Il me fallait trouver Quelqu’un, c’est le conseil amical qu’on m’avait donné. On m’avait dit, alors qu’on me trouvait un air morose, que la solution à mes problèmes était aisée à déterminer, il fallait que je trouve quelqu’un. La préconisation n’aurait pu être plus clairement formulée, l’ami au téléphone avait dit : “il faut que tu trouves Quelqu’un”. Il n’y avait pas là d’hermétisme ou de cryptographie, ni de quoi chercher midi à quatorze heures. Trouver Quelqu’un. D’accord. Pourquoi ne pas essayer ? Ça me semblait simple, mais comme je n’avais jamais essayé par le passé, je ne savais pas tout à fait comment m’y prendre. Je n’en avais à vrai dire qu’une idée très vague. Dans la rue, me dis-je, essayons dans la rue, Quelqu’un doit bien se trouver parmi les gens, probablement. Je hasardai quelques adresses amicales à plusieurs personnes croisées sur le trottoir : “Bonjour, êtes vous Quelqu’un ?” Les trois ou quatre premières personnes que j’interrogeai de la sorte me répondirent, désolées, qu’il ne leur semblait pas, non, qu’elles étaient Quelqu’un, hélas ! Comme ma méthode était fort aisée d’exécution, et mes premiers interlocuteurs tout à fait courtois, je prolongeai sans peine ma démarche. Grand bien m’en prit, puisqu’une jeune femme me répondit bientôt que oui, il lui semblait bien qu’elle était Quelqu’un, qu’autant qu’elle était capable de certitude, elle était à peu près certaine d’être Quelqu’un. Je rentrai aussitôt chez moi, le pas léger et l’humeur guillerette, non sans l’avoir chaleureusement remerciée. Résoudre mes problèmes s’était avéré fort simple, finalement, et ne m’avait demandé qu’un quart d’heure.