Plus tard, la découverte s’avèrerait un cas d’école pour la science historique, qui inciterait à penser à nouveau la notion de proto-histoire. On avait été en présence d’une société qui se montrait tout à fait contemporaine par ses formes sociales, techniques et culturelles, tout en étant radicalement étrangère, familière et quasiment impénétrable à la fois. Pourvue d’une écriture et même d’une abondante et vivante littérature, mais incorporée dans des langages que l’on ne comprenait pas du tout. Les hiéroglyphes égyptiens et l’écriture cunéiforme mésopotamienne furent déchiffrés et compris à nouveau au XIXe siècle, mais ils concernaient des civilisations alors disparues depuis plusieurs millénaires, que l’on ne comprenaient plus par immense défaut de contemporanéité, précisément. Ici, c’était une civilisation contemporaine largement alphabétisée et hautement lettrée que l’on ne comprenait pas, plus étrangère que Sumériens, Phéniciens et Étrusques réunis. Les quelques explorateurs et savants qui s’en allèrent l’arpenter constituaient bien une proto-histoire à son sujet, qui deviendrait un jour une histoire lorsque la compréhension des langues de là-bas deviendrait acquise, car ils témoignaient par leur langages de ce qu’ils y rencontraient, mais c’était là une bien étrange proto-histoire qui ne relevait pas de la science historique, tant elle manquait d’intelligence chronologique et de compréhension générale, hormis sur tout ce qui là-bas leur était familier, et vis à vis duquel ils étaient comme dépourvus de distance ou de mots, alternativement entre l’impraticable regard sondeur sur soi-même et l’infranchissable stupéfaction. C’était tout autant l’impossible proto-histoire de leur propre civilisation qu’ils écrivaient obscurément, depuis les zones impensables de leur esprit.