vendredi 1 juillet 2011

594 : jeudi 30 juin 2011

C’était, façon dessin au téléphone, entre deux lignes de code, ne plus regarder par la fenêtre, simplement baisser la tête sur la table et au feutre, au stylo, au crayon, gâcher du post-it, crayonner ces espaces carrés et vides, silencieux, vivement colorés, bien remplis et finalement froissés.


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Ai-je fait ce rêve d'une porte rose s'ouvrant dans un mur orange, sans que, étrangement, cet accord de couleur me heurte, me semble brutal ou clinquant – j'aurais eu, plutôt, un mouvement instinctif, évident, pour la franchir, attirée par un univers de raffinement joyeux, une fantaisie non revendiquée, naturelle – et en approchant il m'aurait semblé distinguer une console d'acajou, un gros bouquet stable et échevelé, aux couleurs équilibrées, lumière dans une pénombre de miel, jasmin, ambre et feu de pommes de pin – mais aussi, contre le mur, à l'intérieur, visible par l'imposte vitrée, le manche de plastique bleu d'un balais, et la certitude que mon rôle était de le prendre et de commencer le nettoyage sans fin de cette maison, sous une surveillance pointilleuse – ce qui me fait croire ou espérer qu'il s'agit bien d'un songe.


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Du haut des falaises, elle laisse le vent s'engouffrer dans ses vêtements et créer des voiles derrière elle. Ses cheveux noirs et bouclés volent derrière elle, ses yeux noirs survolent la tempête devant elle. Les vagues agitées montent, blanches d'écumes, leurs cimes reflètent un ciel obscur fuyant la lumière. Il n'y a plus de bruit hormis celui du chao, plus de vie autre que la furie qui se déploie devant elle. Elle s'imprègne de cette eau libre et belle, déploie des bras pour mieux sentir le vent avant de partir à regret rejoindre sa vie tranquille et sereine.


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Rencontre X Dans le petit compartiment, Lucie regardait le paysage défiler. Elle était tendue. La fatigue due aux nuits sans sommeil la plongeait dans un état second. A côté d’elle, un enfant faisait la lecture à sa grand-mère. Il chuchotait presque. Lucie regarda la vieille dame et vit qu’elle dormait. Elle fit signe à l’enfant, mit un doigt sur ses lèvres. « Comment t’appelles-tu ? » lui demanda-t-elle en souriant. « Tom ! » « Veux-tu faire un jeu avec moi ? » « D’accord, mais j’aimerais bien dessiner ! » Lucie prit son grand carnet blanc qu’elle ne quittait jamais. « Regarde ! Je dessine une échelle et toi, tu vas faire les personnages qui grimpent. » Tom se prit au jeu. Il mordait ses lèvres tout en traçant de minuscules bonshommes aux grands bras qui s’accrochaient aux barreaux. « Tu vois, celui-là, il n’y arrive pas ! » s’écria-t-il. « Effectivement ! Attends, on va l’aider à grimper ! » Lucie et Tom passèrent ainsi une bonne heure sur le dessin. Quand celui-ci fut terminé, Tom était sur les genoux de Lucie. Elle détacha la feuille de son carnet et lui tendit le dessin. Le train ralentissait, ils étaient presque arrivés. « Il faut réveiller ta grand-mère. Fais doucement ! » Et elle lui fit une grimace qui provoqua un éclat de rire. Lucie attrapa son sac et se prépara à descendre. « Au revoir, Lucie ! Dis, tu seras là pour le retour, d’accord ? » « A bientôt, Tom ! » lui lança-t-elle en sautant sur le quai. Au début, elle ne le vit pas et pensa qu’il l’avait oubliée. Puis elle l’aperçut. Il n’était pas seul. Un autre homme, un peu plus grand et mince se tenait à ses côtés. Elle courut jusqu’à eux. Pierre la serra dans ses bras, si fort qu’elle entendit ses os craquer. « Lucie, je te présente Mathieu, mon frère ! Vous étiez dans le même train ! » Lucie les attrapa chacun par un bras et leur dit qu’ils ne se ressemblaient pas. La petite maison aux lilas résonnait de joyeux rires. Ils étaient tous les trois sur la terrasse, chacun coupant la parole à l’autre, tellement ils avaient de choses à se raconter. Pierre leur annonça une surprise pour le soir. Mathieu parut déçu mais ne dit rien. Il alla s’asseoir dans le jardin et les laissa tranquilles. Il était heureux pour son frère. C’était la première fois qu’il invitait une amie à la maison. Elle était drôle et très jolie ! Avec un sacré caractère ! Elle le connaissait à peine et lui avait déjà demandé de composer une musique pour le vernissage de son exposition. Cette fille avait l’air de savoir ce qu’elle voulait ! Il n’avait pas osé la contrarier… Il s’allongea dans l’herbe. Tout à l’heure, il appellerait Aude ! Il passerait la voir demain. Il se détendit, sur la terrasse, c’était le silence. Il ferma les yeux et s’endormit. C’est Pierre qui le réveilla en lui tendant une bonne bouteille de vin. « Mathieu, dépêche-toi, va prendre une douche et change-toi ! Nous allons être en retard ! » Lucie était décidément très jolie dans sa longue tunique bleu sombre ! Elle s’était maquillée, cela lui allait bien. Elle était en train de composer un bouquet coloré avec les fleurs du jardin. Mathieu les regarda tous les deux, leur dit quelque chose à propos du téléphone qu’ils ne comprirent pas. Il se sentait presque de trop avec ces deux-là. Un quart d’heure passa et il réapparut, vêtu d’une chemise claire et d’un pantalon en lin. Pendant le trajet, il ne dit pas un mot. Pierre, qui l’observait dans son rétroviseur, pensa que son frère avait replongé dans ses pensées sombres. Lucie fredonnait, la tête à la fenêtre, une main posée sur le genou de Pierre. Il faisait bon, la soirée promettait d’être longue. « As-tu revu Aude ? » demanda Mathieu. Pierre éclata de rire et ne répondit pas. Lucie leur cria qu’elle avait une amie qui portait le même prénom, qu’elle habitait son appartement et qu’elle serait là pour son vernissage. Alors, Mathieu commença à comprendre…