mardi 16 février 2010

96 : lundi 15 février 2010

La lourde porte de bois se ferme. Elle avance. Le trottoir, les voitures, les passants. Elle marche et s'étonne presque de le faire si bien. Puisqu'elle n'est pas là. Pas encore consciente. Et surtout pas de ce corps. Elle ne veut pas penser à lui. A ce qu'il lui fait, à ce qui l'attend. Elle sait seulement, elle ne sait que cela, qu'il y a... Elle est contente d'elle, de son calme quand la femme, le médecin, c'est vrai c'est un médecin, a prononcé le mot, lui répondant. Parce qu'elle n'a pas supporté les mots apaisants. Et elle a su poser calmement des questions, discuter de ce qui allait être fait, être pratique. Parce que c'était plus facile. Mais elle croit qu'elle a été bien. A vrai dire c'était si étrange, juste des phrases comme on peut en lire - elle jouait son rôle. Il en reste, elle le sent, ses joues figées autour d'un petit sourire, qui, d'un coup, l'insupporte. Elle s'applique à l'effacer, et, peu à peu, reprend conscience d'elle, cela qui avance, les muscles, la peau, et puis le contact du soleil. Elle lève les yeux vers les branches dénudées des arbres qui bordent la rue, et, oui, le ciel est pur, d'un bleu qui commence à s'effacer avec le soir. Elle se souvient avoir pensé, tout à l'heure, qu'elle avait de la chance. Ce temps presque printanier, un cadeau qui lui était fait pour cette demie-journée de vacance qu'elle s'offrait, sous le prétexte de... et là, brusquement, elle sent une boule, non une houle, qui se rue dans sa gorge. Elle s'arrête, crispée. Elle se calme. Elle doit se calmer. Elle devra être calme demain, en annonçant, au bureau, ils doivent savoir. Comment... et puis elle ne peux plus. Elle fouille dans son sac, elle sort son téléphone, elle appelle, et – est-ce une chance ? – sa soeur répond, elle ne sait plus laquelle – nous avons toutes la même voix, la seule chose.. Elle lui dit, brutalement. Et puis elle s'excuse. Elle dit qu'elle rappellera. Que ça va. Mais que c'est elle qui rappellera. Et elle repart. Elle a un peu honte. Mais voilà, c'est vrai, et elle n'est pas seule.

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Manque un (3) Pierre et Paul examinèrent les alentours immédiats de la sanisette, puis balayèrent du regard toute la place, entrèrent dans l'église puis dans le square, observèrent enfin les rues adjacentes. Aucune trace de Jacques, il s'était tout bonnement volatilisé. Il n'aurait pu chercher à les semer, c'est lui qui avait tenu à ce qu'ils l'accompagnent, et s'il avait changé d'avis et finalement préféré aller seul à son rendez-vous, il se serait simplement contenté de le dire à ses deux amis. Le phénomène semblait tout à fait incompréhensible, voire paranormal, aussi Pierre et Paul n'essayèrent pas de le comprendre ni de l'expliquer. Ils s'en tinrent à ce constat : Jacques avait disparu. Parce qu'ils étaient d'une part venus pour ceci, et parce qu'ils pensèrent d'autre part que cela serait utile à Jacques quand il allait reparaître, ils se rendirent alors chez l'ancien professeur de lettres à trois rues d'ici, afin de recueillir auprès de lui la réponse à la question particulière que Jacques souhaitait lui poser, bien qu'ils ignoraient tout à fait cette dernière.