J'avais trop tardé, trop rêvé, trop hésité, ou tu m'avais parlé, exigé réponse, je ne sais plus. Je sais simplement qu'ils étaient loin, qu'il n'y avait plus sur le chemin devant moi la moindre trace du joyeux convoi. Haletant d'énervement, je marchais. Les pavés s'allongeaient un peu humides de la pluie de la nuit, s'étiraient en longue ligne plate, s'incurvaient pour grimper rudement sur les petites croupes, disparaissaient derrière, revenaient, amenuisés, un peu plus loin avant d'entrer dans un boqueteau. Cela semblait ne jamais devoir finir. Je trébuchais parfois dans ma hâte, et cela continuait. Je marmonnais des petits jurons contre moi, eux, la vie, rien, et cela me ralentissait. Et puis, je me suis arrêtée, brusquement, envahie par un brusque assaut de rire et par cette évidence : cela n'avait vraiment aucune importance. Il suffisait de le décider, de le savoir. Je me suis assise sur un bloc et le soleil est venu sur moi.
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Le sol de l'île s'était soulevé puis rabaissé, et de cette façon plusieurs fois de suite, deux jours pour se soulever, un jour immobile, deux jours pour redescendre à son niveau habituel, et quelques jours d'intervalle entre chaque nouvelle séquence de montée puis descente. Le sol s'était profondément craquelé, et le long des fortes pentes la roche s'était éboulée depuis les crevasses, laissant apparaître d'autres couches rocheuses, molles. Lorsque ces roches molles furent à leur tour craquelées, c'est une peau épaisse et rugueuse qu'on vit au fond. Le sol de l'île s'élevait et se rabaissait toujours, l'écorce rocheuse de l'île était de plus en plus érodée, aucun village n'était épargné. Les habitants durent quitter l'île qui ne cessait pas de se soulever encore puis de se rabaisser encore. Ils la quittèrent juste à temps pour, depuis le bateau sur lequel ils venaient d'embarquer, voir que le sol sur lequel ils avaient vécu reposait sur un gigantesque animal marin qui à cet instant partait pour d'autres eaux, dans de terribles remous et grognements.