mardi 22 juin 2010

222 : lundi 21 juin 2010

Nous dormions dans le hangar depuis plusieurs semaines, sans peine car les températures étaient douces. Souvent, nous buvions le soir, comme de bons camarades de chambrée, et d'ailleurs nous étions de bons camarades de chambrée. Parfois nous buvions davantage, lorsque les conversations se prolongeaient, lorsque nous étions d'humeur à nous coucher tard. Alors, dans ces cas, nous buvions beaucoup, et nous réveillions après midi, le corps englué, le crâne enserré, l'estomac retourné, dans les effluves de l'alcool que nous cuvions peut-être encore. Un jour qui suivait une de ces nuits, je me réveillai après midi, le corps englué, le crâne enserré, l'estomac retourné, dans les effluves d'alcool que je cuvais peut-être encore. Je croyais m'être réveillé le premier, mais je n'entendis personne autour de moi, ni mouvement, ni parole, ni ronflement, aussi pensai-je que tous avaient déjà quitté leur lit et étaient sortis. Un odeur très acide imprégnait l'air. Je me levai enfin, non sans efforts et douleurs, en tâchant de me remémorer la dernière nuit, et échouant à m'en souvenir, hormis quelques bribes d'une conversation au sujet des haches et des hachoirs qui étaient dans le hangar depuis plus longtemps que nous, et la vague image d'un de mes camarades fermant avec des chaînes les portes du bâtiment que nous occupions, comme s'il avait peur de quelqu'un ou de quelque chose à l'extérieur. Je n'avais pas d'autre souvenir. Enfin debout, j'ouvris mieux les yeux malgré la douleur que m'infligeait le passage à travers eux de la lumière. Mon premier regard fut pour les haches et les hachoirs ensanglantés au sol, les douleurs se firent instantanément oublier et mes yeux balayèrent tout le panorama du hangar. L'un de mes camarades était allongé le crâne fendu sur son matelas gorgé de sang. Un autre était dans un coin du bâtiment où stagnait une autre mare de sang, éventré et les bras repliés sur la tête. Le dernier de mes trois camarades étaient appuyé contre une des portes, les jambes allongées dans une troisième large flaque de sang, et les mains restées accrochées aux chaînes qui verrouillaient la sortie, sa nuque et son dos étaient très profondément entaillés.