dimanche 31 juillet 2011

623 : samedi 30 juillet 2011

Le jour où la lettre arriva, il paressait. Les mauresques, rythmant les heures et épanchant sa soif, tombant les voiles et maintenant ses sens alertes, se succédaient. Le soleil était au zénith lorsque le messager se fit annoncer. La lettre D devait être au cœur du prochain opus. Après une nuit de conseil, après avoir pris langue avec sa muse, sa conviction était faite : il entrait dans le jeu. Ensemble ils avaient arrêté la liste des mots. Seul il les agencerait. Elle attendit trois jours. Voici comment il la surprit : « De profundis. Dimanche, Diane Dévoreuse, dans un demi-sommeil, déambule dans le dédale des décombres. A la duègne, à demi-mots, elle dit sa déconvenue. Diaphane, sur le divan du donjon, la donzelle dormante en djellaba décolletée a dilapidé avec dextérité le divin daïquiri de la dame-jeanne des Danaïdes. Dores et déjà, dans la décadence du dégrisement, elle défaille. Elle déplore doucement la déliquescence de la déchirure dérisoire. Depuis, désespérance. Dare-dare dans sa datcha, Diabolo Dunette, son délicieux don juan discourtois dubitatif, docker dominicain dreyfusard en duffle-coat, donna, dans un demi-soupir et les dominos, dans le donquichottisme. Il la dévisagea, discutaillant. Dealer sans divergence, devin dionysiaque, il détrempait, en diagonale et à la dérobade, sa défroque ; décomprima avec désinvolture un doigtier dépilatoire dilatable ; distendit le diaphragme décagone et la dragone décapole. Sans dessiccation ni disculpation, ni distinguo. Draconien. Sous le drap, domicile durcisseur dorien, le démiurge deltaïque en dragonnade débucha la daine et la dryade. Il démoucheta. Dopamine et dynamite. Diluvium. Il désappointa la défileuse à dot qui dénubila. Il s'en désemparait. Dommage. Dehors, sur les dos-d’âne déhiscents, dans la doucette, la dame de onze heures et les doryphores, drolatiques, le dingo dolichocéphale et le daman démoniaque double-cliquaient sur le didjeridoo, au diapason. Dixit la douairière dolomite, dyspeptique, dizygote et dramaturge drastique : “Désormais, le dévergondage et la diablerie dissolue dévastent la dolce vita."


---------------------


Rencontre XXVI Le commissaire s’amusait beaucoup. Depuis une demi-heure, il observait le couple assis face à lui. Ils étaient arrivés l’un après l’autre et leur stupéfaction de se retrouver dans son petit bureau ne lui avait pas échappé. « Dites-moi, à quoi jouez-vous ? Je suis un homme très occupé. Pourquoi avoir pris chacun un rendez-vous ? », leur avait-il demandé. La jeune femme avait paru ennuyée mais son compagnon semblait très troublé. Qu’est-ce que cela signifiait ? Il leur proposa de les recevoir chacun séparément. Tous deux répondirent que ce n’était pas nécessaire. Aude prit la parole la première et, face à Mathieu éberlué, exposa sa requête : « Je veux porter plainte contre mon ancien compagnon, afin qu’il cesse de me harceler. » Elle tendit une enveloppe au commissaire. Celui-ci en examina attentivement le contenu et soupira. « Je vais être franc avec vous ! Manifestement, on ne vous a pas tenue au courant du déroulement de l’enquête ! Ce François G. est dans mon collimateur. Je le fais suivre par mes services. Jusqu’à présent, nous n’avons rien noté d’anormal. Si ce n’est que c’est sa voiture qui vous a emboutie…Vous ne le saviez pas ? Rassurez-vous, il n’était pas au volant ! Nous n’avons jamais retrouvé le conducteur. Cela arrive souvent. Il était à Rome quand vous avez eu votre accident, nous avons vérifié. Pour un colloque, enfin, une rencontre d’écrivains… Sans-doute ne se remet-il pas de votre rupture. Vous savez, les artistes, ils sont toujours un peu à fleur de peau… Nous avons trouvé ces photos dans la boîte à gants de sa voiture », dit-il en gratifiant Mathieu d’un long regard appuyé. Aude jeta machinalement un œil sur celles-ci : toutes avaient été prises dans son petit appartement parisien. Elle frissonna, plongea son regard dans celui du commissaire et lui expliqua posément qu’elle ne voulait plus jamais avoir à faire à cet individu, qu’il devait la laisser tranquille et qu’elle ne voulait plus entendre parler de son accident. Elle allait bien maintenant, pourvu qu’il accède à sa requête. Il lui promit de convoquer François et lui donner l’ordre de cesser ses agissements. Mathieu, très pâle, se leva en demandant s’il pouvait assister à l’entretien. « Certainement pas ! Je n’ai rien à l’encontre de ce jeune homme ! Juste la plainte de votre compagne, quelques photos et un message d’amoureux éconduit ! La loi ne m’autorise pas à l’interroger. Je vais juste le sermonner un peu. Allons, soyez raisonnable ! Vous êtes jeunes, tirez un trait sur tout ça. De toute façon, si je découvre quelque chose, je vous tiendrai au courant. Et vous, vous avez ma carte ! » Il leur serra la main et les mit gentiment à la porte. Dehors, Aude prit le bras de Mathieu et l’entraîna au café le plus proche. « Tout cela n’a plus d’importance, c’est fini. Je veux vivre, Mathieu ! Je t’aime ! Nous avons tant de choses à faire ! S’il te plaît, laisse tomber ! », lui dit-elle doucement. Elle le remercia aussi pour sa délicatesse, le fait qu’il se soit fait autant de souci sans lui en parler l’avait émue. Mathieu l’attira contre lui. Il était soulagé qu’elle réagisse ainsi. Ils passèrent le reste de la matinée à flâner sur les quais. Mathieu était pris l’après-midi, son ami Grégoire voulait travailler ses sonates avec lui. Aude décida d’aller courir les libraires. Ils se retrouveraient le soir, à la gare… Le petit recueil était dans toutes les devantures ! « Regain», par François G. Une petite maison d’édition qu’Aude ne connaissait pas. Elle entra chez son libraire favori, attrapa le livre et se mit à lire. Si elle retrouva ses thèmes favoris, elle constata que le style de François avait changé. Plus légers, beaucoup moins torturés, ses poèmes se lisaient facilement. Le dernier lui était dédié. Curieusement, elle en fut presque heureuse.


---------------------


Cette journée est passée si vite, Sophie regarde par-dessus son épaule sans comprendre. Ce matin elle cirait ses chaussures blanches avec application, dans la joie et l'angoisse des moments à venir. Et ce soir, elle arrache les épingles de son chignon avec frénésie, n'ayant d'autre hâte que de trouver un sommeil réparateur. On l'avait prévenue... Le jour de son mariage, tout le monde en profite. La mariée, elle, doit attendre d'avoir les photos de l'événement pour comprendre ce qu'il s'est passé.