vendredi 18 juin 2010

218 : jeudi 17 juin 2010

Colline, ciel, gens Saute à la corde pour voir, ou fais des bulles de savon. Pendant ce temps là je m’envolerai, avec des ballons de toutes les couleurs dans les mains, ou en décollant du toboggan. Le ciel est bleu, l’herbe est verte, de la colline on voit tout autour ! Saute, saute et tourne et secoue la tête dans tous les sens ! Après on a le tournis. Et allonge toi, et trouve de quelles formes sont les nuages ! Un mouton, un dragon, et quoi d’autre encore ? Quel après-midi ! Alors ! Tu viens ?

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Sur la terre ocre du chemin de halage, un tas de pagaies, devant mes pieds, en amas irrégulier, prenant toute la largeur, entre les haies de lentisques et la pente qui dégringolait dans la rivière. Je suis sortie de mon rêve. Je me suis arrêtée. Je les ai regardées. Elles étaient là, seules, on ne voyait aucune trace de vie, d'humains, d'embarcations. J'ai mis un long moment à les rassembler, à frayer un passage. Et puis je me suis accroupie au bord de l'eau, et j'ai attendu. Le soir est venu lentement.

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Je tirerai le chapeau que je n'ai pas à celle ou celui qui démontrera que l'univers en a la forme, la forme d'un chapeau. Parce que c'est l'idée qui me plait le plus, elle me plait le plus parce que c'est celle que je viens d'avoir. Je viens de m'interroger sur un objet dont je pourrais décréter qu'il reproduit fidèlement la forme de l'univers entier, mais en plus petit, sinon où serions nous, nous qui ne sommes contenus en permanence dans aucun objet manufacturé ? Je me suis interrogé et j'ai bien pensé à la paire de ciseaux, au tire-bouchon, à la boîte d'allumettes, à la raquette de ping-pong et même à la moissonneuse-batteuse, mais je me suis arrêté sur le chapeau. J'ai décidé que c'était le chapeau qui serait la forme devant être attribuée à l'univers entier, et la légitimité de cette attribution rigoureusement démontrée, pour obtenir mes félicitations. L'enjeu est de taille pour la communauté scientifique, mes félicitations ce n'est pas rien, je ne les donne pas comme ça, j'ai eu un ami champion Régional de lancer de javelot, et quand il a été titré je ne l'ai pas félicité. Il m'en veut encore. J'ai peut-être agi bêtement à ce moment là, mais j'avais alors pensé que ça amoindrirait la valeur de mes félicitations, si je les lui donnait dès le niveau Régional, que ça les galvauderaient par la suite. J'avais donc décidé d'attendre qu'il obtienne une bonne place au niveau National pour le féliciter, et c'est alors que cet ami ne s'est plus donné les moyens d'en obtenir une, et qu'il a même complètement arrêté de lancer des javelots, parce qu'il avait l'impression que ça n'intéressait personne dans son entourage. Bref, un chapeau. Pas un chapeau melon, je ne pense pas, trop sphérique, trop évident. Un borsalino ou un stetson plutôt, un haut-de-forme à la rigueur. Ou alors un chapeau souple, puisque l'univers est peut-être de forme mouvante, disons un bob. Mieux vaut un bob qu'un chapeau-claque, pour la forme de l'univers, le chapeau-claque, c'est un mouvement trop brusque, c'est trop risqué.

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Comme elle l’en avait tant prié, il était à 18h00 tapantes devant la porte. Mais quand il sonna à l’interphone, une voix lui répondit aussitôt : « Elle n’est pas là, elle est en courses ». Il en resta bête. Puis la moutarde lui monta au nez : non seulement, elle lui posait un lapin, mais en plus avec cette excuse, si stupidement formulée : elle est « en courses ». Qu’est que ça veut dire une expression pareille ? Elle est « en courses », comme s’immergeant dans les courses, saisie par la consommation primaire, absorbée toute entière dans cette occupation triviale. Il la voyait, pilotant son caddie, défilant, concentrée, devant les rayons, une travée après l’autre en grand souci d’exhaustivité, comparant les prix, supputant la qualité, tâtant le légume, reniflant les fruits, dans l’oubli total du monde extérieur, de lui, qui était là, devant son immeuble, furieux et déjà détachée d’elle. Définitivement.