mardi 27 juillet 2010

257 : lundi 26 juillet 2010

C’était une de ces belles et froides journées de décembre, celles qui nous poussent à sortir de la monotonie de la chambre. Deux pulls, un bonnet, une écharpe et une paire de gants enfilés et me voilà enfin paré mais non préparé à affronter les rues et ses défilés. Période des courses de noël, la foule opulente se presse et m’oppresse, agoraphobie qui me donne envie de vomir. J’ai perdu depuis bien trop longtemps l’habitude de sortir et n’ai même plus un poisson rouge à qui tenir compagnie. Le dernier a arrêté de me supporter le jour où je me suis mis à picoler. Pourtant ne croyez pas que ma vie est triste - pathétique probablement. Car je fais partie de cette race d’humains qui s’autosuffisent pleinement. Beaucoup de gens me ressemblent vous savez, mais on ne s’assemble pas. C'est la règle instaurée : personne n’est invité à entrer dans mon antre mais tout le monde se fout particulièrement aussi de mettre un pied chez moi. Quand je dis « chez moi », il faut l’entendre aux sens tant matériel que spirituel. C'est que j’ai fermé la porte depuis longtemps déjà, pourquoi donc s’emmerder ? Je me perds souvent dans mes propres pensées, d’ailleurs je ne sais plus où j’en étais… Pourquoi ai-je donc débuté comme ceci : « C’était une de ces belles et froides journées…» ? Alors que j’aurai très bien pu commencer comme cela : « le soliloque a toujours été pour moi la chose la plus rébarbative au monde » - tant qu’il ne vient pas de moi.

--------------------


C'était regarder par la fenêtre, celle des nuages et des feuilles d'arbres, ou celle de l'écran : un lien, un paragraphe lu rapidement, une photo. C'était aller ailleurs, y croire.

--------------------


Toutes les télévisions diffusaient la fin du monde, mais je ne le constatai qu’après, même si m’en doutais, déjà, pendant. Toutes les télévisions diffusaient la fin du monde, ou du moins ce que beaucoup, stupéfaits devant leurs téléviseurs, ont à un moment ou à un autre pensé être le début de l’irrésistible fin du monde. Une version de la fin du monde faite pour être mondialement télévisée. Je vécus ce jour, et toute la semaine où il fut, sans image, sans télévision. Le poste de radio d’une voiture qui me menait dans un village provençal reculé annonça qu’une catastrophe suffisamment considérable pour que les programmes ordinaires soient interrompus venait d’advenir. Le petit village était comme endormi, c’était un début d’après-midi, hors saison, et aussitôt arrivé je le quittai pour me diriger vers la montagne solitaire et chauve qui le domine. Au retour à la voiture, quelques heures plus tard, le poste de radio fut de nouveau allumé. Entre temps la catastrophe était devenue un possible début de la fin du monde. Plus rien n’était sûr désormais, la panique frappait les journalistes entendus à la radio. J’allai visiter le bourg du village, je marchai lentement le long des rues étroites en escalier, au bord des maisons de pierre, je montai jusqu’à un belvédère qui était aussi la place de l’église à façade claire, depuis lequel les collines de terre et de pierres claires recouvertes de vignes et de végétation rase s’ouvraient à la vue, tremblantes sous la lumière lourde. Je ne croisai personne au village, tout ici était indifférent au gigantesque tumulte, ou bien tout avait déjà déserté le monde qui menaçait de s’écrouler.