Les deux villes ancestralement ennemies avaient finalement décidé de conjointement bâtir un pont pour être directement reliées entre elles. Le profond et étroit canyon qui les séparait avait somme toute constitué une relative protection pour les deux villes, car c'était un obstacle radical contre les attaques. Il y avait eu quelques épisodes de canonnades qui avaient fait bien des dégâts mais l'armement fruste de chacun des deux belligérants n'avait pas permis de beaucoup employer l'artillerie. Si l'une ou l'autre des deux villes voulait durement frapper l'ennemi, il lui fallait passer de l'autre côté de la gorge. C'est-à-dire descendre par des sentiers étroits et très pentus à flanc de falaise jusqu'au fond du canyon, traverser la rivière tumultueuse et remonter de l'autre côté par des sentiers de même nature. C'était un périple extrêmement ardu pour des hommes vêtus de lourdes armures et devant porter des armes fort pesantes, ainsi que les munitions. En outre, ce trajet exposait considérablement les hommes qui l'empruntaient, très vulnérables au feu des armes venu du sommet de la falaise d'en face. La traversée devait donc être effectuée de nuit, et chaque ville postait des vigies à la surveillance des mouvements d'hommes dans le canyon. La morphologie du territoire avait donc restreint le nombre et la puissance des attaques de part et d'autre, on en avait cependant connu plusieurs dizaines au cours du dernier siècle. Mais depuis que ceux du Nord avaient tenté une offensive très ambitieuse et extrêmement radicale, en tâchant de saper la falaise qui portait la ville de ceux du Sud, et qu'ils avaient été décimés par une très violente attaque de leurs ennemis avant d'avoir pu achever leur entreprise, l'antagonisme entre les deux villes avait trouvé un point d'arrêt sur lequel elles avaient par la suite préférer demeurer.