samedi 31 juillet 2010

261 : vendredi 30 juillet 2010

C'était se lever de sa chaise cinq roulettes, dossier et siège réglables, et aller voir tel collègue, pour tel sujet projet et, sur le trajet, discuter, plaisanter, avec qui l’on croise, faire un détour par tel bureau. Pareil au retour, mais plus rare, à cause de l'information, maintenant en main, qui poussait, exigeante, autoritaire, au poste de travail, et qui allait guider les heures suivantes, jusqu’au soir.


--------------------


Oh nan ! Je suis bien trop émotive en ce moment. Ce ne sont pas les hormones non, ni la ménopause. Ne m'importunez plus, je vous le dis, je ne suis pas indisposée non. Mais quelle tête de mule faites-vous, je ne vais pas avoir mes règles non plus. Enfin je crois. Je ne sais plus. Je crois que c'est elle, la solitude, qui me côtoie un peu de trop ces temps-ci. Que c'est elle, la solitude, qui me rend chèvre, belle égarée. La fourbe, elle empiète sur mon humeur alors même que je la revois d'antan, me tirer vers le haut. Je ne sais plus quoi faire, d'elle, de nous, belles égarées. Comment l'envisager, l'appréhender. L'appréhender pour ne plus redouter, la prendre en main pour lui botter le train. Lui botter le train, pour mieux la caresser. Nous caresser, dans le sens du poil, pubien.


--------------------


Ils étudient minutieusement les trajets que pourraient emprunter les sangliers une fois qu’ils auront été lâchés. Ils déterminent les lieux depuis lesquels il faudrait les lâcher pour qu’ils se déploient le plus largement. Pour prévoir le déroulement du lâcher, ils ont dû apprendre à connaître le comportement d’un sanglier paniqué, plongé dans une situation inconnue et ressentie comme extrêmement hostile, et apprendre à connaître le comportement d’un groupe de sangliers paniqués. Pour ça, il leur avait fallu paniquer des sangliers et les observer patiemment, de nombreuses fois jusqu’à ce qu’ils identifient des schémas d’attitudes typiques. Ils avaient compris les situations spécifiques dans lesquelles les sangliers chargent et ne se dérobent pas. Il faudra que les bêtes chargent, et non qu’elles fuient, pour que leur projet soit une réussite, lorsque les meutes seront lâchées partout dans la ville à l’heure de pointe.


--------------------


C’était peut-être un jour où les coureurs du Tour de France avaient droit au repos, ce qui écartait ma principale activité de ces après-midis de juillet, ou bien ma mère avait su me convaincre de ne pas passer à nouveau trois heures à regarder machinalement une étape de plaine qui se terminerait de toute façon par un sprint massif du peloton, le nom du vainqueur se jouant alors entre deux ou trois spécialistes de l’exercice. Au fond du jardin, nous cueillions les cassis, baie par baie quand nous le pouvions, ou par petits nombres qu’il faudrait ensuite égrapper. L’étape la plus fastidieuse consisterait, plus tard, dans la cuisine, à ôter les restes des calices des fleurs encore accrochés à la peau des fruits, qui d’après ma mère ne pouvaient en aucun cas être intégrés dans la composition de la confiture. Le cassis poussait un peu à l’écart de l’ombre des frênes. C’est donc sous un soleil implacable – « il chauffe là-haut, Marcel », disait-elle –, que je commençai à lui poser ces questions, jamais osées, sur son enfance, sur sa sœur née avant la guerre et elle juste après, sur la vie de mes grands-parents à l’époque. Ce fût une prodigieuse cueillette. Les réponses dépassèrent amplement ce que j’avais pu imaginer ; c’était l’histoire de ma famille et elle me laissait pantois.