samedi 30 mars 2013

1082 : vendredi 29 mars 2013


et voici mes deux bras. animaux affolés prêts à saisir la plus proche des absences.


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Je reprends ma route d’herbe et de coquelicots. La sueur colle quelques cheveux à mon front que je dégage d’un geste. C’est un papillon blanc qui m’accompagne un instant puis fait demi-tour. Dois-je le suivre ? Un instant je balance, mais ce n’est ni de pollen ni de nectar dont je me nourris, les insectes et moi avons des attentes différentes de cette prairie. Je mâche à nouveau un brin craquant jusqu’aux graines que je jette par-dessus mon épaule, visant ainsi mon passé sur lequel je ne reviendrai pas.

vendredi 29 mars 2013

1081 : jeudi 28 mars 2013


Et pan, dans ma rêverie, j’en oublie les murs et je me prends à nouveau un choc frontal. A moitié groggy, je chancelle et je jure, de toute façon, personne ne peut m’entendre, à moins que les brins d’herbe dans cette contrée étrange n’aient développé des aptitudes mutantes.

jeudi 28 mars 2013

1080 : mercredi 27 mars 2013


haut grillage dévasté par le temps. saison très longue de rouilles et de cassures. génération cellulaire de floches. herbes mortes et regard au travers de tout ça par endroits.

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J’aimerais savoir quel sera son sort, à cet insecte, et quelle sera l’heure, la seconde, de sa mort. Peut-être n’existe-t-il déjà plus, happé dans les nuées par une svelte hirondelle. Peut-être le retrouverai-je posé sur une fleur des champs attendant mon passage pour reprendre la route. Peut-être percera-t-il bientôt un nuage, provoquant l’ondée que j’attends, bouche ouverte et, comble de l’ironie, pull enfin sec.

mercredi 27 mars 2013

1079 : mardi 26 mars 2013


Demi-tour et bifurcation à gauche. Herbe immobile, un insecte bourdonnant. Je le suis, il sera mon éclaireur, jusqu’à ce qu’il décèle pour moi un bouclier d’ondes. Il tourne, encore à gauche, et s’envole vers l’azur. Fin de l’interruption de ma solitude, il est parti chercher l’aventure là où le vent respire et le danger des becs siffleurs qui rasent les nuages.

mardi 26 mars 2013

1078 : lundi 25 mars 2013


Nonobstant, la poudre d'escampette s'imposait : alerte au raz-de-marée, la reine Didon a bien vieilli !

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Je peine à finir mon frugal repas. L’amertume m’a donné plus soif encore et ce n’est pas l’heure de la rosée à collecter sur chaque brin d’herbe. Je vais donc poursuivre ma quête jusqu’à ce soir, ce n’est pas ici l’arbre contre lequel je m’appuierai pour dormir.

samedi 23 mars 2013

1077 : vendredi 22 mars 2013


défiler seul et en courant dans le cercle de sa propre disparition.

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Il faut que je me hisse sur la pointe des pieds pour toucher une feuille, et j’ai beau agripper la branche, je ne peux atteindre qu’un fruit. On dirait une poire. Mais ça n’en a pas le goût. Ou alors elle n’est vraiment pas mûre.

vendredi 22 mars 2013

1076 : jeudi 21 mars 2013


J’arrive à l’arbre sans encombre. Comme prévu, un mur derrière, je n’irai pas plus loin ce matin. C’est drôle comme mes présomptions pessimistes se révèlent être fondées alors que mes espoirs sont le plus souvent déçus. Le tronc de l’arbre est âpre à ma joue qui s’y pose. Ses fruits seront-ils comestibles ?

jeudi 21 mars 2013

1075 : mercredi 20 mars 2013


Une herbe me chatouille le coude dans mon immobilité. J’ai d’abord cru que c’était un insecte insistant… Je reprends ma marche, attentive à chaque courant d’air. Une possibilité à nouveau de tourner vers l’est. J’y cours, enfin, j’y vais, prudemment. C’est peut-être une impasse, mais au fond de celle-ci, au moins, il y a un arbre et sans doute des fruits gorgés d’eau. Espérons qu’entre cette promesse et moi, il n’y ait pas de cloison surprise.

mercredi 20 mars 2013

1074 : mardi 19 mars 2013


trépigner après la chute. accabler de poussière noire la plaie virginale du désert.

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Je guette le ciel encore un instant, pour être sûre que je ne suis pas à mon tour devenue proie d’un oiseau de plus grande envergure.

mardi 19 mars 2013

1073 : lundi 18 mars 2013


Ah mais non, voyons, les étudiant(e)s s'en sortent ainsi. Fana de bit lit (littérature de vampires) ? Plus elles sont belles, plus elles sont attentives : joli pied de nez au cliché des blondes. Elles bougent autant que nous.

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Vers le sud, donc. Le soleil est monté, il commence à faire presque chaud. Tout en haut dans le ciel passe un oiseau, une buse dirait-on, ou tout autre petit rapace. Elle tourne un moment en rond, pile dans ma trajectoire, mais ne se décide pas à fondre sur une proie et s’éloigne. Je casse un brin d’herbe que je mordille, la salive calme ma gorge sèche. J’aimerais tant être à cette fontaine… Y aura-t-il quelque part une source sur ce plateau infini ?

samedi 16 mars 2013

1072 : vendredi 15 mars 2013


Je m’arrête un instant. Je sens un appel d’air sur la gauche. Le moyen de reprendre mon cap. Je tâte et effectivement, il n’y a plus de résistance, je peux donc m’engouffrer. Mais le couloir est court, il me faut à nouveau bifurquer vers le sud. Je me suis de nouveau pris la paroi magnétique en pleine face, je n’apprécie que moyennement. En prenant mon élan, pourrais-je la traverser ou est-ce que je rebondirais encore plus violemment ? Je tente un coup de poing. Il est arrêté comme par mur mou mais extrêmement résistant. J’essaie un coup de pied explosif, celui que l’on pratique dans les arts martiaux, de face et bien droit, talon en avant, mon genou me revient dans la poitrine. Je crois que je ne vais pas tenter la course à travers.

vendredi 15 mars 2013

1071 : jeudi 14 mars 2013


dissection de l'absence jusqu'au résidu central regard refusé.

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Je chemine dans les herbes hautes. J’espère ne pas marcher sur une vipère ou autre reptile. De temps en temps ça bruisse devant moi, je ne sais si c’est un rongeur ou le serpent craint. Je marche donc sans délicatesse aucune, pour que le sol vibre et m’annonce. Ce manque de discrétion pourrait m’être fatal si un monstre guette la proie que je suis mais comme désormais les murs sont transparents, j’ai l’impression que je n’ai plus rien à craindre comme guet-apens A moins que quelqu’un, ou quelque chose, ne soit tapi, accroupi, prêt à bondir et me surprendre.

jeudi 14 mars 2013

1070 : mercredi 13 mars 2013


Je reprends donc ma marche avec précaution. Objectif : un prochain arbre vers l’est. Il me faut être attentive au devant mais aussi aux embranchements possibles sur les côtés : je sais bien que la ligne droite n’existe plus et qu’il va falloir tirer des bords. C’est d’ailleurs ce que je commence à faire, puisque j’ai été bloquée dans mon élan, direction sud. J’ai au moins ces repères-là désormais : plus de brume et un soleil brillant qui m’accompagne.

mercredi 13 mars 2013

1069 : mardi 12 mars 2013


volte-face et rejet de la flamme crépusculaire méconnaissant les ruines.

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Pourquoi hier n’ai-je pas couru jusqu’à perdre haleine, jusqu’à trouver un autre paysage ? Pourquoi est-ce que je laisse toujours filer les occasions ? Comme si quelque chose en moi refuser de sortir de l’enfermement. Je suis restée sous le couvert de l’arbre, par peur de l’immensité qui soudain m’aveuglait. Peur de la liberté ? Peur aussi de ne rien trouver d’autre derrière les dernières herbes que je perçois au loin, les derniers arbres qui ne sont peut-être que les premiers d’une prairie encore plus vaste et plus océane.

mardi 12 mars 2013

1068 : lundi 11 mars 2013


La vie peut être vue comme un art, mais l’art n’est décidément pas vivant. Pourquoi donc ? Parce qu’il ne meurt pas, le gai savoir du monde de la connaissance. Plus de place sur la branche : où sont les saucisses ? Elles durent tellement en cette saison.

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Dans l’air brillent des reflets électriques. Est-ce qu’hier tout était déjà figé ou ai-je laissé passer ma chance de m’évader ? Je vais devoir avancer à tâtons entre les parois invisibles, et peut-être n’atteindrai-je jamais l’horizon.

samedi 9 mars 2013

1067 : vendredi 8 mars 2013


Je me réveille à nouveau au moment où le soleil émerge. Mon pull est encore humide, cette fois de la rosée du matin. J’ai eu froid toute la nuit et voilà qui ne me console guère. Tant pis. Je vais partir en direction du levant. L’air semble figé. Les rayons sont déjà tièdes. Allons y. Me voici qui avance vaillamment, croyant qu’il n’y a sur ma route plus d’autre obstacle que ma fatigue. Et c’est alors que je me prends un choc comme rarement auparavant. J’ai foncé droit dans un mur invisible. Non pas de verre ou de plexiglas, non, à la fois plus subtil et plus violent. Comme si un champ électromagnétique s’était dressé au milieu de l’herbe. Je croyais leur avoir échappé, voici que les murs me rattrapent.

vendredi 8 mars 2013

1066 : jeudi 7 mars 2013


Je peine à me rendormir. Une angoisse naissante, parce que trop de silence, mis à part l’oiseau dont le chant en devient plus sinistre. On entendrait presque l’herbe pousser. Il se passe quelque chose parce qu’il ne se passe rien. Les étoiles continuent de briller, la lune s’est levée et les fruits pendent au-dessus de ma tête. Rien. Rien ne bouge et pourtant…

jeudi 7 mars 2013

1065 : mercredi 6 mars 2013


L’astre a disparu, l’obscurité se fait, je mange quelques figues et je m’endors à nouveau au pied de l’arbre, priant pour que mon sommeil ne change rien. Je me réveille au milieu de la nuit. Le vent a cessé. Le ciel étoilé donne une idée de l’infini. La prairie est toujours là, mais les herbes de bruissantes sont devenues muettes. Dans le lointain, un hibou ou une chouette, ululement joyeux d’un oiseau en chasse.

mercredi 6 mars 2013

1064 : mardi 5 mars 2013


Pour le moment, je suis seule au milieu du végétal. La nuit va bientôt tomber. Je vais m’aménager un tas d’herbes en matelas au-dessous de l’arbre. Je vais me reposer de cette émotion d’être enfin sortie des murs trop hauts qui me coupaient la vue sur le ciel. Là, j’ai un spectacle magnifique, enfin : des orange, du violet et du bleu très clair. Le soleil est caché par un banc de nuages bas, j’attends une trouée pour m’en rafraîchir le visage.

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rapidement vers le vide pont de souffle haletant et tronqué.

mardi 5 mars 2013

1063 : lundi 4 mars 2013


pas en arrière le reflux dénude l'ombre. roc à bêtes naissance rudimentaire. résurrection malmenée. ombre effrangée des cils mordus par de la clarté incendiée.

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L’andropause est terrible… Hein ? Jouons plusieurs notes et devenons virtuoses ; c’est à notre portée, il s’est brossé les dents !

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Je rêve et j’espère. Que derrière l’horizon le vent me mène à une ferme accueillante, ou mieux encore, un village. Un village avec une fontaine et un petit café où les vieux bavassent, avec une école devant laquelle les enfants s’égaillent. Quelques pigeons à chasser du pied, et d’autres passantes et passants de mon âge que je pourrais regarder dans les yeux quand je les croiserai.

dimanche 3 mars 2013

1062 : samedi 2 mars 2013


pérégrination fécale absence aux semelles.

samedi 2 mars 2013

1061 : vendredi 1er mars 2013


Je retire mon pull encore humide que j’accroche à une branche pour qu’il sèche. Un brise légère s’est levée et la prairie devient un champ de vagues. Suivre le vent, il va peut-être quelque part. Rester encore un peu, manger, rêver.

vendredi 1 mars 2013

1060 : jeudi 28 février 2013



J'ai farci tes poches de mots doux. Quant tu viendras chercher tes derniers vêtements, tu les emporteras sans le savoir. J'étais fière de ma trouvaille jusqu'à ce que je craigne que tu imagines qu'elle en soit l'auteur, cette autre femme que je ne connais pas, sans doute prête à tout comme moi pour avoir le privilège de vivre avec toi, prête à mentir, prête à s'attribuer ma poésie et mes sentiments. Alors j'ai signé chaque morceau de papier ! Je les ai pliés en deux et sur le verso dédoublé j'ai inscrit mon prénom et l'initiale de mon nom d'une part, ton prénom et l'initiale de ton patronyme d'autre part. Sans être mariés, nous partageons une même initiale et un nom de famille si proche que j'aurais à peine l'impression d'en changer si seulement tu demandais ma main. Peut-être rangeras-tu tes vêtements machinalement sans découvrir les pépites que j'y ai cachées pour toi. Un jour, longtemps après que notre histoire sera morte, tu les trouveras et tu éprouveras un léger pincement au cœur. Ce n'est pas grave, ce n'est pas important. Le principal c'est que je sois encore capable de m'offrir à toi aujourd'hui, telle que je suis, avec ma fantaisie. Je ne te hais point.

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Je me lève afin que mon œil jouisse de ce nouvel horizon : à 360 degrés, rien que du vert, sans d’autre obstacle qu’un arbre ici ou là. Au-dessus, un ciel bleu turquoise. Le soleil est dans mon dos et mon ombre longue déjà. Me voici donc libre ! par quelle magie ? Et soudain je réalise que mon tourment ne prend pas fin avec cette nouvelle liberté : sans repère, la prairie ne m’offre aucune indication sur le chemin qui me mènera quelque part. Ailleurs, j’entends. Car on veut toujours être ailleurs que l’endroit où l’on se trouve. Là, je suis au milieu de l’herbe, que faire de cela ? et je suis seule. Je cherche un endroit foulé par d’autres pieds, où ma main pourrait serrer d’autres mains.

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témoin du martyre ombre d'homme souffle noir achèvement sur la pierre des ruines d'une hypothèse d'effraction.