jeudi 25 février 2010

105 : mercredi 24 février 2010

Je suis et reste figé là, au milieu de nulle part. Absent. Et pourtant… Tout déborde autour de moi. Des personnes, des mots, des sonneries de téléphones stridentes. Bientôt comme une rumeur qui se formalise auditive, le bourdonnement des paroles sourdes se mêle à mes pensées comme des accélérateurs de fuite. Ailleurs. Je n’écoute rien mais à mon insu j’entends tout. Lancinantes, les litanies aimables envoyées à une population de chalands m’accablent de leurs sirupeuses rengaines. Le sourire s’entend au téléphone. Le cynisme aussi. Le client est roi. Courbettes et bassesses aussi. Sacro-saints individus sur lesquels on transfère le pouvoir, élevés au rang du divin, tous souverains d’une royauté consumériste nauséabonde. Et les téléphones raccrochés, s’abattent sur eux les pires railleries générées par leur préciosité projetée. Je suis et reste figé là, au milieu de l’espace ouvert. Pris dans mon open-space, je regagne ma bulle.

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Ils ne ressemblent pas de plus en plus à Barbet Schroeder et à François Bégaudeau, mes deux lascars d'indics qui traînent au coin de la rue, à faire on ne sait quoi, comme doivent faire les indics, être là à un coin de rue à ne pas faire quelque chose dont qui que ce soit puisse dire ce que c'est. Regarder, parler, rester planté là, partir dans deux directions différentes, et plus tard revenir pour se retrouver au même endroit, converser à nouveau en faisant le pied de grue. Je ne les avais pas remarqués tout de suite, ces deux-là et leur manège de badauds à temps plein, il a fallu qu'ils s'impriment dans le décor à la manière de feux tricolores ou d'une enseigne de pharmacie pour qu'ils m'apparaissent comme étranges, de la façon dont il est étrange pour des êtres humains de faire autant partie du décor, et quasiment de la même manière, que des feux tricolores ou une enseigne de pharmacie. Commençant à les observer et à m'intéresser à leur cas, je leur trouvai à l'un et l'autre de vagues ressemblances avec d'autres visages, sans vraiment identifier lesquels. J'ai fini par attribuer au brun maigre une approximative ressemblance à François Bégaudeau, et au chauve une ressemblance approximative à Barbet Schroeder. En fait, leur visage ne sont que peu similaires à la figure de ceux dont ils sont selon moi les sosies, mais les voyant, j'identifie la ressemblance que leur ai un jour prêtée. Mon souvenir d'une ressemblance possible a pris valeur de ressemblance effective, pour ces deux là dont l'activité ressemble trop mal à la flânerie pour ne pas s'avérer être celle d'informateurs au service de la police.