mardi 9 février 2010

89 : lundi 8 février 2010

Le parfait sosie qu'il avait trouvé pour le remplacer ne boudait pas son plaisir, ce dont il ne perdait pas une miette depuis les proches parages qu'il n'avait jamais quittés. Il avait quitté femme, enfants et amis mais pas les lieux. Il restait à côté, caché et seul, comme il l'avait voulu. Il était libéré de la vie sociale qui lui était un cauchemar, des relations aux d'autres qui ne lui étaient qu'un poids. Ce qui l'avait retenu jusqu'à maintenant était l'idée insupportable qu'on puisse lui reprocher ses abandons, lui obsédé par la responsabilité voulait la fuir sans d'aucune manière passer pour un irresponsable. Quant il avait rencontré cet homme à lui si semblable, même visage, même posture, même taille, même corpulence, même voix - même voix... -, il s'était demandé stupéfait s'il n'avait pas un jumeau qu'on lui aurait caché depuis toujours. Puis, le souvenir de films et feuilletons où le jumeau est employé comme double lui accapara l'esprit. Son parfait sosie avait des revenus modestes, et même une situation sociale précaire, alors que lui était né très riche et n'avait cessé de toujours l'être davantage au cours de son existence, il lui proposa un marché très simple à comprendre : la moitié de sa fortune, plusieurs dizaines de millions d'euros, s'il acceptait de prendre sa place, dans tous les domaines de sa vie et pour le restant de ses jours, en en conservant le secret total. Après avoir fourni de nombreuses preuves que sa proposition était sérieuse, honnête dans la mesure où l'on pouvait à ce sujet parler d'honnêteté, et la fortune réelle, il était parvenu à convaincre son sosie de devenir son double. La décision de celui-ci avait amplement été aidée par la beauté de la femme qui deviendrait son épouse, par l'élégance de la demeure qui deviendrait la sienne, et par la localisation de ses futures résidences secondaires aux Baux-de-Provence, à New York, Rome et Kyôto. Né très riche et à mesure de l'existence de plus en plus riche, il n'avait jamais travaillé et s'était contenté d'être comme un aristocrate oisif pendant que ses capitaux travaillait pour lui sous la surveillance de ses conseillers financiers. Ne plus jamais avoir à travailler était ce qui avait définitivement fait basculer les dernières réticences morales de celui qui avait donc accepté de devenir le double, et d'avoir la grande vie à la place d'un autre et à sa demande.