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Si j’avais pu courir, je serais plus loin, et il faudrait me retourner pour espérer me voir, planté sur le trottoir à déplorer d’être toujours là, toujours dans la déploration. C’est pour ne plus vivre dans la peur que j’aurais dû courir, et c’est par peur que je ne l’ai pas fait, cette fois non plus. Si j’allais maintenant là où je serais si j’avais couru, je ne serais pas plus avancé, car j’y serais. Et si je devrais courir, si j’aurais dû courir c’eût été pour ne plus être où je suis, pour ne plus être avec moi-même, et bien plutôt être plusieurs rues plus loin, définitivement hors de moi qui serais resté planté au même endroit avec sa trouille, pris par surprise et qui n’aurait pas pu suivre, peut-être pour le retrouver plus tard, sait-on jamais, mais à condition qu’il ait changé entre temps. Et alors, avec mes trois rues d’avance, j’aurais pu continuer jusqu’à chez toi sans que je me rattrape, et arriver chez toi jusqu’à toi où je n’aurais plus été moi, une personne neuve ailleurs avec toi, pendant que moi serait retourné penaud chez lui, à continuer ses petites affaires sans que je n’ai plus à m’en mêler, à continuer ses petites affaires un peu estomaqué de s’être vu partir si soudainement hors de lui-même pour de bon. Estomaqué certainement mais alors ce ne serait plus mon problème.