lundi 24 décembre 2012

1020 : lundi 24 décembre 2012


La probabilité ne crée pas tout : ce serait dimanche, tous les jours !

mardi 18 décembre 2012

1019 : lundi 17 décembre 2012


Bientôt l'été, ô gué, ô gué ! Graine de champion saint Pierre en boira bien un verre avec le web. Tout va plus vite ; je parie que Chouette, une ride ! lifte l'humeur de tous les physiciens, quel que soit leur état : solide, liquide, gazeux... Ou bien Tiguida.

mercredi 12 décembre 2012

1018 : mardi 11 décembre 2012


C'étaient les abricots retour de marché se gorgeant de soleil dans un plat posé sur le ciment du balcon. C'était partager en soeurs la lecture d'un journal que ne lirais pas s'il existait encore, celui qui avait repris le nom rendu glorieux par Zola. C'étaient les pages étalées au sol devant la porte fenêtre ouverte. C'étaient nos corps à plat ventre, têtes posées sur bras accoudés. C'était la tiédeur délicieuse des tomettes sous le ventre et les cuisses. C'était lever les yeux parfois, pour chercher à comprendre, ou par ennui, sur les pins dégringolant avec le boulevard vers le littoral, et la silhouette vague du sémaphore au bout de Saint Mandrier, ou l'idée de la présence du sémaphore, ou rien. C'était une voix d'adulte qui surgissait avec le bruit de la porte d'entrée refermée – ces portes palières de notre midi qui s'ouvrent avec une béquille comme une porte de chambre – c'était une voix qui saluait les beaux coups de pied à donner dans nos fesses ou culs ou, comme elle le disait, nos postérieurs.

mardi 11 décembre 2012

1017 : lundi 10 décembre 2012


Sont pas "fuerunt" ("passés de mode"), les sels de bain ? Fameux, continuons son œuvre ! Qui s'y colle ? Comme ça, pas de naufrage en vue ; et quand il finit par arriver, l'autre, l'événement s'est répandu de tuyau en tuyau.

jeudi 6 décembre 2012

1016 : mercredi 5 décembre 2012


Continuez. Poursuivez. Sachez perséverer. Quel que soit votre message, si jamais vous en avez... Vous avez de la place. Vous avez toute la place qu'il vous faut. Faites suivre, faites passer, circulez. Communiquez ; partagez les mots, les faits, les idées : il faut les exposer, les développer, les confronter les uns aux autres, voire même les transformer, leur accorder une destinée (qu'ils auront, de toute façon, qu'on le veuille ou non). C'est toujours un passage... Les mots réclament la libre association.

mardi 4 décembre 2012

1015 : 3 décembre 2012


Penser à resserrer les joints du groupe de sécurité, et Sisyphe sera très heureux de déguster une bonne soupe. Cela n'interdit pas de se réinventer ; nourrir des bouches affamées, sans compter qu'elles nous aident à passer la crise. N'oublions pas de féminiser la sculpture du Discobole…

mardi 27 novembre 2012

1014 : lundi 26 novembre 2012


C'était hier, mais le cœur (constant) y est : happy birthday, moineau domestique ! Mais si, mais si ; en témoigne le court-métrage Gare du Luxembourg, d'Anne Lévy-Morelle. Orientation sud-est décidée par un parapluie ?

vendredi 23 novembre 2012

1013 : jeudi 22 novembre 2012


C'était un jour de neige fondue sous grésil. C'était être bloquée à l'entrée de l'allée bien lisse qui conduit au portique rouge, à la Cité de la Musique, au concert tant désiré. C'était être arrivée jusque là, franchis les pavés gelés, la terre fangeuse redurcie, les escaliers en tous sens, les couloirs des lignes de métro, avec mon genou plâtré et mes deux cannes. C'était avancer une canne, la sentir glisser, c'était tenter un pied avec telle appréhension qu'il dérapait. C'était être l'image du désespoir, avec conviction. C'étaient les deux pompiers de service, grands fermes et forts, se chargeant de porter la paumée et les cannes. C'était ressortir dans la nuit, les oreilles et le cœur plein de musique. C'était franchir sans encombre tous les obstacles. C'était me souvenir de mon instabilité et me casser la figure sur le quai du métro.

mardi 20 novembre 2012

1012 : lundi 19 novembre 2012


C’est un très beau projet, bravo : s’agit-il d’une BD de "vir" ("masculin adulte", en latin) ? La faute au falsificateur qui a rajouté une langue au cliché d’Einstein ; fréquenter les planètes rend très sage. Non, sous le soleil, ça change tout !

mercredi 14 novembre 2012

1011 : mardi 13 novembre 2012


C'était peut-être, finalement, ne pas avoir toujours, sauf contrainte, dit non.

mardi 13 novembre 2012

1010 : lundi 12 novembre 2012


Avec plaisir, Cheese, je vais prendre des nouvelles d’Ophiuchus demain. Taon pis pour eux ? Les jonquilles sont en fleur aussi.

mardi 6 novembre 2012

1009 : lundi 5 novembre 2012


On m'a reproché d'avoir trop lu "Les racines de la conscience", de Carl Gustav Jung ; alors j'ai récidivé avec "La société du malaise", d'Alain Ehrenberg. Heureusement que je n’ai fait qu’y passer : va falloir songer au Débarquement !

lundi 5 novembre 2012

1008 : dimanche 4 novembre 2012


C'était s'attarder quelques minutes, en nettoyant les objets juchés sur le chiffonnier devant une coupe en céladon de Yué, belle des rêves que j'y ai posés, belle de la beauté des meilleures, elle qui n'est qu'une copie assez humble et trop brune, du début du 19ème siècle je crois, regretter de lui avoir donné cette place qui ne permet pas de plonger les yeux à l'intérieur, se féliciter de l'avoir fait parce qu'il lui manque cette transparence-vie des céladons les plus clairs, les plus verts. C'était par la grâce du nom retrouver ces après-midi de dimanche, perdue en contemplation, quand je me ressourçais, de poterie en poterie, dans la salle de la collection Grandidier du musée Guimet, se souvenir de la petite impatience en sortant du métro, le petit tour par la salle de statuaire khmer au rez-de-chaussée, et puis monter et se laver de toutes les scories des jours précédents en s'attardant de longues minutes devant la verseuse en céladon un peu terne à tête d'oiseau, une coupe blanche au lotus, une petite verseuse au décor végétal en route de cuivre, le bol brun fourrure de lièvre, un bol d'un rouge sombre vivant de l'approfondissement de la couleur, une amphore dont la couverte beige craquelé laisse une grande zone irrégulière libre, la vasque en grès bleu virant au brun sur les arêtes, d'autres encore, en accélérant à partir du 17ème, ne faisant exception que pour une statuette en blanc de chine, les vases rouleaux en bleu et blanc et les céladons clairs et transparents, presque translucides.

mercredi 31 octobre 2012

1007 : mardi 30 octobre 2012


C'était, dans le salon des grands-parents un grand-oncle qui me trouvait une ressemblance avec la femme morose en robe puce et petit chignon, visage ovale classiquement penché dans l'ovale découpé au centre du lourd cadre rectangulaire de bois doré. C'était ma mère dans la petite lettre legs, ou le club des sœurs et le frère, je ne sais plus, me l'attribuant. C'était l'aimer par une sympathie mélancolique, avec un peu d'ennui et un petit recul devant son insignifiance comparée aux photos radieuses de sa fille ou belle-fille, mon arrière grand-mère, et le charme et l'assurance de la généalogie de femmes qui me précédait. C'était, un mois après le second deuil, le rendez-vous avec une entreprise de déménagement conseillée par le garde-meuble où j'avais retenu un petit emplacement, pour libérer l'appartement, et avoir temps et énergie de tenter de faire place dans mon petit taudis. C'était embarquer avec les déménageurs dans le camion où ils avaient chargé le tableau, un petit carton contenant quelques assiettes à dessert aux roses pâles doucement ridicules que j'avais offertes à ma mère, deux dessins d'un ancêtre dont j'aime la mini révolte et le talent, une grande bibliothèque et la jolie petite table volante aux longs pieds, belle copie du début 19ème d'un type Louis XVI, qui m'était vieille amie. C'était la gentillesse bavarde des deux bonshommes, le long périple fait avec eux pour des livraisons avant d'arriver devant le grand hangar de ciment. C'était être à coté de moi, à côté du monde, hors de toute réalité, dans une lassitude neutre. C'était signer des papiers en leur laissant le soin de ranger mon dépôt. C'était fermer devant eux le verrou, après un coup d'œil rapide buttant sur le chêne noir de la bibliothèque. C'était revenir avec eux un peu plus d'un mois plus tard pour le transfert final. C'était le choc incrédule en constatant l'absence du cadre et de la table. C'était comprendre qu'un diable avait sans doute été soigneusement laissé hors de ma vue. C'était leur tranquille déni et mon incapacité à sentir autre chose que ma culpabilité. C'était le tenancier des lieux me disant que son assurance ne paierait rien puisque c'était à moi de vérifier la présence des meubles et objets lors de la fermeture, et puis me moquer de l'argent. C'était ne pas avoir le choix, monter dans le camion où le reste avait été chargé, remercier les deux bonshommes du mal qu'ils s'étaient donné pour hisser la bibliothèque par mon petit escalier. C'était prévenir les sœurs. C'était leur réprobation et leur pardon. C'était me refuser tout pardon, et regretter ce visage bien plus que je n'aurais aimé le trouver tous les jours sur le chemin de mon regard.

mardi 30 octobre 2012

1006 : lundi 29 octobre 2012


Et le résultat fut splendide : en économie marchande, on dit "c’est donnant donnant ". Non… Qu’en pense-t-on dans la constellation d’Ophiuchus ? « Je ne suis pas là, le 7 mars mais je viens le 7 avril ! »

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Ce sera un retour, ou peut-être un départ. Vous allez quelque part. Vous allez toujours quelque part.

mardi 23 octobre 2012

1005 : lundi 22 octobre 2012


Tant pis : avec « mademoiselle » disparaîtra aussi « jeune homme ». Si, c’est une bonne idée ; cela montre que la société a progressé ! Dans ses écrits, surtout, on peut aussi être beaucoup moins sage, comme l’a choisi Tiguida. Ah, aurait-on pris coutume d’agir autrement ?

lundi 22 octobre 2012

1004 : dimanche 21 octobre 2012


C'était, à Ivry, dans la cour de l'usine, les pieds dans la neige tassée et sale de la cour, à côté du camion, voir les deux hommes sortir des paquets, lire l'étiquette décrivant l'intérieur, décider ou le tenter de répartir les cadeaux entre les enfants du personnel, à l'usine, dans les ateliers et chantiers de province, à l'aide d'une liste de noms. C'était pester quand aucun âge n'était mentionné, pour les sexes se baser sur les prénoms... mais il y a des prénoms androgynes, comme Claude et ceux en ique qui font la nique (pardon). C'était les têtes qui se penchaient un instant aux fenêtres au dessus de nous, c'était une petite joie, une respiration. C'étaient deux voitures passant le portail, c'était la patronne lançant une plaisanterie et demandant, entre sourire et fermeté, que je me dépêche parce que suis nécessaire. C'étaient, dans la seconde voiture, les deux des commerciaux de province rescapés de la dernière charrette. C'était parler un instant avec eux, c'était flottant en moi petite rancune en pensant aux deux éliminés que j'avais reçus, fais attendre en les faisant parler de leur ville, pour rien, les agaçant peut-être un peu, juste pour les détendre. C'était la boite prenant poids, rachetant, gardant les ouvriers et les intérimaires le cas échéant mais ne pouvant conserver deux commerciaux. C'était des hommes installés, ou qui le croyaient, avec petite maison, voitures, enfants. C'était ne pas oser se plaindre de trouver cela pesant. C'était finalement ne plus pouvoir et démissionner. En attendant monter dans les bureaux pour la réunion, pour passer non pas les petits gâteaux mais presque, en fait surtout les dossiers et documents. C'était chercher du boulot.

samedi 20 octobre 2012

1003 : vendredi 19 octobre 2012


La jument Jamais ne chevauche pas longtemps le hasard.

jeudi 18 octobre 2012

1002 : mercredi 17 octobre 2012


C'était trouver sur une page d'album quatre photos, une sépia et trois glacées et brillantes par delà les ans, quatre fois la fierté de ses grands-parents, moustache fière et robes de satin noir : les trois fils, en costume marin en leur enfance, et puis apparaissent, sur l'un après l'autre, l'uniforme d'officier de marine (sauf pour le père, méconnaissable en grand lycéen boudeur sur la dernière... il en manque une) et sourire avec un petit attendrissement, que je n'aurais jamais osé quand j'étais petite gamine et qu'il était dieu tout puissant, en jubilant de la satisfaction de celui qui était né dans le petit logement qu'occupait dans l'arsenal la famille de son père, charpentier de marine.

mardi 16 octobre 2012

1001 : lundi 15 octobre 2012


Bon festival ! En faisant ce vœu, on devient un être humain à part entière : la belle bleue semble avoir quelque reproche à nous faire…

lundi 15 octobre 2012

1000 : dimanche 14 octobre 2012


Yseult, tu m’appelles avec le cri de tes pores, tu me manques jusqu'au plus lointain de mes chairs. Tu m’enveloppes et me suscites avec le moindre détail de ton précipice amoureux. Et je nais dans tes creux Yseult. Je me sépare de moi-même. Je me sépare des mots. Je prends chair et ta chair Yseult nourrit ce que je n’aurais pas pu devenir sans toi.

dimanche 14 octobre 2012

999 : samedi 13 octobre 2012


Il y a d'un côté l'écran, la page, l'enclos vierge; de l'autre la matière brute, une multiplicité d'éléments épars. Au départ il s'agit d'un certain angle, ou plutôt,  d'une perspective. Ensuite dans un ensemble d'outils, d'instruments, l'usage de toute ressource de tout moyen ou artifice qui soient propices, et les techniques pour s'en servir. C'était l'occasion idéale pour s'exercer, et par cet entraînement, de découvrir, explorer,  et ainsi, l'occasion de procéder à toute forme de tentative, dans ce travail liminaire, préparatoire à autre chose, cette esquisse où tout reste à achever. Le creuset où l'on peut tester divers procédés, les mettre à l'essai; de suivre une piste ou de la délaisser, d'éprouver les cohérences ou incohérences de ce qui n'a pas encore de forme, de structure. Fixé dans un entre deux, privé de l'état du définitif, c'était le lieu où il était possible de se saisir de l'ensemble des possibilités qui se présentaient, de s'en emparer, de les estimer, les évaluer par le fait d'en user, sans que cela porte à conséquence d'une façon ou d'une autre... C'était alors le lieu où l'on avait tout loisir de produire, de supprimer, de déplacer, d'intervertir, de définir, de séparer ou de réunir, de tester une certaine approche, ou une autre, une forme particulière d'agencement, puis une autre; de construire, déconstruire, de transmuter,  transfigurer une réalité,  d'avilir ou de sublimer, de mettre à l'épreuve des caractéristiques de substituabilité, de transférer, de signifier pour signifier, le tout dans un espace sans référence, non formaté, architecture non arrêtée, lieu de l'esquisse, du transit, de l'éphémère, territoire d'impermanence.

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C'était un anniversaire quelconque, un regroupement partiel chez les parents. C'était les aimer tous, et être contente d'être là dans la chaleur du clan... C'était un de ces jours où le discours entre ce qui rodait en soi était trop étranger, trop loin de cet univers. C'était éviter d'écouter, pour éviter de contredire. C'était regarder, derrière la petite table chargée de bouteilles et de verres, la bibliothèque basse, son bois blond, les vitres et panneaux entre les deux colonnes, la perfection des proportions sages qui parlaient restauration, c'était retrouver sa présence dans le bureau du grand père, le divan qui vous accueillait pour un temps, les lectures nocturnes de livres tacitement déconseillés. C'était, sur le marbre, l'éventail déployé du livre chinois et la succession de sages, leurs costumes et attitudes subtilement variés, l'habitude de les regarder un à un dans les longues heures d'ennui, dans un des petits fauteuils de l'appartement parisien. C'était, devant leurs robes raffinées, le bois fruste, la vitre cassée, l'aiguille éternellement tombée à côté de l'axe, la boussole prise sur une jonque arraisonnée. C'était se lever, la prendre, vérifier que depuis longtemps plus personne ne pensait à mettre un grain de riz pour le maquoui. C'était ne pas penser que cela devait nous porter malheur.

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En bas, longeant les jolies maisons aux toits colorés qui s’étagent sur la pente, la chambre ouverte et coulante du fleuve réfléchit la lumière sur les pierres alentour et sur les amoureux. Ici, le vent a de l’espace ; il balaie par grands aplats la surface de l’eau. Et l’air merveilleux pétille et papillote en lui-même, tout autour, comme un Prosecco vénitien (ce vin mousseux délicieux). L’air lumineux, le vent, font du fleuve un tissu qui tour à tour se froisse, s’imprime de motifs fugaces, s’argente et miroite. Mais le plus important consiste dans la rencontre de cette belle atmosphère avec le visage des amoureux. Quand l’air, fort de sa douce et tonitruante évocation de l’hiver à venir, shampouine leurs cheveux, lave leur peau dans l’explosion tranquille de ce jour automnal, il y a quelque chose qui plonge les amants dans une joie profonde et assurée. C’est une sorte de restauration de la limpidité acérée du climat de leur enfance, quand Hippolyte jouait dans la plaine, quand Yseult se promenait dans la campagne. Là aussi, le vent vivifiant avait de l’espace. Aux premières fraîcheurs de la saison, il portait ce goût d’un je-ne-sais-quoi acerbe, virulent, dont la quantité discrète, au sein de la quiétude de l’été finissant, relevait la saveur de tout le jour. C’était la promesse d’une vie d’aventure. Cela préfigurait les épreuves dont on sort grandi. Cela voulait dire la mort comme moteur de la vie. Et c’est bien cela que les amoureux retrouvent sur les berges du fleuve quand ils se dirigent aimablement vers ce petit restaurant.

samedi 13 octobre 2012

998 : vendredi 12 octobre 2012


Yseult, aujourd'hui je suis tombé. Et la pluie. Et la nuit. Comment serais-je un père pour Joseph? Je ne supporte pas de vivre. 

vendredi 12 octobre 2012

997 : jeudi 11 octobre 2012


Ta mère est l’écriture et le père est peut-être. L’écriture désigne le père car elle est amoureuse de lui qui est peut-être. Elle est folle de lui qui est peut-être. Elle est folle de lui parce qu'il est peut-être. Crois-tu ? Crois-tu que le père qui est peut-être soit ton père ? Personne ne le dit si ce n’est l’écriture, ta mère. Rien n’est sûr en ce domaine. Cela te divise. Comme tu aimerais savoir ! Cette incertitude te déchire et c’est en cela qu'elle fonde ton humanité. Ton humanité, c’est l’enfant de ta mère l’écriture amoureuse et du père qui est peut-être. Tu as beau essayer de la conquérir, tu as beau séduire l’écriture ta mère, elle ne se détourne pas de son amant qui est peut-être, de celui dont elle te montre qu'il est ton père : celui qui est peut-être.

jeudi 11 octobre 2012

996 : mercredi 10 octobre 2012


Assis sur les rochers de la jetée, Hippolyte et Yseult se tiennent la main. La mer joue doucement dans son bleu avec l'eau de son corps. Hippolyte pose sa main sur la nuque déliée de son amoureuse ; il la caresse et goûte ses cheveux du bout des doigts.

mercredi 10 octobre 2012

995 : mardi 9 octobre 2012


Yseult, je me souviens de mon nom. Il vient de la nuit des temps de l’homme, au galop, comme un cheval superbe.

mardi 9 octobre 2012

994 : lundi 8 octobre 2012


La vie des mille-pattes est un paradis et nous ne le savions pas, belle météo ! L’ensemble rayonne-t-il à trois degrés Kelvin ou moins ?

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C'était comme si l'on ne savait plus où donner du regard, tellement tout était manifeste, montré dans un luxe et une profusion sans pareils, avec précision, minutie et il faut le reconnaître, une certaine exhubérance, comme une magnificience du détail ; il y avait là de l'orgueil, une force et une volonté évidentes, pour ne pas dire une certaine détermination. Le futur comme pure ouverture, ouverture qui vous regarde dans les yeux. Tout se concentrait cependant en une image en mouvement, un enchaînement de gestes souples et virevoltants, l'image semblant presqu'en même temps se dissoudre en une myriade de signes et de reflets. C'était presque futile - sans motif, sans raison - mais ça n'en était pas moins immense, dense et lourd. Ce n'était, après tout, qu'une sorte de parade amoureuse, avec ses artifices, avec toute la splendeur de ses couleurs et de ses ornements, de ses parures et de ses danses. « Derrière l'apparente vacuité des intentions, par delà le propos qui serait celui de divertir et instruire, se pose, semble-t-il, la question de la manipulation mentale. »

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C'était à la fin du premier mois d'école, c'était s'entasser à l'arrière d'une traction, celles dont les anciens se servaient pour transporter les châssis, c'était cet éternel effort pour ne pas montrer son effarement de pensionnaire transplantée, c'était la jubilation qui montait, c'était les chants idiots beuglés, c'était la mélodie de certaines chansons empruntées aux carabins, c'était découvrir la beauté du tracé de cette étrangeté, l'autoroute, c'était contourner la cité universitaire, c'était le bras autour des épaules qui forçait à se pencher dans les virages, c'était Orly, les voitures qui se vidaient, c'était le grand massier sélectionnant la plus jolie des cinq nouvelles, et bien entendu ne pas être désignée, c'était la fanfare regroupée, c'était le pompier et d'autres airs, la fille et l'énorme gerbe, c'était notre irruption dans l'aérogare, c'était chercher le responsable, c'était une délégation, fanfare, fille, anciens, remettant à une hôtesse de l'air notre bouquet pour le mariage de Farah Diba, c'était rentrer, retrouver l'atelier et l'un des trois bourets de l'illustre ancienne.

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Il y a cette mare sous le grand saule pleureur. Les zèbres s'y abreuvent à la brunante. Le vent léger remue leurs crinières d'iroquois. De petits oiseaux piaffent et volettent alentour. C'est à cette heure qu'on peut voir Elise, la mère d'Hippolyte, se promener dans la plaine. Tandis que le buvard de la nuit boit le jour, Elise louvoie dans l'interstice vespéral, en quête d'un lieu convenable. Dans sa longue robe bleue, ample et jeune, où le moindre vent trouve asile, elle semble une apparition. L'âme d’un port en quête d'une baie. Ses longs cheveux noirs disent les nuits du large. Leurs mèches fleurent l'iode immense et dans ce corps qu'elles dévalent déferlent les désirs remuants de la houle que rien ne put jamais combler. Elise, verticale au cœur de ses voiles, s'avance parmi les zèbres. Elle caresse leurs museaux. Les quadrupèdes bonhommes se laissent faire. Ils aiment bien sentir son odeur marine, comme elle se glisse dans leurs naseaux. Elise s'assoit sous le saule. Des larmes se font dans ses yeux. Quand reviendra-t-elle à l'amour ? Le lieu lui échappe encore. Quand s'ancrera-t-elle dans une baie lumineuse comme autrefois ? Et les grillons lustreront le silence. Et les pierres auront la présence des choses précieuses. Les chemins parmi les arbres attendront ses pas comme une patère sur le mur le manteau du visiteur.

lundi 8 octobre 2012

993 : dimanche 7 octobre 2012


Hippolyte et Yseult se promènent dans cette vieille ville européenne. La lumière du soleil emplit l'espace et le couche dans les rues comme un petit enfant qu'on met à la sieste. Tout est calme. Le premier vent frais de l’automne s'octroie les surfaces pour dire la caresse. C’est un beau jour et les amoureux flânent à vrai dire. C’est-à-dire qu'ils s'identifient eux-mêmes à ces caresses douces qu'ils ont partagées la nuit dernière et ce matin. Ils glissent dans l'accord de leur rencontre et ne cherchent rien qui ne soit l'accompagnement fondateur de ce mouvement qui les emporte. C’est l'amour.

dimanche 7 octobre 2012

992 : samedi 6 octobre 2012


J’attends Yseult. Elle doit me rejoindre dans quelques instants. Elle surgira dans cet horizon intime et hasardeux qui m’inspire. Son visage comme un soleil déchirera les imprécisions alentour. Alors non seulement je serai incarné mais l’endroit où je me tiendrai ne sera plus ce non-lieu ondoyant mais l’endroit de la rencontre amoureuse. Et je serai un peu abîmé. Parce qu'Yseult me met en présence de moi-même avec une intensité telle que je me brise comme un contenant trop plein, que je me déchire comme un drap trop tendu. Et je serai heureux. Car, malgré cette douleur (ou grâce, en autres choses, à cette douleur), je me sentirai vivant, terriblement vivant. Ce sommet de ma joie, je l’atteindrai dans la conscience de son visage qui me regarde avec tendresse et dans l’affirmation de ma croyance en la gratuité de notre amour. Je le lui dirai. Je lui dirai que je crois que notre amour est gratuit. Je lui dirai que nous n’avons strictement rien à payer pour lui. Je le lui dirai. Elle sourira et m’embrassera sans doute. Prenant ma main, elle m’entraînera dehors, encore une fois. Et je lui dirai oui.

samedi 6 octobre 2012

991 : vendredi 5 octobre 2012


Joseph crie. Il crie parce qu'il a faim. Il a faim de son propre corps, de sa propre parole. Un jour il sera assez fort pour nourrir seul sa faim. Aujourd'hui, Yseult lui prête sa faim, pour lui donner de la force. Yseult peut nourrir seule sa propre faim. Mais dans l’amour elle a décidé de la partager avec Hippolyte, quitte à la perdre, quitte à l’abîmer ou ne plus la reconnaître. Hippolyte aussi partage sa propre faim dans l’amour. Et c’est bien cette faim partagée dont Joseph est une possible incarnation appelée au libre exercice de la vie.

vendredi 5 octobre 2012

990 : jeudi 4 octobre 2012


C'était accompagner le vieux jardinier pour ouvrir, lorsque c'était son tour, la vanne sur le petit canal du quartier, qui venait de se remplir d'eau. C'était le suivre le long du circuit, et avoir le droit de relever la petite cloison métallique qui permettait de donner l'eau aux laitues, à un autre carré, ou de remplir le caniveau du jardin de fleurs. C'était voir la petite rigole de ciment se transformer avec un léger murmure en ruban de vie. C'était, derrière son dos, faire flotter une brindille et la suivre en gambadant dans le soleil.

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Lentement nous nous apprivoisons. Pardonner Hippolyte. Accepter d’être blessée et heureuse. La lumière simple se reflète sur les meubles et dit le premier silence dans la traîne duquel nous vivons, comme garçons et filles d’honneur derrière la mariée d'antan.

jeudi 4 octobre 2012

989 : mercredi 3 octobre 2012


Notre désir s’est émoussé. Tristes nous sommes. Je me sens froide. Le D.ieu me manque. C’est-à-dire que je manque de vide. Je manque de manque. Hippolyte m’est un horizon brumeux, inaccessible. A quoi bon tout cela ? A quoi bon ? Je pense à Joseph qui attend dans mon ventre. Je n’ai pas le droit de me poser ces questions.

mercredi 3 octobre 2012

988 : mardi 2 octobre 2012


L’oiseau chante l'estompement de la nuit, le retrait de ses encres lourdes ; plus pur qu'une idée au large, se révèle ciel d’un bleu qui fait pleurer de bonheur.

mardi 2 octobre 2012

987 : lundi 1er octobre 2012


Un thé au Sahara (Paul Bowles) s’est évaporé depuis longtemps, mais Passion simple (Annie Ernaux) n’a pas encore quitté mon "sac à livres" : le train serait-il de retour en gare d’Orsay ? Le papier bible ne prêche pas toujours parole d’évangile…

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C'était, en la déplaçant légèrement pour prendre un livre, vouloir que sa main ignore que le contact de la naïade aux beaux seins ronds n'était pas comme cela aurait dû l'être celui de l'ivoire ou de la corne, ou c'était s'amuser de cette imitation presque parfaite, juste un peu ridicule, comme lorsque je l'avais offerte à mon père comme un petit gag, un aveu de mon incapacité à faire mieux, mais un tribu rendu à notre goût partagé pour les ouvrages de gaillard d'avant, les petits cuivres d’accastillage, les chansons à hisser ou virer gueulées, merveilleusement faux pour moi et les sœurs en soutien du baryton dont il était fier sans trop le dire. Souvenir partagé du sous-sol de la villa de La Pérouse, des rayons sur le mur à côté du Coq posé sur ses cales, souvenir de cette boutique lambrissée dans laquelle nous étions descendus à Nantes, de la pénombre, des odeurs de toile, de cordage et de goudron, souvenir de tout ce à quoi il n'avait renoncé que tardivement, petit signe pour l'accueillir dans sa chambre bureau, avec la carte de la rade d'Alger et ses lignes de minuscules chiffres, lorsqu'il revenait de ses promenade le long de l'écluse.

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C’est la nuit. Le son des choses enfle dans un cœur à côté. Il y a la tenture opaque et les îlots traversés de pluie. C’est la nuit. Je suis heureuse. Cela me donne du poids. Qu'attendre de plus dans ce suspens si lourd ?

lundi 1 octobre 2012

986 : dimanche 30 septembre 2012


Journée grise, sans contraste, douce et reposante, comme si l’Histoire faisait la sieste. La lumière amatie par le filtre des nuages… Je me sens acceptée. Le jour me recueille. Ma forme est adéquate à mon humeur. Le petit Joseph dans mon ventre. Une promesse inconnue prend chair. Hippolyte est content. Son travail avance bien. J’aime à le voir préoccupé par son écriture. Son corps paraît plus dense, plus ferme : cela m’attire.

dimanche 30 septembre 2012

985 : samedi 29 septembre 2012


Il ne pleut plus aujourd'hui. L’air est doux mais le ciel reste blanchâtre, diffus, comme un grand non-lieu. J’aime bien malgré tout ce ciel indéfini. J’ai appris à l’aimer. Il me rappelle à ma propre vacance que je construis pour accueillir Joseph.

samedi 29 septembre 2012

984 : vendredi 28 septembre 2012


J’erre dans les circonstances de ces jours passés avec Hippolyte, j’erre et me divertis de cette errance. C’est mon travail peut-être d’errer, de veiller à la frange du doute, de porter la certitude de mon achèvement jusqu’à l’incandescence irradiante (Joseph ?). Oui, être inachevée mais soumise à la finitude, voilà un travail ou du moins un champ d’expériences dans lequel devenir plus humaine… Joseph bouge dans mon ventre. Il me fait des signes. Il fait de moi un signe.

vendredi 28 septembre 2012

983 : jeudi 27 septembre 2012


C'était avoir aimé se promener les dimanches après-midi à la limite des 6ème et 7ème arrondissements, remettre les pieds dans ses chemins d'élève architecte fugueuse, quand le trajet entre le 17ème des grands parents et l'école du boulevard Raspail se faisait à pied et prenait toute la journée, c'était avoir marché en regardant le haut des immeubles, l'irruption des toits sur les façades, et les cariatides et tympans, c'était se souvenir du rez-de-chaussée de l'aile du Louvre le long de la Seine et de la nymphe de Fontainebleau, c'était avoir retrouvé, en s'installant dans cette ville de fin de vie, au bord du Rhône, les petites rues, les porches et les façades noblement ornées, c'était aimer, sous les mascarons grotesques de l'hôtel de Crillon, une femme couchée, presque offerte, entre ville et fleuve, c'était rêver très vaguement, en dérive imprécise, aux métamorphoses d'Ovide, et aux dernières fraises plissées du temps d'Henri de Navarre.

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Journée pluvieuse. Je me noie dans les flaques. La vie en sourdine. Attendre.

jeudi 27 septembre 2012

982 : mercredi 26 septembre 2012


Aujourd'hui les zèbres sont partis. La plaine ôtée de leur présence me paraît muette. Les giboulées passent et minent le jour. J’ai peur que la pluie ne s’arrête jamais. Que le soleil ne réapparaisse plus. La maison assombrie s’emplit de menaces, de mauvais présages. Je pense à Joseph qui grandit dans mon ventre. Pourrait-il vivre dans un monde sans lumière ? Puis les nuages s’espacent et le soleil ressuscite. C’est chaque fois un intense soulagement que d’observer la lumière inonder de sa joie la moindre parcelle de terre. Comme l’eau devient constellante. Comme ses vapeurs font de lentes écharpes aux arbres.

mercredi 26 septembre 2012

981 : mardi 25 septembre 2012


Hippolyte, ton souffle court sur ma peau qui attend la voix de tes mains pour prendre vie. Que tes mains me fassent, que tes mains me créent mon amour, avec tous les chants de la caresse.

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C'était rencontrer sur un déballage à même le sol de la place du marché, une jambe dans une petite valise en carton, les fesses blotties dans un boutis froissé, un baigneur en celluloïd – se dire en celluloïd, s'étonner pourtant d'une épaisseur qui ajoutait à son souvenir un sentiment de solidité et de quasi richesse – c'était repenser mécaniquement, comme les rares fois où elle se retrouvait en présence d'un de ces corps joliment potelés, d'une de ces têtes rondes aux cheveux sculptés, au jouet de son enfance, assez grand pour qu'elle puisse à peine le tenir dans ses bras au début - et peut être était-ce la raison pour laquelle elle n'avait jamais eu pour lui l'embryon du sentiment maternel que l'on attend d'une petite fille – qui lui avait appris le vague plaisir de la propriété, comme ses chaussures ou sa place au tour de la table familiale, qui lui avait appris surtout l'échange d'amour entre sa mère qui l'avait donné, comme le nom puisqu'elle, elle ne s'en souciait pas – et d'ailleurs elle l'a oublié – qui lui tricotait chaque année, ou cousait, un vêtement, entre sa mère donc et elle qui remerciait, souriait pour faire plaisir, heureuse de plaire ainsi et de répondre à la générosité maternelle, avant de retourner aux jeux inventés avec les petits.

mardi 25 septembre 2012

980 : lundi 24 septembre 2012


Ce "bandit manchot" semble avoir rencontré un "requin femelle" : les bras lui en sont tombés. Faut bien se dévouer amicalement ; on a tous écrasé, un jour ou l’autre, un insecte entre ses doigts.

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Hippolyte s’assoit au milieu de ses livres étalés par terre et il attend. Il vibre parmi les lettres. Il regarde. Parfois il lit quelques bribes au hasard. Il scrute. Il frémit à l'unisson des lettres. Jusqu’à ce qu’il s’absente. Jusqu’à ce que son regard se perde. Jusqu’à ce qu’il soit là autrement. Alors il travaille. Ou plutôt, une parole le travaille en son creuset. Quel est ce creuset ? Son corps. Son corps qui rêve. Son corps qui se prête au savant bégaiement des songes. Ici, dans ce sillon de sa chair que longent les véhicules balbutiants du rêve, se prennent les décisions les plus importantes de sa vie. Quand il cesse de travailler, c’est-à-dire quand il sort de cet état singulier, tout est accompli. Il ne lui reste plus qu’à vivre. Il reste donc encore tout à faire me direz-vous. Oui, certes, mais ce n’est plus pareil. Quelque chose a eu lieu. Et il commence à écrire.

lundi 24 septembre 2012

979 : dimanche 23 septembre 2012


Hippolyte, ancre-toi loin de moi. Et sois fidèle dans ces distances immenses. Car il me plaît que tu parcoures d’innombrables pays quand je t’appelle très doucement. De cela je me nourris. Dans cet écart je suis ta femme. Eloigne-toi de moi, écoute le moindre de mes désirs. Comme cela tu me séduis…

dimanche 23 septembre 2012

978 : samedi 22 septembre 2012


J’ai rêvé que mon corps était de papier. Des brutes me froissaient sans pitié et me jetaient au feu. Un grand feu nocturne. Et je devenais la fumée de moi-même. Je flottais au-dessus de la ville. Et je me dispersais dans le ciel jusqu’à ce qu’il ne reste de moi qu’une invisible expansion. Alors une explosion a eu lieu. Une consistance s’est saisie de moi, ainsi qu’un poids, et je suis tombé dans l’éveil véritable. Yseult dormait à côté de moi. Sa peau ruisselait de silence. L’estuaire entre nous charriait l’amour depuis la plus immédiate origine vers le petit Joseph qui pleurait dans l’alcôve de sa dépendance.

samedi 22 septembre 2012

977 : vendredi 21 septembre 2012


C'était aimer la solidité du bras du grand-père, le plaisir de l'avoir un instant à soi, mais c'était aimer beaucoup moins la rudesse du drap kaki contre le rebondi de ses mollets – c'était préférer le coton de la chemise de Mahmadou, et puis lui il avait le temps de parler et de jouer – c'était trouver aussi qu'il faudrait qu'il se dépêche un peu, le bonhomme en civil, qui parlait beaucoup, qui exigeait un sourire, qui n'en finissait pas de regarder dans son gros appareil. C'était attendre avec impatience d'être reposée au sol, de pouvoir cueillir d'autres brins d'herbe, entre les aiguilles de pin, à côté de la grande place en terre. C'était sentir la main du grand père qui chatouillait un peu, pour avoir le sourire demandé, c'était aimer bien ça mais baisser un peu la tête pour bloquer ce sourire qu'il était beaucoup plus amusant de refuser.


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Une page écrite, n'est-ce pas une cage dévoilée que l’on découvre de l’extérieur une fois que, mystérieusement, l’écriture nous en a délivrés ? Chaque ligne écrite serait un barreau révélé, un barreau brisé en menus mots.

vendredi 21 septembre 2012

976 : jeudi 20 septembre 2012


Yseult, apprenons à être aveugle. Nos gestes seront féconds si nous savons préserver l'obscurité de leur cause. Agissons sans raisons. Recueillons l'ombre dans le creux de nos mains. Un enfant est un mystère qui prend chair et cherche la parole pour se dire vers autrui - une énigme sans réponse. L'avenir se construit avec chaque pan de cette nuit qui se trame de génération en génération.

jeudi 20 septembre 2012

975 : mercredi 19 septembre 2012


Les zèbres paissent dans les plaines vertes, les nuages dans la plaine bleue. Sous le soleil ils dérivent en paisibles troupeaux. Ils vont au loin, insensiblement, où se rejoignent leurs terres respectives. Parfois un zèbre court. Son galop fait un rythme soudain dont l’absence résonne dans le calme revenu. On dirait que les arbres se souviennent. C’est à cause de leur air pensif quand le vent se remue doucement dans leurs branches. L’herbe tremble dans l’air qui se déploie : elle attend l’interprète.

mercredi 19 septembre 2012

974 : mardi 18 septembre 2012


Hyppolite, ton regard me délivre. Ton regard est mon prince charmant. Sais-tu que dans tes yeux loge mon chevalier d’amour ? Non, évidemment, car la condition de sa présence en est justement ton ignorance. Tu as su tomber amoureux de tes propres blessures de la matrice desquelles est née mon chevalier d’amour. Viens maintenant, viens jusqu'à moi, que l’on devienne ce vent qui déplace les dunes jour après jour. M'entends-tu quand je me tais de la sorte ?

mardi 18 septembre 2012

973 : lundi 17 septembre 2012


Et maintenant, que va dire madame devenue monsieur Tout le Monde : à la folie ou pas du tout ? Cela s’appelle "avoir du nez".

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Yseult regarde l’ongle de son pouce dans le clair-obscur de la chambre. Le sperme d’Hippolyte glisse doucement sur sa cuisse. Lovée dans le corps de son amant, elle cherche un nom pour l’avenir. Sur la surface bombée de son ongle, le peu de lumière dépose un léger reflet, presque mat, qui semble lui dire, sans déchirer quoi que ce soit du silence alentour, la première fois qu’un nom se prêta à la bouche de l’homme. Le souffle d’Hippolyte endormi caresse sa nuque. Dans son corps mille noms oubliés crépitent de joie. La généalogie s’émeut. Et les millions d’assassinés de son peuple. Yseult ferme les yeux tandis que la lumière envahit peu à peu le volume de la pièce: c’est l’aube qui parle et touche l’oreille de la nuit, pour la rappeler à son existence.

lundi 17 septembre 2012

972 : dimanche 16 septembre 2012


Yseult, il y a cette béance qui m’écartèle et me nourrit ; il y a cette béance que ton prénom saisit, comme un chant saisit le silence. Et ton prénom Yseult c’est ton corps que j’étreins nuit après nuit. La blanche délicatesse de ta peau qui embrasse la nuit. Tes seins soudains à la rondeur souriante et joyeuse. Ton nom c’est l’aérienne mie d’une brioche au sortir du four. Yseult, tandis que ma langue nous délecte…

vendredi 14 septembre 2012

972 : jeudi 13 septembre 2012


S’il y a une limite à chaque crise de panique ? Non, je meurs chaque nuit dans un sommeil poisseux. Combien de nuit me reste-t-il à écouler la vie ? Ploc, ploc. C’est le goutte à goutte du cœur. Une serviette, vite ! Qu’on l’assèche. Il ira sur l’étagère avec tes autres trophées d’Homme.

mercredi 12 septembre 2012

971 : mardi 11 septembre 2012


Veste grise sur un corps tout en longueur la pièce s'étend plus je la regarde la veste se maintient en suspension plus je la contemple la figure disparaît au creux de ses mains pleine d'un cri qui se répand à travers mon regard celui que je lui porte celui qui est face à moi, celui que je vois posté-là, figé-là, qui me renvoie à mon souvenir : quelque chose est là présent que je ne cerne pas mais, j'y suis.

mardi 11 septembre 2012

970 : lundi 10 septembre 2012


Par un petit matin calme de janvier, y a quelqu’un : cette comparaison est éclairante. Et juste ? Oh well, this is how it goes after a while... Faire un copier-coller n’est pas une preuve d’amitié. Si ! "I" ("va", en latin) : Voltaire a su clouer le bec à Frédéric II de Prusse en un seul caractère. C’était avant Twitter, cela dit. Vie de chat, vie de château : quelque chose comme un système sans exploitation.

lundi 10 septembre 2012

969 : dimanche 9 septembre 2012


Ce matin là, il ne restait plus que les jumelles et le petit dernier, les aînés étaient partis en pension, joyeux sourires et discrètes caresses des yeux sur le jardin, et un peu sur les visages, en pension. Ce matin là, Sylvette avait traîné en se levant et sa sœur et la Mariette la bombardaient d'ordres, de grouilles-toi, qui lui faisaient renverser le café, mettre son pied droit dans le soulier gauche. Ce matin là, quand elles sont enfin parties à l'école, Jacques a reniflé, mis trois doigts dans sa bouche, a réfléchi, est sorti, jambes maladroites ruant plus qu'elles ne déroulaient leur pas, s'est laissé tomber dans les herbes près de la cuisine, a crié quelque chose qui ressemblait au nom du chien, et une poule est venue picorer entre ses pieds grassouillets.

jeudi 6 septembre 2012

968 : mercredi 5 septembre 2012


Et la pièce lui appartiendrait à présent figée dans cet endroit elle ne cesserait de parcourir le lieu en attente de l'autre son regard se pose sur ce qui reste d'elle du drap sur le lit d'un tissu sur le lit il y a ce moment un instant où tout se contemple où elle se devine son corps à présent allongé là à demi dans l'ombre qui interminablement se répète d'avant en arrière sans relâche.

mardi 4 septembre 2012

967 : lundi 3 septembre 2012


Les pas l'auraient conduit à travers la ville, la ville l'aurait conduit à ne pas cesser de marcher, marcher l'aurait persuadé de sa direction toujours plus rythmée, toujours plus rapide, encore en marche : surtout ne pas se rencontrer : face contre terre, il y aurait cet homme qui n'a pas de nom, qui ne possède aucun visage, aucune parole, aucun reflet, aucune rencontre : tu as déjà capitulé.

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Attention ! La Seine est la voie navigable la plus fréquentée de Paris, sans sa majuscule. L’Histoire est devenue très modeste. Alors ? On préfère les histoires, aujourd’hui.

mardi 28 août 2012

966 : lundi 27 août 2012

Combien sommes-nous à nous tromper là-dessus ? Il reste ses œuvres, j’aurais dit. A-t-on besoin d’être injurieux pour se faire entendre ? Circonstance atténuante, si tout cela (les faits et l’article) s’est passé un 1er avril.

lundi 27 août 2012

965 : dimanche 26 août 2012


Ce matin là, pendant qu'ils étaient le nez dans leurs bols ou se disputaient en silence le pot de miel, leur mère leur dit « bonne nouvelle : votre tante Mathilde et ses enfants viennent déjeuner », et après un moment de silence et de regards coulés de l'un à l'autre, « ne montrez pas trop votre joie », et puis « regardez moi », et puis « je compte sur vous », et puis à l'aînée « toi tu restes là et tu veilles sur eux », et puis aux jumeaux « je ne veux pas vous voir filer dans votre chambre » et à tous « vous verrez, ça va être une très belle journée » et puis « souriez », et puis « je ne veux pas voir ces sourires entendus ».

samedi 25 août 2012

964 : vendredi 24 août 2012


De côté, assise, de dos, sans bouger : une vieille femme posée-là en direction d'une autre ville. A travers la fenêtre ça circule : paysage en mouvement, vers ces fragments d'arbres. Figé-là un visage : face à face. Peut-être que tu n'y es pas encore, il y a cette sensation d'un bruit sourd : tunnel. D'un autre moment qui arrive : pluie forte. D'un mouvement en continu, de passage : des paysages déjà qui disparaissent. Mais j'y suis.

vendredi 24 août 2012

963 : jeudi 23 août 2012


Les hommes de nulle part se réunissent les uns les autres, en conciliabules, à certains moments déterminés. Autrement, hormis ces rares conciles ils ne se rencontrent jamais. D'au dehors on pourrait penser qu'ils se font la guerre, font de l'histoire pour construire la géographie, constituent territoires et cultures, et même civilisations. Mais les hommes de nulle part, qui parlent le langage de nulle part, n'ont nul besoin ni de s'entendre ni de se comprendre.

mardi 21 août 2012

962 : lundi 20 août 2012


Il doit s’agir de Fred Nietzsche (et non de Friedrich) car ce texte s’exprime de manière très contemporaine, en dépit de ses effets de style suranné après tout : « Écrire, c’est mettre en ordre ; confondre "PIB" et "taux de croissance", c’est utiliser "emmener" pour "apporter" ! »

dimanche 19 août 2012

961 : samedi 18 août 2012

Ce matin là, comme la Mariette était partie passer trois jours chez sa sœur, ils ont décidé de préparer le petit-déjeuner... le lait n'a pas débordé, Pierre a calé la boule contre lui et coupé un tas de tranches, mais pas lui, les doigts des petites sont restés en suspens au dessus de la confiture, ils ont discuté de la disposition des bols pour que les couleurs fassent joli, ajouté un bouquet des pâquerettes du chemin, les parents sont restés sagement sans se manifester dans leur chambre sans trop d'impatience, souriant avec un rien de nervosité, et l'aînée a mis les cuillères de café au fond de la cafetière ce qui s'est révélé non adéquat.

vendredi 17 août 2012

960 : jeudi 16 août 2012


Allers-retours Personne ne fera quoique ce soit avec ce bâtiment. Personne ne sait  vraiment ce qu'il en adviendra. "Sans issue. C'est sans issue". Litiges entre les différentes parties. Problèmes d'ordre administratif liés au fait que l'architecte - devenu fou - était aussi bien à l'origine du projet que présent dans chacune des étapes ultérieures de son exécution; aussi se trouvait-il qu'il était inévitable de requérir la dite signature à chaque stade de sa mise en oeuvre. Les parties impliquées n'ayant pas su se mettre d'accord sur un projet commun de réhabilitation, la résolution du conflit semblait vouée à l'échec. Artefact laissé là sans aucune utilité, l'édifice se trouvait là, quasi achevé, en passe d'une totale absence de réalisation, en passe de devenir un objet d'art. La situation de l'édifice, proche de l'hypercentre, tout en étant quelque peu excentré, lui donnait une certaine visibilité. Il s'élançait, simplement; de ses lignes et ses formes, vers le ciel; esthétique aux formes nues.  L'hiver les frimas brumeux noyaient la ville et recouvraient les tours de givre. Lors des journées de grande luminosité on voyait des pans entiers de la cité se refléter projetés sur les tours de Transparence.

jeudi 16 août 2012

959 : mercredi 15 août 2012


Il y a les grilles vertes, cette haute maison, ce grand jardin bourré d'arbres que je vois de biais à travers les grilles.

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Allers-retours  L'architecte est devenu fou. Personne ne sait ce qu'est le Rayon. Tous redoutent sa terrible Illumination. L'architecte est devenu fou, depuis qu'il a vu le Rayon.Personne ne sait ce qu'est le Rayon. La plupart en ont perdu la raison. Mais lui en est juste sorti comme abruti, un peu engourdi, ou abasourdi. On le dirait toujours en apnée. Son regard se maintient, au loin, fixant l'horizon absent; ce qu'il dit se réduit toujours au minimum. Il est là, il est seul, quelque part. Il n'est pas sûr qu'il n'en pense pas moins. Ses circuits de communication ont subi une très forte distorsion. Diurnes. Personne ne sait exactement ce qu'est le Rayon. Ses yeux fatigués suivent les ombres les courbures du vide. Comme celui qui s'est déserté lui-même son regard se maintient au loin, presque comme éteint. Densité. Mais celui qui n'est pas totalement un rescapé reste avec son âme dénudée et oui ne peut que rester là, ébahi, hébété, prostré. Pourtant un calme profond émane de sa présence et, comme quasiment scindé, séparé,  son esprit furtivement s'échappe il va ça et là, il est tout entier décentré, et se prend à se promener le long des parois, des reflets de verre. Ce milieu est instable, les réseaux s'y forment et s'y déforment, ils diffusent leurs rayons à résolution multiples, ce désert n'a pas toujours été un désert. Le sable chante, crissement du sel et de la pierre, le vent dans les dunes, qui éprouve leurs formes. Ce désert n'a pas toujours été un désert, le silence n'y existe pas, il s'y joue des symphonies, il y a toujours symbiose, et osmose,  il y a la neige, la glace, le gel, sous une infinité de formes. Chaque grain de sable étant pourvu d'une qualité de singularité et d'unicité. Chaque flocon de neige étant lui aussi différent de tout autre flocon de neige.

mercredi 15 août 2012

959 : mardi 14 août 2012


Ce matin là, comme il pleuvait interminablement, pour toujours, l'aînée a décidé qu'ils joueraient au théâtre, a distribué des rôles malgré controverses chougnardes ou doucereuses, a décidé d'une histoire qu'ils ont détruite en improvisant, et ils se sont merveilleusement disputés et amusés, sauf Pierre qui leur a dit que c'était idiot et qui est allé retrouver ses amis pour faire un concours de saut en longueur avec dérapage dans la boue de la rive près du ruisseau, et fastueuses réceptions sur les fesses.

mardi 14 août 2012

958 : lundi 13 août 2012


Les nourritures de l’esprit progressent : voilà une idée accueillante, Artichaut ! De tout cœur avec lui, Euh ! Les infirmières ne sont nécessaires que dans un monde de malades…

samedi 11 août 2012

957 : vendredi 10 août 2012


Ce matin là, ils ne purent se mettre d'accord, les suggestions de leur mère tombèrent dans l'indifférence, leur père n'en fit aucune, il y eu litige pour la possession du bol à l'oiseau bleu, quelques grands gestes de bras, une danse du pot de miel, et chacun s'en alla de son côté.

jeudi 9 août 2012

956 : mercredi 8 août 2012


Le regard se poserait sur ce sac, sur l’envol des guêpes, sur l'ombre sur ce mur : d'un coup ton visage se pose sur cette trace laissée là, face à face.

mardi 7 août 2012

955 : lundi 6 août 2012


Émouvantes et mouvantes émotions, mieux vaut faire équipe que collaborer ! Par comparaison avec les hommes, les cobayes ont la vie douce.

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Ce matin là, ils sont partis sur le chemin du port, pieds nus, chacun portant une charge à sa mesure, le sac à voiles, le petit seau de minuscules escargots blancs récoltés dans les herbes à côté de la piste de la base aéro, le panier des palangrottes, ou celui du pain et des abricots, et la brise de terre soufflait doucement sur la plage quand ils sont arrivés au bateau.

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Lors des instants d'extase, son visage s'imprégnait d'une lumière éthérée qui paraissait exploser de l'intérieur, sortant de son être et allongeant ses traits d'un bonheur qui semblait lointain et omniprésent à la fois. Rien que d'y penser l'excitait, il aimait la regarder se perdre dans cette langueur magnifique, se dire qu'il était à l'origine de se plaisir partagé. Parfois, un reflet de vitre ou l'orientation d'un miroir lui permettait de voir également son propre visage et la vision de leurs corps entremêlé décuplait son ardeur et son orgasme. Elle entrouvrait les lèvres et les yeux, il aurait voulu que cela dure toujours. Ils restaient ensuite enlacés jusqu'à l'endormissement.

lundi 6 août 2012

954 : dimanche 5 août 2012


Suspendu en l'air, son corps relâché pendait vers ce sol se rapprochant d'un coup sa tête a disparu.

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Elle aimerait que la notion de vertige s'efface, comme si l'on pouvait supprimer ce mot du dictionnaire, prétendre qu'il n'existe pas. Comme si le monde n'était constitué que d'ancres solides et immuables et que le changement n'y avait de place. Elle se penche, en avant, vers sa vie, et attend l'instant où le passé la retiendra.

dimanche 5 août 2012

953 : samedi 4 août 2012


Ce matin là, ils allèrent au bout du village, chez la grand-mère de la Mariette, avec des doigts gourmands, mais au fond du jardin, à l'ombre du buis clairsemé, il n'y avait plus de framboises et la grand-mère se lamentait, y a eu une bande d'oiseaux pilleurs, mes enfants.

samedi 4 août 2012

952 : vendredi 3 août 2012


Les aiguilles plient dans sa paume. Il ne s'attendait pas à rencontrer un pin bleu en Bretagne. Assis sous l'arbre, il respire l'odeur de résine et sent sous ses doigts les sensations de l'enfance. Il y avait plusieurs arbres près de sa maison. La promenade du dimanche les emmenait près de ces tâches bleues argentées égayant les bois par toutes saisons. Aujourd'hui il est plus âgé sans être plus sage. Son corps lui rappelle que les ans ont passé, mais sous ce pin, tout à coup, la fatigue s'envole et l'air devient plus jeune.

vendredi 3 août 2012

951 : jeudi 2 août 2012


C’était comme prendre la route un vendredi soir. / Comme prendre son mal en patience. / Comme rouler sans GPS à la lumière de la lune. Sans trop savoir dans quelle direction. / Elsa avait peut-être eu un plan un jour. Elle l’aurait appelé Cartographie des sentiments. Puisqu’il fallait bien dire où l’on allait finalement. Puisqu’ici tout se nomme. / Elle avait gardé le nom des rues. Celle où le soleil se lève. L’odeur du bois de bon matin. Un café, un trottoir, une place pavée. / Comme une ligne de métro des cœurs.

mercredi 1 août 2012

950 : mardi 31 juillet 2012


De ses lèvres dégoulinait ce qui restait de cet instant, d'un corps à présent abandonné-là, en arrêt face à l'autre celui qui la contemple doucement, figé-là dans ce lit. Les corps prennent toute la place dans ce lieu. Vers ces visages, vers cette bouche, dans l'ombre de ses lèvres.

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Marc passe sa langue sur ses lèvres. Le goût du sel se mélange aux cris des mouettes. Face à la mer et les yeux dans le ciel, il est déjà loin du bureau, la longue route avant d'arriver est oubliée. Il ancre ses pieds dans le sable et attend les vagues.

mardi 31 juillet 2012

949 : lundi 30 juillet 2012


S’il en était vraiment ainsi, la plupart des adultes (n’ayant pas effectué de réelle construction de savoir) seraient illettrés, incultes et irraisonnés. Qu’en pensez-vous ? Il reste encore de ceux-là…

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Elle n'avait pas prévu l'épuisement de l'âme. Du corps en bout de course, du cœur en panne. Agnès s'enfuit au vent, se perd en larmes, fondue dans l'écume qui se fracasse contre les falaises.

lundi 30 juillet 2012

948 : dimanche 29 juillet 2012


Il aimait la regarder de dos. Habillée ou nue, il aimait suivre la lumière le long de sa colonne vertébrale, ou en deviner la cambrure. S'agripper à ses hanches et promener ses mains, imaginer des chemins sous sa robe assez tenue pour dessiner ses formes, assez ample pour rêver.

samedi 28 juillet 2012

947 : vendredi 27 juillet 2012


Lorsque les Silencieux s’enferment chez eux, on croit toujours qu’ils vont se taire.

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Les mots s'envolent. L'instant se fige. Du creux de la falaise, un cri s'étire et résonne jusqu'aux mouettes. Extase ou horreur, l'écho en déchoit le sens, ébloui par le jour, amnésié de soleil.

vendredi 27 juillet 2012

946 : jeudi 26 juillet 2012


L'herbe. Ses pas l'avaient conduit jusqu'à ce bord de route. Visage face contre terre. L'herbe c'était planté sur ce visage, sur ce corps figé-là. De côté, des tiges d'herbe creusaient cette peau étalée-là sur ce sol. Regard en arrière alors, un petit tas d'herbe resté sur la route, abandonné-là, de passage.

jeudi 26 juillet 2012

945 : mercredi 25 juillet 2012

 Quant aux Entéléchiques, on ne leur a jamais demandé leur avis sur rien et ils s’en sont jusqu’à présent fort bien passé.

mercredi 25 juillet 2012

944 : mardi 24 juillet 2012


À côté d'elle, un corps lourd sur un banc. Perdu, barbu, à l'odeur de barbecue brûlé. Elle s'occupe à ne pas le regarder et un torticolis la guette à force de fixer devant elle. Si elle tournait la tête, elle saurait. Qu'il a les yeux verts, une bouche fine et charnue à la fois, des mains fines et tremblantes. Elle aurait sans doute envie d'attenter ces spasmes en les prenant dans les siennes, s'attarderait sur les lèvres encadrée de poils de trois jours et de perdait définitivement dans la prairie de son regard. C'est  compliqué, de fixer ainsi la droiture du néant.

mardi 24 juillet 2012

943 : lundi 23 juillet 2012


Les Uchroniens ont des douleurs d’estomac chroniques qu’ils attribuent à une mauvaise gestion des dates de péremption de leurs mondes parallèles.

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Cette belle histoire peut fonctionner sans réseau et dans un pays où faire les poubelles est interdit : 31 550. Pas si mal.

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Agnès découvre le sens de l'absence. Celle de savoir qu'au loin une présence veille et que les pensées se rejoignent quand elles peuvent, que les jours creusent les heures mais rapprochent du dénouement. Cette absence n'est pas un désert, elle est réciproque et en déchirement bienheureux. Les corps s'attendent, les âmes se parlent, les cœurs sont presque en joie du manque. Car s'il n'y avait rien, alors ce serait terminé. Savoir que l'autre est là, porter en soi son image jusqu'au au creux de ses rétines, marquer d'une croix le jour tant attendu... C'est être aimant et aimé, enfin, c'est vivre.

lundi 23 juillet 2012

942 : dimanche 22 juillet 2012


La peinture s'écaillait en larges pans, le bordeaux s'oubliant en brun puis gris sale de poussière. Les fuites se rappelaient aux mémoires grâce à leurs traces glissant le mur, et on devinait le jour par delà les fenêtres opaques de crasses. Des années de négligences avaient passées, les lieux s'étaient enfoncés dans la tristesse de l'oubli.

dimanche 22 juillet 2012

941 : samedi 21 juillet 2012

Ne bousculez personne, conseillent les Attentifs, il pourrait y en avoir d’autres cachés derrière.

samedi 21 juillet 2012

940 : vendredi 20 juillet 2012


Allers-retours Ce building, ultra moderne, a été construit entièrement en plexiglas et en béton armé. Il était censé abriter des bureaux et des espaces de réunions pour de grandes entreprises, mais il se trouve que l'architecte est devenu fou; il a conçu une œuvre d'art, une pièce de mobilier urbain vraiment unique en son genre. Car cet immense édifice ne contient, en réalité, que des étages vides et des ascenseurs.

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Ses cheveux passent par dessus ses genoux et glissent au sol. Elle bascule lentement, le front contre les carreaux rouges foncés et vieux et froids. La lumière est éteinte, celle du dehors se laisse entre-apercevoir par dessous la porte et butte contre les joints noirs et les creux du temps. Trop de cheveux, trop de pensées qui tourbillonnent. Elle laisse ses bras tendu contre elle et ses mains dos au carrelage, en abandon, les genoux sous elle, les pieds contre les fesses et les seins contre les cuisses, dans le noir en fœtus à quasi s'endormir. 

vendredi 20 juillet 2012

939 : jeudi 19 juillet 2012


Quand vient l’hiver, les Enfants de l’Eté se trouvent bêtes comme chou. On leur dit : « vous mordiez au brugnon sucré de vos blanches dents quand le soleil dardait ? Eh bien bouffez du chou maintenant ! ». Alors les Enfants de l’Eté sont bien embêtés et font de mauvais chou bon pot : ils font des vents, se chouchoutent, mettent leur bonne humeur en bocal et méprisent en grelottant un peu quand même, la mesquine bestiole et ses petites manières.

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L'échappée : Le beffroi s’échappait du toit de l’opéra. Tu ne fais que passer en pleine après-midi, je le remarque, il avance. La rue est étonnamment vide, d’elle se dégage cette fumée que tu recraches, il ne se presse pas, le pas passe au travers de ces passages répétés dans cette ville, sous ce ciel bleu, face à ce vent froid, toujours. Évite de croiser d’autres regards de pas qui se mélangent au pavé et la ville vous pénètre toujours un peu plus. Tu décides de le suivre, je le suis, il suit cette rue, droit devant, de son regard qui vous parcourt alors, il déambule d’un pas toujours plus cadencé vers la place, vers l’endroit où tous se posent à un moment donné au fur et à mesure que la journée s’étend, longue, en cette pleine après-midi, sa démarche s’étend de rues en rue, son allure l’emmène toujours plus loin dans la ville, au milieu de ces immeubles hauts qui vous entourent et on vous observe, encore. De dos, vous poursuivez, il poursuit, je le talonne. Ne te retourne pas. 

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Marc se rassure en humant les roses. Elles sont si blanches, leur feuilles virant de rouilles, et ce parfum persistant qui flotte dans le jardin.

jeudi 19 juillet 2012

938 : mercredi 18 juillet 2012


Le commissaire Durieux aurait été bien embêté si les raisons de son acharnement concernant l'immeuble du "36 rue" s'était fait connaître. Raids Hadopi, contrôle de normativité des gouttières, soupçons de trafics d'aiguilles à tricoter, il ne savait plus qu'inventer. La vérité, c'était qu'il avait désespérément chaviré dans les mollets de la veuve Mollard, une belle de 55 ans charpentée comme il aimait, et avec le caractère qui allait bien avec. Il aimait à trouver des excuses pour la croiser, lui adresser la parole, la simple idée de la convoquer pour un interrogatoire dressaient ses poils de nuque dans un frisson d'expectative quasi orgasmique.

mercredi 18 juillet 2012

937 : mardi 17 juillet 2012


Combien de temps, où et comment les Aperçus ont-ils vécu, nul ne le sait. Les derniers à les avoir entrevus sont morts depuis longtemps, et ceux qui se souvinrent de ses heureux témoins sont eux-mêmes tombés dans l’oubli il y a déjà bien des lustres. Et pourtant, il y a fort à parier – ce qui n’engage à rien, que les Aperçus ne s'en étaient pas pour autant sentis plus légers.

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Elle essaye de fuir ce bourdonnement incessant, en vain. Sur ses talons, juste derrière elle, le babil de sa belle-mère la poursuit. C'est une torture sans virgules ni respiration, et elle sent son esprit aspiré pour l'inconséquence des mots, par l'inexistence du silence et l'impossibilité de la faire taire. Enfin elle arrête de marché, se retourne et fixe sa belle-mère. Une gêne s'installe, tant pis. L’inconfort est rarement bavard.

mardi 17 juillet 2012

936 : lundi 16 juillet 2012

Très vrai, car le roman est issu du peuple. Oh, c’est Moorea : combien de facettes a cette idée ? Merci, Pierre (Corneille). Un point, c’est tout Ah… Ces androgynes qui flirtent avec le dictionnaire, désespèrent-ils de feuilleter ce beau volume ?

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Au premier abord on ne distinguait pas bien vraiment ce que c'était, on aurait simplement dit un modèle en costume traditionnel – comme dans une quelconque vitrine, un beau mannequin de cire aux courbes saillantes et aux formes bien dessinées. C'est que ce qu'on en discernait était la forme, et non la fonction. Dès que les spectateurs ont pris leurs sièges (avec, comme bien souvent, de nombreux badauds et curieux qui s'amassent, autour, amusés ou intrigués) la lumière s'éteint. Par un jeu d'interrupteurs sur le tableau de bord, l'homme en haut de forme et costume noir officie aux commandes, et, en même temps que les orgues mécaniques, le manège se met en place. Alors les bras de l'automate commencent de se mouvoir d'abord doucement, puis se déplacent et s'élancent en une sorte de danse, dont les mouvements saccadés se succèdent en un jeu d'arabesques parfaitement exécutées. Tour à tour, dans ses cadences toutes de régularité, la figure de cire s'avance ; son visage se penche, se tourne, s'incline à nouveau vers l'épaule, vers le bas, puis, la main au menton, l'automate sursaute, cesse un temps, et se fige, face à un public enchanté, et ravi. Et puis reprend...

lundi 16 juillet 2012

935 : dimanche 15 juillet 2012


Si les Ruminés portent toujours la main en visière, c’est parce qu’ils reviennent de loin.

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Joseph état accoudé à son bar et songeait à le voisine du dessus. Il n'osait y penser consciemment, après tout son époux était un client régulier, un ami même. Mais, lorsque les lieux était calme et qu'une lumière particulière passait jusqu'à la salle, troublant la vitre de ses rayons doré, il aimait à vagabonder et à songer. Il y avait alors comme une odeur de rose et des idées dégringolant des collines verdoyantes, l'écho d'un rire insouciant. Il oubliait ensuite et se remettait consciemment à vaquer, un sourire particulier sur son visage.