vendredi 15 juillet 2011

607 : jeudi 14 juillet 2011

Rencontre XVIII Aude se reposait, roulée en boule sur le canapé de sa grand-mère. Elle était seule. Dehors, il pleuvait, l’hiver approchait, les arbres avaient perdu leurs feuilles. Pantoufle, le petit chaton que Mathieu lui avait offert, dormait au coin du feu. Il avait les yeux verts avec une pointe dorée, le poil long, gris perle et le bout des pattes blanc, d’où son nom. La veille, elle s’était remise à écrire et tranquillement, Pantoufle avait poussé les feuilles pour s’installer sur son bureau. De temps en temps, il attrapait son stylo qu’il mordillait en ronronnant. Ce nouveau compagnon lui avait fait du bien. Il calmait l’angoisse qui la gagnait subitement. Depuis son retour, elle avait des crises de panique intenses qui la laissaient épuisée. Le médecin lui avait affirmé que cela passerait avec le temps. Il avait donné un médicament qu’elle refusait de prendre. Pour elle, le meilleur remède était l’écriture, elle le savait depuis son enfance. Ce matin, Mathieu était reparti à Paris, afin de remettre les clefs de son studio et de débarrasser toutes ses affaires. Il avait aussi rendez-vous avec un jeune chef d’orchestre intéressé par sa musique. Il reviendrait dans la soirée, lui avait-il dit, elle ne devait pas s’inquiéter. Elle se leva, enfila un imperméable et décida de faire une promenade sous la pluie. Elle avait retrouvé le plaisir de traverser les champs à grandes enjambées. Elle s’obligeait à marcher chaque jour, guettant le retour de sensations qu’elle avait perdues. Mathieu avait été d’une patience d’ange, ils avaient beaucoup discuté et fait de nombreux projets. Mais ils n’avaient jamais reparlé de l’accident. Elle ne pouvait pas ! Elle s’aperçut que ses pas la menaient à la maison aux lilas. Machinalement, elle poussa le petit portillon. Elle fit le tour de la maison, ramassa le petit arrosoir, repoussa du pied la porte de la remise qui s’était ouverte avec le vent. La pluie s’était arrêtée. Elle s’assit au bord de la terrasse tout en songeant aux évènements des derniers mois. Lucie avait rejoint Pierre au Rwanda, son dernier message était émouvant : « Les enfants du village m’ont fait un accueil magnifique, ils viennent dans mon atelier deux fois par semaine et dessinent avec enthousiasme. Certains d’entre eux sont très doués ! Je pense à une grande fresque sur les murs de leur école. Aujourd’hui, je suis allée au dispensaire. Antoine n’y était pas : il y a eu un accident de bus près d’un village voisin. Son jeune remplaçant m’a auscultée. Aude, j’attends des jumeaux ! Ici, il n’y a pas d’échographie, mais le médecin en est certain ! Il va falloir que je me repose. Jure-moi que tu viendras pour l’accouchement ! » Aude était heureuse pour son amie. Le dernier jour avant sa sortie de la clinique, elle lui avait confié qu’elle était enceinte. Pierre était fou de joie ! Il avait aussitôt tracé les plans de leur maison. Bien sûr qu’elle irait en Afrique ! Si Mathieu voulait bien, ils pourraient y rester quelques mois…Il était réticent quand elle lui en parlait. Pourtant, il s’était documenté, avait acheté de nombreux ouvrages qu’il lui faisait partager. Aude se leva et reprit la petite route qui conduisait chez elle. Elle avait très froid tout à coup. Elle se mit à courir, persuadée que Pierre saurait convaincre son frère. « Grand-mère ! Je te promets que ta maison résonnera un jour de rires d’enfants ! » Elle ne pouvait s’en empêcher : elle continuait à lui parler, souvent même à voix haute, persuadée que sa grand-mère l’entendait. Elle poussa la porte : une petite boule de poils l’accueillit en bondissant. La nuit tombait, elle ralluma le feu, se fit un bon thé et se remit à son bureau, relisant le premier chapitre de son livre. C’était un conte pour enfants. Son éditeur ne serait pas content !


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Le rideau en mousseline se soulevait au grès du vent, laissant l'air s'engouffrer joyeusement jusqu'à leurs corps repus et apaisés de sommeil.