mercredi 7 juillet 2010

237 : mardi 6 juillet 2010

Nous n'étions pas possibles. Ensemble, nous étions insupportables à notre entourage. Riant, parlant sans pause, de choses que nous étions seules à partager, nous lui étions odieuses et notre complicité n'en était que plus délicieuse. Je me souviens des fous rires interminables, après un seul regard, un vague signe de tête ou de la main, trois mots n'étaient pas même nécessaires. Je me souviens aussi des nuits blanches à bavarder. Nous étions deux enfants et nous nous aimions profondément. Jusqu'à cette nuit de décembre 1999, lorsque la tempête a couché le tulipier vieux de quelques décennies dans le parc de La Crauze. La sorcière a prétendu que la perte de l'arbre lui aurait causé moins de peine si nous avions chacune pu dormir dans notre propre lit cette nuit-là. Car c'est ainsi que raisonnent et jugent les sorcières. Mais cette nuit-là, l'une d'entre nous n'était plus libre de ses mouvements, entravée dans un hôpital de Poitiers. Nous ne nous sommes jamais retrouvées depuis. Nous continuons certainement de nous aimer. Mais de tous les mots, "aimer" nous semble le plus vain. Aujourd'hui nous ne pouvons plus nous voir. Les propositions enthousiastes de retrouvailles ne se concrétisent pas, s'annulent au dernier moment pour des motifs aussi futiles que graves. Nous n'existons plus : moi, toi et tous les autres ont pris le dessus. Le sort ne se rompt pas si facilement. De tous les pronoms, "nous" reste le plus difficile.

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Nous approchions de la destination, une petite maison au bord d’une route qui menait à la mer, ce que dirait déjà le sol de sable et les pins qui dessineraient la ligne dentelée, douce et nerveuse à la fois, de l’horizon occidental, comme ils le font tout le long de ce littoral. Le trajet en voiture nous avait peu auparavant fait passer près d’un cimetière, et ma passagère m’indiqua alors qu’il était beau. Je perçus alors qu’elle était dotée d’une curiosité intellectuelle et d’une sensibilité esthétique que je n’avais pas eu l’occasion de constater chez elle jusqu’alors. Elle pouvait aller voir de plus près des lieux qui n’y invitaient guère, qui semblaient la banalité même mais offraient quelque beauté aux observateurs qui savaient prendre le temps de les regarder. L’idée de lui proposer que nous nous arrêtions pour aller le voir ensemble me traversa trop tardivement l’esprit, nous étions presque arrivés à la maison. J’aurais aimé faire cette visite avec elle et voir de mes yeux et en sa présence ce qui était beauté aux siens. Elle aurait sûrement aimé constater mon intérêt et ma curiosité pour ses affinités, peut-être alors aurions nous pu simplement différer un peu cette excursion au cimetière, mais ceci n’eut jamais lieu. Arrivés à la maison, j’eus encore plus envie d’elle, plus envie encore de caresser la peau de ses épaules, celle de sa nuque et de ses cuisses, de doucement glisser mes mains sous sa robe et de parcourir son ventre, toute la chair tendre et souple que ne couvrait pas ses sous-vêtements, et sentir le plaisir et le désir patient monter en elle, sa tête s’abandonner et ses mains se promener contre moi, et bientôt sa robe aurait été à nos pieds, et mes mains doucement puis plus fort auraient pris ses beaux seins ronds sous son soutien-gorge et bientôt hors du soutien-gorge parti au sol rejoindre la robe, avant que ma bouche se saisisse de ses mamelons durcis et tendus tandis que mes doigts se seraient aventurés lentement et avec ardeur entre ses cuisses, là où ils auraient précédés ma langue une fois que nous nous serions allongés au sol. Arrivés à la maison, alors que j’avais silencieusement très envie d’elle, elle me remercia de l’avoir conduite ici, et me demanda si je souhaitais quelque chose, d’une façon très amicale qui n’incluait en rien faire l’amour parmi mes envies éventuelles dont elle s’enquérait et qu’elle se proposait de satisfaire. Je consentis à demander une boisson fraîche, la bus assez vite pendant que nous échangions quelques banalités soudaines, et je repris seul et en sens inverse la route qui m’avait mené là en sa compagnie, quelques minutes plus tôt.