vendredi 5 février 2010

85 : jeudi 4 février 2010

Candidature Je vous prie de bien vouloir trouver ci-jointe ma lettre de non-motivation concernant ma candidature pour un stage dans votre entreprise pendant le mois d’août 2010. Mon père me contraint à ces démarches grand-guignolesques pour m’empêcher de passer, peinard, mes vacances sur mon ordinateur. Il ne sait plus quoi inventer pour m’embêter. J’ai effectué il y a deux ans mon stage de découverte de classe de 3ème dans votre entreprise. Déjà à l’époque, il avait été pour moi un long moment d’ennui, sauf le jour où je me suis rincé au picon bière avec un de vos collaborateurs. Aujourd’hui, c’est bien pire : il s’agit de squatter un mois durant dans vos bureaux. Je n’ai aucun intérêt à découvrir avec plus de précision ou de façon plus opérationnelle le monde professionnel dans lequel j’espère bien éviter à tout jamais d’entrer. Cette expérience ne me sera d’aucun apport tant est grande ma détermination de ne rien faire, ni apprendre au cours de ce mois de pénitence. Ne comptez sur rien : pas de dynamisme, aucun sérieux, encore moins de bonne volonté. Pourriez-vous cependant me faire parvenir le menu détaillé de la cantine, qui sera, je crois, les seules heures que je passerai véritablement réveillé dans vos services. Quant aux horaires, pour vous éviter de laborieuses mises au point, je préfère vous informer directement des miens : 10h00-12h00 ; 14h00-16h00. Je vous prie d’agréer l’expression de mon total désœuvrement.

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Je ne sais pas si j'irai seul ou accompagné à la Nouvelle-Orléans. J'aimerais y aller seul peut-être. J'ai décidé qu'on voyageait à la Nouvelle-Orléans pour vivre une histoire d'amour ou pour pleurer une histoire d'amour qu'on y a vécue. Y aller seul, ce sera pour pleurer l'histoire d'amour que je n'y ai pas eue, au cours de la vie que je n'ai pas eue dans le vieux Sud des États-Unis. Certains lieux requièrent notre solitude pour qu'on y souffre la nostalgie des histoires qu'on n'y pas vécues. J'ai un amour néo-orléanais que je n'ai pas vécu et dont je doit porter le deuil, le deuil qu'il ait pris fin, que toute cette beauté ensemble à la Nouvelle-Orléans se soit terminée, et le deuil qu'il n'ait pas eu lieu. J'ai aussi une enfance québécoise que je n'ai pas vécue, quand on se roulait parmi les feuilles mortes aux couleurs si vives, sur la pelouse en automne dans le jardin de nos parents, un peu avant que l'interminable hiver arrive. Il faisait froid déjà, on portait un bonnet sur notre tête de gamin et un manteau épais, mais c'était avant les premières neiges et les températures négatives. On riait et riait dans les feuilles jaunes et rouges sur la pelouse toujours bien tondue, avec notre jolie cousine qui une fois nous avait pris en photo pendant qu'on jouait. Et après, quand le soir tombait, on rentrait à la maison, prendre à la cuisine un chocolat chaud que Maman nous avait préparé, pour moi et le frère que je n'ai pas eu. L'autre frère, le Québécois.