejoignent leurs terres respectives. Parfois un zèbre court. Son galop fait un rythme soudain dont l’absence résonne dans le calme revenu. On dirait que les arbres se souviennent. C’est à cause de leur air pensif quand le vent se remue doucement dans leurs branches. L’herbe tremble dans l’air qui se déploie : elle attend l’interprète.

mercredi 19 septembre 2012

974 : mardi 18 septembre 2012


Hyppolite, ton regard me délivre. Ton regard est mon prince charmant. Sais-tu que dans tes yeux loge mon chevalier d’amour ? Non, évidemment, car la condition de sa présence en est justement ton ignorance. Tu as su tomber amoureux de tes propres blessures de la matrice desquelles est née mon chevalier d’amour. Viens maintenant, viens jusqu'à moi, que l’on devienne ce vent qui déplace les dunes jour après jour. M'entends-tu quand je me tais de la sorte ?

mardi 18 septembre 2012

973 : lundi 17 septembre 2012


Et maintenant, que va dire madame devenue monsieur Tout le Monde : à la folie ou pas du tout ? Cela s’appelle "avoir du nez".

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Yseult regarde l’ongle de son pouce dans le clair-obscur de la chambre. Le sperme d’Hippolyte glisse doucement sur sa cuisse. Lovée dans le corps de son amant, elle cherche un nom pour l’avenir. Sur la surface bombée de son ongle, le peu de lumière dépose un léger reflet, presque mat, qui semble lui dire, sans déchirer quoi que ce soit du silence alentour, la première fois qu’un nom se prêta à la bouche de l’homme. Le souffle d’Hippolyte endormi caresse sa nuque. Dans son corps mille noms oubliés crépitent de joie. La généalogie s’émeut. Et les millions d’assassinés de son peuple. Yseult ferme les yeux tandis que la lumière envahit peu à peu le volume de la pièce: c’est l’aube qui parle et touche l’oreille de la nuit, pour la rappeler à son existence.

lundi 17 septembre 2012

972 : dimanche 16 septembre 2012


Yseult, il y a cette béance qui m’écartèle et me nourrit ; il y a cette béance que ton prénom saisit, comme un chant saisit le silence. Et ton prénom Yseult c’est ton corps que j’étreins nuit après nuit. La blanche délicatesse de ta peau qui embrasse la nuit. Tes seins soudains à la rondeur souriante et joyeuse. Ton nom c’est l’aérienne mie d’une brioche au sortir du four. Yseult, tandis que ma langue nous délecte…

vendredi 14 septembre 2012

972 : jeudi 13 septembre 2012


S’il y a une limite à chaque crise de panique ? Non, je meurs chaque nuit dans un sommeil poisseux. Combien de nuit me reste-t-il à écouler la vie ? Ploc, ploc. C’est le goutte à goutte du cœur. Une serviette, vite ! Qu’on l’assèche. Il ira sur l’étagère avec tes autres trophées d’Homme.

mercredi 12 septembre 2012

971 : mardi 11 septembre 2012


Veste grise sur un corps tout en longueur la pièce s'étend plus je la regarde la veste se maintient en suspension plus je la contemple la figure disparaît au creux de ses mains pleine d'un cri qui se répand à travers mon regard celui que je lui porte celui qui est face à moi, celui que je vois posté-là, figé-là, qui me renvoie à mon souvenir : quelque chose est là présent que je ne cerne pas mais, j'y suis.

mardi 11 septembre 2012

970 : lundi 10 septembre 2012


Par un petit matin calme de janvier, y a quelqu’un : cette comparaison est éclairante. Et juste ? Oh well, this is how it goes after a while... Faire un copier-coller n’est pas une preuve d’amitié. Si ! "I" ("va", en latin) : Voltaire a su clouer le bec à Frédéric II de Prusse en un seul caractère. C’était avant Twitter, cela dit. Vie de chat, vie de château : quelque chose comme un système sans exploitation.

lundi 10 septembre 2012

969 : dimanche 9 septembre 2012


Ce matin là, il ne restait plus que les jumelles et le petit dernier, les aînés étaient partis en pension, joyeux sourires et discrètes caresses des yeux sur le jardin, et un peu sur les visages, en pension. Ce matin là, Sylvette avait traîné en se levant et sa sœur et la Mariette la bombardaient d'ordres, de grouilles-toi, qui lui faisaient renverser le café, mettre son pied droit dans le soulier gauche. Ce matin là, quand elles sont enfin parties à l'école, Jacques a reniflé, mis trois doigts dans sa bouche, a réfléchi, est sorti, jambes maladroites ruant plus qu'elles ne déroulaient leur pas, s'est laissé tomber dans les herbes près de la cuisine, a crié quelque chose qui ressemblait au nom du chien, et une poule est venue picorer entre ses pieds grassouillets.

jeudi 6 septembre 2012

968 : mercredi 5 septembre 2012


Et la pièce lui appartiendrait à présent figée dans cet endroit elle ne cesserait de parcourir le lieu en attente de l'autre son regard se pose sur ce qui reste d'elle du drap sur le lit d'un tissu sur le lit il y a ce moment un instant où tout se contemple où elle se devine son corps à présent allongé là à demi dans l'ombre qui interminablement se répète d'avant en arrière sans relâche.

mardi 4 septembre 2012

967 : lundi 3 septembre 2012


Les pas l'auraient conduit à travers la ville, la ville l'aurait conduit à ne pas cesser de marcher, marcher l'aurait persuadé de sa direction toujours plus rythmée, toujours plus rapide, encore en marche : surtout ne pas se rencontrer : face contre terre, il y aurait cet homme qui n'a pas de nom, qui ne possède aucun visage, aucune parole, aucun reflet, aucune rencontre : tu as déjà capitulé.

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Attention ! La Seine est la voie navigable la plus fréquentée de Paris, sans sa majuscule. L’Histoire est devenue très modeste. Alors ? On préfère les histoires, aujourd’hui.