vendredi 9 juillet 2010

239 : jeudi 8 juillet 2010

Sois bénit d'être là, et si merveilleusement intelligent. Sois maudit pour ta sollicitude et ton désir de remettre en ordre mes pensées. Sois bénit pour ce que tu m'a apporté, parce que j'avais envie de te croire. Soit maudit pour le fracassement de ce que je croyais aimer, être. Sois bénit pour ce vide que tu as fait. Sois maudit pour les graines un peu trop personnelles, un peu trop défraîchies que tu as tenté de m'imposer. Sois bénit pour la liberté que, de toute la force nouvelle que tu as provoquée, je vais prendre en t'oubliant.

----------------------


Parfois il est sidéré devant la persistance de la matière et la continuité de la conscience sans laquelle il ne pourrait constater cette permanence. Tout de même, la réalité est faite de durées et de causalités. S’en étonner soudain lui donne autant de prises mentales et de perspectives que d’imaginer qu’il puisse n’y avoir rien plutôt que, par exemple, lui assis sur le banc dans le parc où il a ses habitudes, en train de s’étonner qu’il n’y ait pas rien plutôt, ou à considérer le type de normalité qu’engagent matière et conscience tenaces. Ce sont autant de prises mentales et de possibilités de spéculations efficaces à chaque fois, c’est-à-dire aucune. Il est ce qu’on appelle un rêveur. Il est souvent, comme on dit, dans la Lune. Parfois, il se demande ce que l’on ressentirait physiquement si on pouvait accéder à la sensation du corps de quelqu’un d’autre comme si c’était le sien, si on aurait soudain mal au dos, aux genoux ou aux dents, ou si on découvrirait subitement que l’on subissait depuis longtemps une douleur de fond à laquelle on s’était tant habitué qu’on avait oublié son existence.


----------------------


Au début ce fut des cris et de la fureur. De sa part à elle. Un monologue exaspéré et vociférant, énumérant à son compagnon tous ses manquements dans leur vie de famille. Face à elle, il gardait le silence, médusé, ou consterné, mais aucun changement visible ne survint, seule une patiente attente de sa part que le calme revienne et que la vie reprenne son cours habituel. Alors elle changea de tactique pour adopter la sienne : plus un mot. Cela faisait maintenant des mois qu’ils ne se parlaient plus. Au début, elle avait pensé cela impossible : il fallait bien communiquer ne serait ce que pour l’organisation du quotidien, les enfants, les courses, les rendez-vous. Puis elle s’aperçut que cela n’était pas nécessaire : il suffisait d’agir comme si elle vivait seule, en mère célibataire et d’assumer vaillamment, pour faire réagir son compagnon à la menace sous-jacente de son inutilité. Mais là encore, il ne manifesta aucune velléité de se remettre en cause, pas plus qu’il ne questionna sa posture ; il s’en accommoda très bien. Elle en était restée toute ébahie : il était manifestement satisfait, débarrassé de toute contrainte familiale, rendu à ses seules envies, comblé, sifflotant, son sandwich au jambon dans une main, la zapette dans l’autre. C’est à partir de ce moment que lui vinrent des idées de meurtre.