vendredi 17 septembre 2010

309 : jeudi 16 septembre 2010

C’était lire de la documentation, toute la journée prendre des notes, se croire revenu à cette époque, en cours, avec l’âge d’alors, étudiant, plein d’appétit pour la connaissance, plein de ce désintéressement que représente toute tâche alors, en cours, en TP ou pour soi en exercice d’application du cours ou du TD, la sensation grisante qu’a la facilité d’apprentissage, alors, le mouvement de cœur, même, de cette créativité, de cette liberté ; lire dans cet esprit la documentation requise en faisant abstraction de l’usage à venir ou, pire, comme résultat de l’étude, du non-usage.


-------------------


Un “accident grave de voyageurs” à la station suivante m’a empêché de prendre le métro en bas de chez moi. Ce n’était pas un “incident voyageur” comme l’annoncent le plus couramment les messages vocaux diffusés dans les stations. La voix qui signalait un “accident grave de voyageur” indiquait une reprise du trafic plus d’une heure plus tard. On ne sait pas ce que désigne précisément l’”accident grave de voyageur”, sauf si on en est, à l’occasion, le malheureux témoin. C’est suffisamment grave pour qu’on ne le désigne plus par “incident voyageur”, assez pour nécessiter une intervention sur place de plus d’une heure. On pense, ou du moins je pense toujours, à un corps jeté sur les voies, à un train qui lui roule dessus. Et plus spécialement à un corps jeté de lui-même sur les voies. Suicide. Je ne veux pas imaginer l’apparence du corps après que ce soit arrivé, je ne veux jamais avoir à le voir. Entre la station où j’étais, où je n’allais pas attendre, et la station dans laquelle le message vocal localisait l’”accident grave de voyageur” - la suivante le long du trajet que j’aurais alors suivi -, le tunnel est rectiligne et nivelé. Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un bref regard pour les voies là-bas, sous l’éclairage entre leurs quais. Heureusement, rien n’était visible, et je n’ai pas tenté d’examiner plus précisément. Je n’ai pensé qu’après : peut-être que si les voies sont dégagées sans que le trafic reprenne, c’est pour qu’on ne puisse pas voir depuis les trains qui rouleraient à nouveau ce qui se passerait encore sur les quais.


-------------------


Tous les mercredis, il s’envoyait depuis plus de dix ans une lettre. Celle-ci partait par le courrier du soir. De format strictement réglementaire, calibrée à 20 grammes exactement, elle lui revenait le jeudi à la distribution du début d’après midi. Il la trouvait sous sa porte en rentrant le soir de son travail, toujours avec la même émotion. Il en tranchait le rabat au coupe-papier, examinait le contenu, qu’il conservait ensuite dans son sous-main, pour le glisser dans la missive de la semaine suivante. Lorsqu’un jeudi de décembre, il ne reçut aucun courrier, il fut persuadé d’être mort. En conséquence, il téléphona le vendredi matin à son employeur pour l’informer de la triste nouvelle. Puis il s’occupa des formalités auprès des pompes funèbres et assista le lundi après-midi à son enterrement, une cérémonie simple mais digne. Il fut touché de la présence de la quasi totalité de ses collègues et les en remercia chaleureusement.