samedi 23 juillet 2011

615 : vendredi 22 juillet 2011

Dernière sortie, fin. Le chasseur épaule son Simplex à double canon, vise et tire. Dans l'air confiné du musée de cire, sa seconde balle trace un couloir horizontal et percute une face livide, l'explose. Mais cela n'interrompt pas la progression du monstre. Désormais sans tête, il marche suivi par un troupeau de congénères, comme attaché par un lien invisible dans une ultime illusion grégaire. Inquiet, le chasseur se terre dans la salle du 19ème siècle, se demandant quoi faire si supprimer la tête ne suffit pas. Il ne reste pas une foule d'options dans son manuel le parfait liquidateur de zombis. Arme sur l'épaule, attente immobile malgré une foule de fourmis dans les jambes. N'osant se gratter, l'homme espère ne pas avoir laisser de trace derrière lui, toujours possible qu'il reste un peu de terre sous ses grolles, le genre de détail qu'on n'a pas le temps de regretter. Un zombi surgit, s'approche, derrière des orbites sombres quelque chose d'éteint le dévisage, le face-à face est rude enfin la créature puante repart. Ouf, il a fait illusion. Il frémit, y aurait-il un quelconque lien entre lui et l'autre ? Passage à vide. Ça lui revient, oui bon sang, des liens se tissent dans ses galaxies d'informations. Il sait comment procéder, tout s'éclaircit dans son esprit, sa foule d'illusions anéanties. Les fourmis ont disparu, son cœur bat plus vite, requinqué il passe en mode opératoire furtif, celui qui laisse zéro trace. Il sort de la pièce, trois zombis le choppent et l'éparpillent sur le tapis écarlate. En une morsure de seconde, sa carcasse mise en pièce. Ca ne change pas la face de la terre, en tout cas pas tout de suite.


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Alors se rend Farigoule chez l'ami Picris. Picris loge dans une vieille masure, un peu à l'écart de la rue la plus excentrée depuis la fontaine • celle de la place. Sa maison n'en touche aucune autre. Elle est cernée de grandes herbes et l'été, c'est à peine qu'on parvient en son perron. Qui est une grande dalle constituée de pierres de Taulignan, levées, couchées, venues de loin, à pied. Les avoines et carottes s'écartent au pas de Farigoule Bastard, ainsi les laitues montées et piquantes. Il ne frappe pas, mais gratte un peu le bois charnu, desquamé de la porte, puis la pousse. Hé, lace-t-il en traversant la cuisine, qui est nue, propre. Picris est de l'autre côté, dans l'espace vague qu'il s'est constitué, d'herbes folles et d'arbustes glanés sur les collines, dont certains n'ont pas survécu au transfert ou au voyage. ”Alors prêt ?”, en voyant arriver l'autre. Farigoule hoche. Ils s'assoient comme à l'accoutumé des beaux jours, sous le tilleul qui ferme le terrain. Derrière une ligne d'aurioles, les paliures se sont parés des boucliers. Après les quelques pieds trop vieux de vigne, voilà la forêt qui ceint non seulement le territoire de Picris, mais tout le village et grande partie de la vallée. Mauvaise forêt de blaches qui ne grandissent pas mais embâclent quand même les va-et-vient — et recèle toutes les bêtes. Chacun extrait son petit cube de tabac gris, et c'est toujours un étonnement de le voir entier, solide, fermement cubique, alors que permanent serré dans les gilets, les gibecières, ou les mauvaises sacoches. Ils ne parlent guère, chacun plus minéral, mais entre eux c'est soudé, coopérant, compatissant. Syntone. "Tu as vu Celle ces jours ? — Non." (Silence de cigale, de martinets.) "Tu entraînes Sabrina ? — Oui." (A nouveau.) "Je prends un abricot. — Va." Lorsqu'il franchit la ligne végétale que les clôtures miment, les nuit glissent sur les serres et dans les combes. C'était leur séparation, qui s'est terminée au vin piquette. Âpre est le jour qui vient.


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Ce soudain silence dans sa vie la déconcerte. L'apaisement attendu se refuse à elle, les sens en alerte elle ne comprend pas. Elle se souvient de la cohue, du bruit, de l'énervement agacé qui devenait le sien, et pourtant aujourd'hui elle sombre dans le vertige assourdissant de l'inexistant. Il n'y a plus de cris, de portes qui claquent, plus de disputes, ce néant la glace elle ne parvient à s'y faire. Doucement, elle réapprend le manque.