dimanche 11 juillet 2010

241 : samedi 10 juillet 2010

Retour au réel Dans l'antiquité, lorsque quelqu'un était malade, pour le purifier on lui faisait boire beaucoup et prendre le grand air, faire de l'exercice, éliminer les toxines. Si ça ne marchait pas, on lui faisait aussi des saignées, des cataplasmes, des jeûnes, des bains de vapeur ou des bains de mer, ou dans des sources, des rivières, etc.... Faire cela à son âme, en rêve, comme on peut tout faire en pensée, pour échapper à son mal, se guérir de son âme si le besoin s'en fait ressentir comme parfois avec les aléas de l'existence. Méditer: faire le vide en soi, tabula rasa. Fuir la fascination sans mots des images. Dévier l'aliénation; utiliser les mêmes pulsions destructrices comme une force, ce pouvoir de perversion _ pouvoir du voyeur, et pouvoir de projection, dans l'ampleur cruelle et désœuvrée de ses prospectives _ en faire réellement un renversement des forces négatives. Changer de perspectives.


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Il avait laissé son vélo là-haut, au bord du chemin ombragé. Il avait franchi la haie à cet endroit un peu moins dense, ce passage entre les deux chênes par lequel il avait aisément pu faufiler son corps fluet. Il avait contemplé quelques instants, les mains posées sur les hanches, cette minuscule vallée qui lui paraissait grandiose, et les constructions sur l'autre versant. Il voyait les bâtiments de la ferme, avec leurs toits de tôle ondulée mangée de rouille, et l'imposante maison du notaire, avec ses grands volets bordeaux. Il imaginait de l'autre côté, devant la façade, la Jaguar garée sur les graviers, prête à prendre l'allée bordée d'arbres qui menait jusqu'à la grille. Il distinguait un peu plus loin l'une des dernières maisons du bourg, juste un peu isolée du lotissement : celle où habitait Sophie. Cela lui plaisait de croire qu'il était venu ici uniquement pour cela, voir, épier, de cet observatoire, la maison de Sophie, parce qu'il aimait beaucoup, déjà, être amoureux. Il aimait penser qu'il savait ce qu'était l'amour, et que c'était plus important que tout le reste. Il dévala la pente jusqu'au ruisseau en se laissant porter par son élan avec un long cri euphorique, qu'il retint légèrement, parce qu'il n'était plus un gamin.


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Les anomalies du comportement de l’air se faisaient plus fréquentes et n’étaient pas plus compréhensibles que la première fois qu’on les avaient constatées, où on avait été incapable d’en rien expliquer. Les conséquences étaient parfois spectaculaires et graves, même si toujours localisées. Dans ce contexte, le programme de fusion et de compression des espaces avait été accueilli avec une méfiance encore plus grande qu’elle ne l’aurait été en temps normal. Éditorialistes et clients du café du commerce, dans cet ordre-ci, ou peut-être dans l’ordre inverse, déploraient une maladresse politique, ou une mauvaise séquence qu’il aurait été préférable d’éviter. Un processus d’une telle ampleur, et reposant sur des technologies si complexes et opaques, effrayait. Alors qu’il semblait que même ce qui dans le monde était le plus fiable et le plus naturel pouvait s’égarer, on avait de grands doutes sur le bon fonctionnement de grandes machineries requérant un précision millimétrique pour délivrer le résultat attendu. S’il y avait des erreurs ou des accidents, des imprévus, ou des répercussions insoupçonnables, elles pourraient faire disparaître des territoires entiers et tout ce qu’ils portent, s’effrayait-on, ou mettre en relation directe des lieux qui ne pourraient peut-être pas le supporter. On ignorait si des lieux pouvaient ne pas survivre à des rapprochements fréquemment considérés comme contre-nature, mais on déplorait que cette vaste action soit entreprise dans une telle ignorance. Tout est sous contrôle, répétaient les autorités, elles ajoutaient qu’il était toujours possible d’imaginer de nouvelles conséquences fantaisistes pour s’empêcher d’accomplir le plus infime des actes, et qu’il fallait raison et confiance garder.