vendredi 29 juillet 2011

621 : jeudi 28 juillet 2011

J'ai rêvé de cette lanterne – j'ai rêvé qu'elle éclairait le hall de cette grande maison qui serait mienne, et je le saurais en y arrivant enfin après longues marches et rudes peines - j'ai rêvé que nous la regardions, faisions la moue, échangions sourires ironiques, passions – j'ai rêvé qu'elle éclairait l'entrée de cette maison où habitait ma petite amie trop riche, et en la voyant je me disais que ne pourrai l'inviter chez moi, et puis je faisais une révérence à sa mère, la voyait surprise, m'en étonnais, n'étais plus intimidée – j'ai rêvé que j'étais paralysée, ou tétanisée, ou que j'obéissais à une injonction de ne pas bouger, là, sous elle, et que je la regardais se balancer pendant que le sol dansait – je n'ai pas rêvé de cette lanterne.



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Rencontre XXIV Une semaine plus tard, Tristan et Ondine virent le jour. La nuit avait été longue pour Lucie mais tout s’était bien passé. Antoine était heureux d’avoir mis au monde les enfants de sa sœur : des jumeaux ! Tristan était un bébé fin et long, avec les yeux de son père. Ondine, plus petite et plus ronde, avait le visage de sa mère. Tous deux allaient très bien. Aude n’avait pas quitté Lucie. La présence extraordinaire de ces deux tout petits l’avait plongée dans une exaltation intense. Son énergie permit à Lucie de se reposer quelques jours. Aude gérait tout, sans jamais accuser sa fatigue. Mathieu n’en croyait pas ses yeux ! Son frère l’avait réveillé au petit matin, lui annonçant la naissance de ses deux enfants : il pleurait de joie ! Pierre était père, cela le troublait beaucoup. Il observait l’extrême délicatesse avec laquelle il les prenait dans ses bras, la façon dont il leur murmurait de petits mots tendres, la douceur dont il faisait preuve ! En serait-il capable un jour ? Jusqu’à présent, il n’avait pas osé les toucher. Ils lui paraissaient si fragiles ! Aude riait de ses hésitations… Elle ne cessait de l’étonner : sa vitalité retrouvée, elle riait sans cesse, accomplissait joyeusement toutes les tâches nécessaires ; elle notait avec sérieux sur un petit carnet de mystérieuses phrases. C’était, disait-elle, pour plus tard, cela lui serait utile ! Elle passait beaucoup de temps avec Lucie. Depuis quelques jours, celle-ci s’était remise à peindre. Mathieu se dit alors qu’il était temps de rentrer. Lorsqu’ils quittèrent le village, tous les enfants se mirent à courir derrière la voiture. Pierre et Lucie, chacun un bébé dans les bras, étaient dans le champ devant la maison. Au moment de partir, Pierre l’avait étreint de toutes ses forces, lui demandant de le tenir au courant. « Je sais que tu es soucieux, fais-moi signe si tu as besoin de moi ! Je comprends ton silence mais je ne suis pas dupe ! » Mathieu avait juré de l’appeler bientôt. C’est Innocent qui les amena à l’aéroport, accompagné de Claudine, la « petite fée », comme l’appelait Aude. C’était une toute jeune fille qui n’avait pas quitté Aude tout au long de son séjour. Elle était orpheline. Elle lui avait confié son histoire, ou tout au moins ce qu’elle en savait. Aude avait promis qu’elle en ferait un livre. Claudine avait travaillé son français en suivant les conseils de sa nouvelle amie. Elle voulait être infirmière pour « soigner les enfants avec monsieur Antoine ! » Aude lui avait laissé tous ses livres en partant. A l’aéroport, Innocent les embrassa et leur recommanda de prendre soin d’eux. Il glissa une enveloppe dans la poche de Mathieu. « Pierre m’a demandé de vous la remettre ici. » Puis il s’éloigna en gesticulant, non sans leur avoir fait promettre de lui envoyer une carte de Paris avec la tour Eiffel. Dans l’avion, Aude montra à Mathieu un grand cahier dans lequel elle avait collecté des histoires, des témoignages, des récits de femmes, d’enfants, des pages et des pages pour son prochain livre. Lucie avait promis de l’illustrer. « Nous retournerons là-bas bientôt ! » Mathieu ne répondit pas et fit semblant de dormir. Il serrait dans sa main l’enveloppe cachée dans sa poche.



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J'ai senti l'oppression du passé de maman resurgir et me menacer. Ce fut par des intonations , des regards, des gestes esquissés... Qui se muèrent en questions et conseils entrecoupés de silences et d'inquiétudes.