jeudi 27 mai 2010

196 : mercredi 26 mai 2010

Je suis d’une humeur de chien aujourd’hui. J’ai envie de faire mes valises et partir très loin. Mais où ? Je m’interpelle, me questionne, me toise, me perds. Je n’ai plus de collier autour du cou qui pourrait m’identifier, plus de laisse qui m’obligerait à rester. Et pourtant, je me retourne, me sens le derrière : le chien reboit et la caravane lasse… Et frayer ce chemin qui me fait peur me paraît impossible. Alors j’écoute, encore, à quatre pattes, la cohorte des cerbères hurlants à la vie, à la mort. Puis me mets à l’arrêt, me cale sur ma couche, fœtus animal en chien de fusil. Ainsi rétréci, je m’imagine, libéré de mon mors aux dents, voyageur aux mille destinations, sourire aux passants du clair de lune.

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Comme à chaque fois quasiment que je reviens ici, je parcours la part de ma bibliothèque qui y demeure entreposée. Les livres qui sont ainsi stockés, bien plus lointainement disponibles, sont laissés ici en réserve. Des livres peuvent sortir de la réserve et être transférés chez moi, plusieurs centaines de kilomètres plus loin ; le chemin inverse est également possible. Ceci est fonction de la vigueur de mon intérêt pour chaque livre, et de la probabilité que j'attribue instinctivement à chacun d'entre eux d'être lu, relu ou consulté plus ou moins prochainement par mes soins. L'examen de ce type de probabilités n'étant pas systématique, le survol de volumes de ces deux parties de bibliothèque offre un bref panorama des intérêts intellectuels successifs qui purent être les miens : à certaines périodes, j'ai regroupé un certain nombre de volumes sur telle ou telle question, issus de telle ou telle filiation esthétique ou théorique, et on peut retrouver au sein de la réserve un groupe d'ouvrages qui rappellent qu'on s'est un jour intéressé à ceci ou à cela, qu'on l'avait largement oublié mais que peut-être on se sent désormais près de s'y intéresser davantage à nouveau, mieux peut-être d'ailleurs qu'initialement, alors qu'on avait entre temps pensé que c'était définitivement hors de nos préoccupations. Inversement, on peut avoir cru il y a peu encore qu'une piste en particulier se présentait comme féconde, puis soudainement n'avoir aucun doute quant à la vocation qu'ont les livres concernés à rapidement quitter le domicile pour rejoindre la réserve. La passion que l'on se croyait à vingt ans pour l'analyse esthétique et symbolique de l'œuvre de Richard Wagner, on n'est pas bien sûr d'y revenir un jour, mais si jamais il nous prenais l'envie ou le besoin d'en approfondir quelques points, on a des ouvrages en réserve qu'on n'aura qu'à récupérer à l'occasion. Le désir qu'on a eu plus récemment d'approfondir ses connaissances en matière d'atomisme à l'époque moderne ne comptera peut-être finalement pas au nombre des prochaines priorités, ce qui n'interdit pas qu'il puisse s'en agir d'une en une ultérieure occurrence.