dimanche 26 septembre 2010

318 : samedi 25 septembre 2010

La protection de la beauté par la laideur (6) Un nouveau programme de rééducation visuelle fût mis en place auprès des populations fréquentant la zone. Après avoir estimé d’une part que, depuis l’apparition du problème de destruction urbaine par le regard, les autres quartiers de la ville étaient de moins en moins conformes à l’ancien aspect de la cité dans son entier, et de plus en plus différents de l’aspect qu’avait particulièrement le quartier avant qu’il eut fallu très activement le protéger, et déduit d’autre part à la suite d’études cognitives que la satisfaction d’un besoin entretenait celui-ci alors qu’il était plus pertinent de le neutraliser jusqu’à nouvel ordre, on entreprit de convaincre les usagers de la zone de ne jamais rien regarder d’autre que le sol lorsqu’ils circulaient dans un cadre urbain, où que ce soit, hormis de très fugitifs contrôles visuels, dans les rares cas où ceux-ci étaient indispensables, dont on pouvait par ailleurs presque toujours se passer dès qu’on connaissait par cœur les quelques trajets nécessaires à l’existence, auxquels il était vivement conseillé de se tenir.

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Dans la cour de récréation, les jeux, le petit groupe contre le mur près des toilettes et ses éternels conciliabules, rien ne demandait attention. Même chez les petits aucun litige, pas de désespoir, de petites mains s'agrippant à son chandail et de nez et d'yeux humides levés vers elle pour implorer secours, justice. Magali adossée à l'arbre s'absentait. Les yeux flottant, aux aguets par habitude, elle avait surtout conscience de la présence de cette lettre dans sa poche. Entre surprise heureuse, presque – bien entendu, elle savait, elle attendait mais ne voulait y croire – et rêverie inquiète. Ne voulant pas encore calculer les conséquences de ce oui qui s'imposait à elle. Le dernier des Romero est tombé, une fois de plus, et restait en désordre sur la terre de la cour, image, ruisselante de larmes, du désarroi. Elle l'a relevé, mouché, écouté, consolé avec la dose d'ironie gentille nécessaire, l'a renvoyé d'une petite tape. Malgré elle, elle commençait à imaginer : qu'il vienne s'établir ici, dans son logement – c'était petit, ils se heurteraient, mais... elle a souri – seulement il y avait les chantiers et ses horaires, ou partir, s'établir pas dans la chambre actuelle, mais dans un studio qu'ils pourraient certainement louer. Les trajets de la ville jusqu'ici. La coupure chaque soir. Devenir étrangère. Ne plus être l'amie, le recours. L'était-elle ? Certainement, honnêtement certainement. Et elle hochait un peu la tête. Elle a regardé sa montre, tapé dans ses mains. En rentrant dans la classe derrière les enfants, elle a pensé au coup de téléphone, le soir. Elle se sentait très jeune, absurdement.