mardi 13 juillet 2010

243 : lundi 12 juillet 2010

Dans le bleu brûlant, dans le gris mort et vaguement humide, dans les bourrasques qui lui parvenaient au ras de la cime des remparts, la terrasse était souvent vide, sans doute, mais elle était si profonde et dominait de si haut nos pas que l'on ne pouvait en être certain. On ne la remarquait pas d'ailleurs, l'œil glissant sur la sévérité de la façade, animée uniquement par quelques bandeaux qui soulignaient le beau rythme des quelques ouvertures, pour se précipiter directement dans le ciel. Il y avait pourtant, accrochés à un coin du petit grillage, assez laid, mais dont la banalité m'était sympathique dans son refus d'ajouter ou de lutter avec la noblesse des pierres, quatre pots de géraniums et une fougère, à côté d'une souche de cheminée, comme perdus à la limite d'un grand espace désertique, et j'imaginais une petite cabane humble et confortable, hors de vue, au fond de cet espace, qui abriterait un ermite, vieil homme retiré, méditatif et vaguement lettré, que des esprits assisteraient en assurant, invisibles et discrets, l'entretien de ce semblant de verdure

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Qu’est-ce qui sort des grandes bouches ouvertes en bas de leurs visages grimaçants, puisque tous ils sont silencieux et figés comme des statues, l’expression et la posture arrêtées comme s’il avait fallu qu’ils immortalisent encore vivants une scène chaotique dont on devait conserver l’image et connaître à jamais les détails ? Pour quel futur doivent-ils demeurer un passé persistant ? Et de quel passé doivent-ils témoigner d’un avenir possible, effroyable ou désirable ? Leur bouche béante et déchirée comme gueules ouvertes ne sont pas un creux, pas un vide sombre, mais autant de denses tas opaques saillant hors de leur face qu’il y a de cris muets arrachés à leur corps. Ces paquets obscurs jaillis de leur gorge entre leurs dents et lèvres sont le hurlement si dur, terrible et fou qu’il est devenu pierre, aussi compréhensible et assimilable qu’une pierre jetée, ou bien ils sont le bouchon pour que cette plainte ne soit jamais, pour qu’elle n’atteigne nulle oreille, ni de déchire aucun air et ne traverse aucune distance.