samedi 29 juin 2013

1151 : vendredi 28 juin 2013


Je… je ne sais plus quand… je ne sais plus où… je ne sais plus quoi… De mes pieds à mon ventre, je deviens glace frissonnante quand mes neurones s’échauffent. Le battement contre la porte s’accélère, le tic tac résiste et je suis entre les deux un élastique au bord de la rupture. La femme a croisé les bras, elle attend qu’il se passe quelque chose. L’homme acier fait un pas, son nez me touche presque, va-t-il me renifler ? Tic… tac… temps suspendu, et le bam bam contre le bois répond non, ça continue, pas de temps mort ! Mort, mord, je suis mordue par la peur, peur de quoi, d’eux, de moi, de rien, ce n’est pas la peur de quelque chose, c’est la Peur avec un grand P, celle qui surgit sans prévenir et qui bouscule tout. Le métal sent la peur, celle de mes aisselles qui raconte que je suis un animal tétanisé par son instinct des profondeurs. Je sais que dans le noir, au fond du trou où je suis acculée, au bout de l’impasse, en haut du précipice au bord duquel je penche, il y a un monstre pervers qui tient entre ses mains mes boyaux et mon cœur. Mon cœur se rétrécit, il n’ose plus se battre, et j’abdique devant la nuée de mouches bleues qui d’une aile peut me pousser sous l’eau, contre le mur, dans le vide où j’hurlerai...

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/ Nuit du 27 au 28 / Dans ce rêve, il y a un bloc gigantesque de poisson, un ver embarqué, un pied endolori, des visages du passé pas vus depuis des lustres, des chansons fredonnées, Ville d’Avray, ville de l’enfance. Dans un premier morceau de rêve, je chante faux, mais ce n’est pas si grave, je chante et c’est tout ce qui importe. D'ailleurs, je suis heureuse. Plus tard, un petit ver blanc a élu logis dans mon orteil. La douleur irradie telle une engelure. Prenant état du sinistre, je crois d’abord à une verrue, mais apercevant la tête d’un de ses confrères qui dodeline à mes pieds, j’établis un lien avec le corps non indentifié, à présent entendu étranger, qui s’est endormi à mon seuil. Je l’extrais avec une pince à épiler. Il s’agite et finit par libérer l’épiderme. Un petit tunnel vacant occupe à présent le doigt. Plus tard encore d’autres images : une vielle connaissance rencontrée lors de mes années d’étude en Métiers du livre à qui je souris gênée et tente de répondre à son coup d’oeil par un regard indifférent. En vrai, dans la vie qui s’oppose à la nuit, j’envie sa trajectoire professionnelle sans la connaître vraiment. Un instant après, nous sommes réunis en nombre - pas elle - autour d’une large table. On apporte à un des convives un agglomérat de cubes de ce qui paraît être du poisson. Il y a en a pour minimum une dizaine de personnes, mais c’est à lui seul qu’est proposé le plat. Au premier abord, rien ne nous surprend, puis nous trouvons la taille quelque peu étonnante et jalousons cette faveur massive. 

vendredi 28 juin 2013

1150 : jeudi 27 juin 2013


Devant les chiffres romains, la grande aiguille fatigue en arrivant au VII : il lui faudra péniblement continuer de remonter. La petite est tombée. Et celle des secondes balaye le disque blanc d’un pas secoué. A quelle heure de la nuit me suis-je donc souvenu ? Car soudain, des images se superposent à ma réalité, et les murs se rapprochent, gris et grimaçants. Mon oreille fait également un bond dans l’autre dimension : à la vue des reliefs d’un gigot dans la gamelle de plastique rouge sur le lino délavé, j’entends distinctement le souvenir du craquement d’os broyés.

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/ Nuit du 26 au 27 / Dans ce rêve, nous tournons en rond. J'y tente de rassembler mes souvenirs afin de retranscrire un autre rêve lui-même coincé dans le songe. Les poupées russes prennent du volume. Le reste est un souvenir blanc. 

jeudi 27 juin 2013

1149 : mercredi 26 juin 2013


La voilà qui se dirige vers moi, d’un pas décidé : « vous êtes trempée, déshabillez-vous. » Le ton est sans appel, soit je m’exécute, soit je n’ai plus qu’à partir. Il me semble avoir saisi un éclat dans la pupille bleu sombre de l’homme en gris. Suis-je ici vraiment bien tombée ? Le chien me barre la route, mais ce n’est pas un molosse. Il n’a pas l’air de déceler la moindre tension ou un quelconque danger : langue pendante, ce croisement caniche - tapis de salle de bain bat de la queue contre la porte en bois, concurrençant avec brio le tic tac de l’horloge géante accrochée près du frigo de la cuisine américaine.

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/ Nuit du 25 au 26 / Dans ce rêve, je reprends la cigarette. Tous les voisins qui habitent l’immeuble opposé - on peut les espionner derrière la grande baie vitrée du salon – sont en train de s’accoupler. Fenêtre sur cour façon M6 et son érotisme dominical (enfin ça, c’était avant). Je les vois assez précisément et suis faussement gênée par cette intimité dévoilée qui m’est imposée. M’amuse toutefois avec l’un d’entre eux qui vient de rondement s’adonner à la tâche avec une femme aux contours changeants. Son corps épouse d’abord tout entier celui de l’amant. Il m’aperçoit. Les bourrelets, ici jugés non disgracieux, captivants même, magnifiques, pleins d'une grâce inaliénable, paraissent tenter de recouvrir toute la surface de peau disponible. Et soudain transformée, filiforme, les jambes infinies et les os saillants, le mannequin se dessaisit de sa proie, semble repue ; lui fier et satisfait me défie du regard. La femme caméléon est sublime alors que le petit septuagénaire maigrichon continue de me scruter. Francis Bacon a certainement participé à la constitution de cette scène organique.

mercredi 26 juin 2013

1148 : mardi 25 juin 2013


affleurement rectiligne d'un seuil de pierre. interruption de l'herbe. cordeau exact du dégoût. au-delà sablière jaune. vide raviné de grandes entailles cadastrales.

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La clé dans la porte a réveillé un souffle rauque de l’autre côté, puis un gémissement jappant accueille le couple plus moi. La femme a eu trois étages haussmanniens pour inventer : « tu te souviens, je t’avais parlé d’une stagiaire, et son petit ami violent… ». L’homme répond d’un petit « ha » et me dévisage comme un fait divers scabreux dans le journal. Il n’est pas bien grand, à peine plus haut que moi. Une petite soixantaine, cheveux gris en brosse, bien clairsemés au-dessus des tempes, assez svelte, chemise de satin gris. La femme semble un peu plus jeune, maquillage impeccable malgré l’heure tardive, elle a du aller se repoudrer le nez avant de quitter leur soirée.

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/ Nuit du 24 au 25 juin / Dans ce rêve, tu réalises un film, un long-métrage, œuvre colossale et citation de My Own Private Idaho de Gus Van Sant et dans le même temps, par effet de palimpseste, du drame Henri IV de William Shakespeare. La veille, nous parlions de ce film avec E. qui me demandait s'il « était bien ? » Je lui confiais l'avoir vu en deux temps. L'atmosphère pesante et angoissante de la dérive me renvoyait à ma propre errance, sans le sexe et la débauche certes - suis toujours et encore cette jeune fille trop sage. J'avais regardé une première moitié avant la nuit et coupé pour préserver mes songes déjà tourmentés. La pellicule n'était pas passée au filtre de l'onirisme. Je m'étais subséquemment attaquée à la seconde partie le lendemain, rassérénée de n'avoir pas souffert des effets captivants d'un nouveau cauchemar. Puis vient le moment - hier - où nous parlons du fameux film avec E. Je lui explique l'affaire. Nous ironisons sur la possibilité que mes prochains rêves puissent prendre le pli de cette conversation. C'est chose faite, puisque nous arrivons là au récit d'une vision nocturne étrange, pour ainsi dire hallucinée et extatique, celle de toi qui m'embrasses et parais m'aimer encore, ou à nouveau, comme un ami avec toutefois des marques de tendresse sexuelle, sans frontières, sans explications. Des images sibyllines, surannées, déjà passées, impossibles. L'appartement de tes parents, mémoire d'un souvenir d'amour adolescent, alors que la maison ne peut être qu’apparentée, alors que nous vivons toujours à leurs crochets, mais que nous nous demandons tout de même « ce soir, on dort chez toi ou chez moi ? », alors que le monde nous appartient et que tout pourrait se trouver plus aisé, mais ce n'était pas mon cas. Tu es là donc, me filmes, moi qui fais si mal l'actrice. J'occupe un rôle qui est le mien, ne comprends pas ce que tu désires, ne te reconnais pas, me souviens de Laurence Anyways et me dis que tu es devenu cet homme aux frontières du genre, cet homme dont je tombe à nouveau amoureuse, avec les prémisses des sentiments naissant, les frissons, la gêne et la nouveauté qui appâtent et attisent le désir. Nous renaissons. 

mardi 25 juin 2013

1147 : lundi 24 juin 2013



/ Nuit du 12 au 13 juin 2013 / Dans ce rêve, la chambre des songes est pareille à la chambre de vie. Regarde la fenêtre. Les volets sont fermés. Sur le châssis, j’aperçois une bande de scotch qui défile. Vision incompréhensible et dérangeante. M’approche et observant entre les fentes, me rends compte que l’impression première de défilement fut trompeuse. Ce n’est pas le ruban adhésif qui se déroule, mais bien l’horizon. La chambre se détache du reste de l’appartement et paraît emportée par les flots. Il est déjà trop tard. La pièce est un bateau sans pilote qui navigue à vue. Je suis plongée dans le noir total et, interdite, attends pétrifiée de trouver une solution qui ne vient pas. Tente alors de décoller la bande passante, mais me souviens de mon erreur initiale.


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Il le porte et l'emporte, un geyser ! Alors, plus de poule au pot ni de pintade en cocotte ?Pour ma part, je rendrais définitif ce titre provisoire ; c'est une idée que personne n'a encore retenue : comment dit-on "tweet" ("gazouillis") en égyptien ? "Vive le gîte intellectuel !" pépia le passereau.


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« Tu la connais ? » fait l’homme. Je regarde la femme dans le fond des yeux et lui lance une muette supplique. Sa paupière bat un instant, ses narines se pincent avant qu’elle ne souffle : « Entrez. » Et elle ouvre la porte. L’homme insiste : « Qui c’est ? » ; les mâchoires balayées par de longs cheveux clairs se crispent. Ils me passent devant dans la cage d’escaliers et je les suis, seuls nos pas dégoulinants résonnent sur la pierre. Ils ne rient plus, je m’en veux de gâcher leur fin de soirée.

samedi 22 juin 2013

1146 : vendredi 21 juin 2013


Quelques grommellements qui ressemblent à des jurons et le grésillement se tait. Je sonne alors au dernier étage. C’est un couple : « I. et R. Batino ». Pas de réponse. Pourtant, la sonnette est trop haute pour les gamins farceurs. Si ça arrive jusqu’à eux, c’est que c’est du sérieux, non ? Une toux me vient du fond des bronches. J’insiste, en vain. Je suis en train de chercher où poser à présent mon index quand un bruit de voix suspend mon élan. Deux personnes riantes approchent sous un parapluie. Et s’arrêtent à ma hauteur. Les deux visages, celui d’un homme et celui d’une femme un peu plus grande, se figent. Je suis prise d’une subite inspiration : « Isabelle ? »

vendredi 21 juin 2013

1145 : jeudi 20 juin 2013


« Roussiez » est le nom inscrit au stylo bleu. « A. Roussiez ». Dans l’attente, je fais le pari qu’il s’agit d’une femme. Annabelle, Ariane, Anastasia… Je préfèrerais ça à un trop royal « Arthur ». Une voix grave et rauque grésille dans l’interphone… Elle a peut-être beaucoup fumé dans sa vie. La voix grommelle : « c’est qui ? ». Là, deux options : la vérité ou la ruse. Je choisis l’un et l’autre car ce n’est pas mentir que de dire : « c’est moi ! ». Un silence. Je tenterai bien le tutoiement et un « ouvre » impératif, mais si cette personne est aussi solitaire que moi, je ne lui évoquerai personne de sa connaissance susceptible de la déranger à une heure pareille.

jeudi 20 juin 2013

1144 : mercredi 19 juin 2013


Je cours jusqu’à un porche où m’abriter : ce serait dommage « d’attraper la mort » dès mes premières heures à l’air libre… Les pieds dépassent, alors je me décide à sonner au hasard, pour entrer au sec, espérant qu’il n’y a pas ici de concierge insomniaque. Mon doigt regarde les sonnettes, celles où l’impression est délavée, un peu plus haut, une impression fraîche et un nom joyeux, et en avant-dernier, avant les combles et les chambres de bonnes réunies en appart avec vue, une écriture manuscrite fraîchement emménagée. C’est celle-là que je choisis.

mercredi 19 juin 2013

1143 : mardi 18 juin 2013


A peine ai-je quitté la protection de l’arche en pierre que la pluie se remet à tomber. Mais j’ai pour principe de ne jamais faire demi-tour. Allons ! « Tu n’es pas en sucre » me serinait ma mère. Dommage, il n’y a pas mieux qu’un sucre pour amadouer le cabot. Je marche au hasard, quittant la berge pour une rue aux caniveaux chuchotants. Il suffit d’avoir une idée fixe pour en voir partout la manifestation. Celle-ci est auditive en l’occurrence. J’entends de loin en loin des aboiements qui se répondent, déclenchés ici par le passage d’une moto, là-bas par des passants un peu trop chantants, et les voix grosses ou excitées des animaux en veille percent le rideau de pluie qui tend à avaler la nuit.

mardi 18 juin 2013

1142 : lundi 17 juin 2013


Le dess(e)in des océans, la prochaine chance au jour des morts, oh, la glace est bleue, "citoyens, citoyennes" en 1871, non, tous les reflets de tous les mondes, à l'aurore du prochain univers.

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La main de l’homme a quitté le mohair. Il se mouche bruyamment. Un courant d’air froid passe entre mes jambes. « Et votre fille ? » Il s’est retourné dans un grognement, peut-être est-il en train de se rendormir. « Partie avec ». Ploc. Une goutte est tombée sur ma cheville. Sans doute une fiente de pigeon. L’aube se fait attendre et j’ai froid. Il ne me reste plus qu’à me blottir contre cet ours des trottoirs… Il renifle et tousse, d’une toux grasse qui s’achève en crachat. Pas trop envie, en fait. Je devrais plutôt me trouver un chien. Un chien ? Oui, cette nuit en est pleine, il y en a sûrement un pour moi. Un clébard moitié bâtard échappé d’une portée non désirée, qui a frôlé la mort du sac poubelle mais non c’était pour son jumeau. Je sens déjà sa puanteur mouillée. Il attend mes caresses.

samedi 15 juin 2013

1141 : vendredi 14 juin 2013


« Le soir, dans le lit, je me collais à elle, mais de plus en plus, elle se tournait sur le côté, me montrant son dos. Alors je posais mon bras sur sa hanche, j’avais ce contact-là, au moins. Et puis un jour, elle l’a repoussé, en me disant : « fiche moi la paix ». Je me suis réfugié de l’autre côté du lit et j’ai pleuré. La semaine d’après, elle partais. »

vendredi 14 juin 2013

1140 : jeudi 13 juin 2013


"… et puis les mois ont passé, et petit à petit, c’est devenu de plus en plus dur. Bon, forcément, je n’avais pas le moral. Mais je me disais que la roue tournerait, qu’il n’y avait pas de raison, j’ai toujours été croyant et je n’ai jamais fait de mal à personne, alors… Je ne sortais pas beaucoup, j’allais au café juste le matin pour lire le journal. Je rentrais le midi, et là, les reproches commençaient. Je savais qu’elle avait raison, j’aurais pu penser à ramener le pain, ou rentrer plus tôt pour aider, ou aller chercher la gamine à l’école… c’est ça le pire, c’est qu’elle avait raison. Moi, je faisais celui que ça ne touchait pas, mais, vous avez beau avoir le cuir dur, au fur et à mesure, ça vous entre dans la peau que vous êtes un minable…"

jeudi 13 juin 2013

1139 : mercredi 12 juin 2013


« … c’est pour ça que j’étais dans l’imprimerie, c’était moins gigantesque qu’une fonderie, mais les premiers jours, c’est quand même impressionnant de naviguer, dans ce bruit, entre ces rouleaux de papier géants. Je me suis pris à aimer ce métier, et je suis monté en grade. J’ai fini contremaître. Fini, c’est bien ça. Parce que ce que je n’avais pas prévu, ce que personne dans la boîte n’avait prévu, c’était l’arrivée du numérique. Très vite, on a été obsolète. L’imprimerie a fermé. Moi, j’ai bien cherché à me recycler, mais comme je n’étais pas formé aux nouvelles technologies, j’étais inemployable. Alors voilà, du jour au lendemain, moi qui avais toujours trimé comme une bête, plus de boulot. J’étais à la maison, comme une âme en peine, je ne voulais pas passer ma journée au bistrot, alors je regardais la télé. Au début, ma femme étais compatissante, elle était parfaite. Elle a toujours été parfaite. Pour la petite, pour la bouffe, le ménage. Pour ça, c’est sûr, je pouvais m’estimer heureux… »

mercredi 12 juin 2013

1138 : mardi 11 juin 2013


Je laisse à nouveau un ange passer. En face, une respiration dans les feuilles, elles font signe, de droite à gauche, à leur reflet dans l’onde fuyante. L’homme parle à voix basse, puis le murmure se fait mots qui déroulent l’histoire de sa vie. Je n’écoute pas vraiment ce qu’il raconte sur ses parents et son frère jumeau, dont je comprends juste qu’il n’est plus. Mon attention se concentre sur sa main qui a attrapé le mohair du bas de ma robe et dont je crains une remontée inappropriée. Cependant, c’est juste une caresse continue, de part et d’autre, du pouce et de l’index, qui s’est posée là comme sur un vieux doudou. Il parle – parle-t-il pour moi ? et je me mets à l’écouter.

mardi 11 juin 2013

1137 : lundi 10 juin 2013


« Que fais une dame comme vous dehors par temps de pluie, la nuit ? » Je mens par omission : « je me suis sauvée ». J’attends qu’il dise quelque chose, qu’il me questionne ou me réconforte par les quelques mots sages d’un homme d’expérience. Mais son regard est parti loin, bien plus loin que l’autre rive, de ceux qui trahissent un voyage dans le temps ou les nuages. Je respecte son silence, regardant à mon tour vers les arbres de l’autre côté, tentant d’y percevoir le rythme du vent. Il murmure enfin. « Pourquoi faut-il toujours que vous vous sauviez ? »

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Qui fait encore les lits au carré ? Aux petits oignons. Speaking about your home, où se diriger pour planter des concombres ?

samedi 8 juin 2013

1136 : vendredi 7 juin 2013


L’homme repose ce qu’il m’offrait comme un trésor, fouille derrière lui et me jette en même temps qu’un regard noir un rectangle de papier alu… sur lequel je me jette à mon tour, sans autre formalité car je devine qu’il exauce mon rêve du soir… Je déshabille les deux carrés de chocolat, en croque un bout que je laisse fondre sous mon palais en même temps que je m’assieds tout contre mon nouvel ami. Alors, sous les poils de sa moustache jaunie par le tabac s’amorce un doux sourire.

vendredi 7 juin 2013

1135 : jeudi 6 juin 2013


Il me tend une bouteille d’une verdâtre transparence à moitié remplie de jus de raisin fermenté… Je sais bien que cela ne se fait pas de refuser un verre de l’amitié, mais justement, de verre point, et je ne me vois pas, pour ma première nuit dehors, partager le goulot et les salives chargées. Devant mon immobilité, il se doute et essuie d’un revers de sa manche le souvenir de sa bouche sur la bouteille qu’il me présente à nouveau. « C’est gentil, vraiment, mais je ne bois pas. » C’est un pieux mensonge, quoiqu’en l’occurrence je ne souhaite pas remplir ma vessie en ces lieux dépourvus de commodités et d’abris feuillus.

jeudi 6 juin 2013

1134 : mecredi 5 juin 2013


« Je suis Noémy, et vous ? » Le bonhomme est interloqué, il s’attendait sans doute à une joute d’insultes. Il recule d’un pas, manquant de tomber en arrière, se rétablit, cligne des yeux, et grogne. « Je suis Gérard de Nerval ». Allons bon, voilà qui promet… Si notre relation devient affectueuse, surtout, ne pas le laisser me caresser la nuque. « Vous me croyez pas, hein, mais c’est vrai, hein, je m'appelle Gérard, et je suis monté comme un narval ! » Rire gras… Bon, la discussion s’amorce mal. Mais il redevient sérieux, d’un coup, et d’un regard implorant : « vous sauvez pas, je suis pas méchant. »

mercredi 5 juin 2013

1133 : mardi 4 juin 2013


Il me regarde, hagard, bouche écumante en ses coins. Il n’a pas d’arme à la main, il me suffirait de courir dans la direction opposée, mais je suis à la fois pétrifiée et fascinée. Cet homme de la nuit et des cartons humides porte belle cravate et lunettes assorties. Ca fait des jours que je n’ai parlé à personne, à part ma boîte vocale que j’insultais soir et matin en raison de sa vacuité. Et là, un homme, certes peu ragoûtant, a amorcé un dialogue, il est vrai un peu brusquement, et m’intrigue, et c’est ce qui me décide à rester et répondre.

mardi 4 juin 2013

1132 : lundi 3 juin 2013


Sirène et prophétesse, c'était une pochette-surprise, ce bouquin.

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Et puis soudain, aussi vite qu’elle avait commencé, la pluie s’arrête. La nuit se fige. Silence. Rythme en ploc ploc des gouttes qui tombent des bords du pont. Froissement d’ailes d’un pigeon qui va se rendormir. Et moi qui attends de trouver l’impulsion pour me lever et repartir. A quand le matin ? J’ai envie de demander à l’obscurité orange de la ville. « A quand le matin ?! » L’effondrement de la pile de cartons me répond puis un juron et comme une marionnette bondissante, un barbu hirsute me saute au visage. « Vous allez me foutre la paix, oui !!! »

dimanche 2 juin 2013

1131 : samedi 1er juin 2013


un pas de trop crève le nombre bête au fossé.

samedi 1 juin 2013

1130 : vendredi 31 mai 2013


J’aimerais que l’eau d’en haut me purifie mais elle est noire comme le fleuve, effrayante. Et froide. Je cours m’abriter sous le pont qui enjambe la scène. Je m’assieds sur un carton qui déborde d’un tas bringuebalant. Des pigeons réveillés par la pluie chient de protestation. Leur jet blanc et acide atterrit juste devant mes pieds. De l’autre côté, un réverbère se mire, l’eau est trouée de billes qui rebondissent allègrement. Il y a dans cette douche de printemps un effluve de gaîté : l’air est vivant.