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Toutes les télévisions diffusaient la fin du monde, mais je ne le constatai qu’après, même si m’en doutais, déjà, pendant. Toutes les télévisions diffusaient la fin du monde, ou du moins ce que beaucoup, stupéfaits devant leurs téléviseurs, ont à un moment ou à un autre pensé être le début de l’irrésistible fin du monde. Une version de la fin du monde faite pour être mondialement télévisée. Je vécus ce jour, et toute la semaine où il fut, sans image, sans télévision. Le poste de radio d’une voiture qui me menait dans un village provençal reculé annonça qu’une catastrophe suffisamment considérable pour que les programmes ordinaires soient interrompus venait d’advenir. Le petit village était comme endormi, c’était un début d’après-midi, hors saison, et aussitôt arrivé je le quittai pour me diriger vers la montagne solitaire et chauve qui le domine. Au retour à la voiture, quelques heures plus tard, le poste de radio fut de nouveau allumé. Entre temps la catastrophe était devenue un possible début de la fin du monde. Plus rien n’était sûr désormais, la panique frappait les journalistes entendus à la radio. J’allai visiter le bourg du village, je marchai lentement le long des rues étroites en escalier, au bord des maisons de pierre, je montai jusqu’à un belvédère qui était aussi la place de l’église à façade claire, depuis lequel les collines de terre et de pierres claires recouvertes de vignes et de végétation rase s’ouvraient à la vue, tremblantes sous la lumière lourde. Je ne croisai personne au village, tout ici était indifférent au gigantesque tumulte, ou bien tout avait déjà déserté le monde qui menaçait de s’écrouler.