mardi 15 juin 2010

215 : lundi 14 juin 2010

C’est bien ça, non ? Depuis combien de temps je n’avais pas conduit ? Mais je n’allais quand même pas venir avec le chauffeur ! C’est joli par ici, c’est vert, c’est calme. Être là, en semaine, en milieu d’après-midi… C’est là… C’est ouvert ? Bon… C’était quand la dernière fois qu’on s’est vu ? Oui, je me souviens… On s’est encore disputés. Pourquoi ? On se battait sur tout, autant dire sur rien. La lassitude… J’y suis. Je sonne. Bon dieu, après tout ça, j’ai quand même une boule dans le ventre … La porte s’ouvre. -Hi John. -Hi Paul. Ils se regardent longuement. Il le laisse entrer.

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C'était des cieux instables, mouvants. Et, habituée que j'étais à louer, avec petite plainte, notre ciel d'un bleu dur, violet profond, noyé de violente lumière, plaque dure qui niait l'air, celui qui régnait impérial en été, qui symbolisait le froid coupant de l'hiver, je dégustais l'apparition de nuages arrondis, dorés par endroits, en sous face, ou des longs filaments qui filaient à la poursuite du vent. Je les dégustais un temps, avant qu'ils s'unissent, stagnent, que des plafonds sans vraie couleur, d'un gris sale, d'un blanc fade et neutre, descendent peu à peu vers nous, deviennent de plus en plus sombres, d'un noir puissant, éclatent en ondées violentes, ou, pire, de plus en plus souvent, me semblaient-ils, s'éclaircissant légèrement, retrouvant leur absence, laissent filtrer une petite pluie obstinée, rappelant une Bretagne dé-iodée. L'humeur sombre, les yeux levés, j'en venais à détester les climatologues catastrophistes, leur attribuant une influence improbable.

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Nous décidâmes de prendre du repos dès que possible, nous en avions besoin après toute une nuit de marche dans les escaliers. Il nous fallait alors d'autant plus de fraîcheur que nous ne savions plus bien si nous montions où descendions. Il nous avait semblé à tous, de façon parfaitement évidente, que nous n'avions cessé de monter, cependant nous venions de nous rapprocher du sol dont nous étions pourtant trop lointains auparavant pour qu'il soit visible. Nous nous arrêtâmes donc pour manger et dormir au premier palier que nous rejoignîmes qui fût pourvu d'une chambre, il s'en trouva un à peine quelques étages plus haut, ou peut-être plus bas, nous ne savions plus. Le repas et les quelques heures de sommeil furent réparateurs, nous nous réveillâmes au beau milieu de la journée probablement, à en croire la lumière à l'extérieur. Le sol était toujours visible. Il nous semblait incroyable que nous ayons pu descendre l'escalier alors que nous pensions y monter, nous étions très contrariés en pensant que cette grossière erreur nous avait déjà fait perdre beaucoup de temps, qu'elle nous en ferait perdre encore pour revenir sur nos pas. Malgré le repos, nous étions sans certitude quant au haut et au bas. Nous prîmes une boîte de conserve qui restait dans la chambre et la fîmes rouler dans la cage d'escalier, elle descendrait immanquablement et il nous suffirait alors, pour être sûrs de monter, de nous diriger dans la direction opposée à celle qu'elle indiquerait. La boîte descendit, il nous sembla que le sens de sa chute nous confirmais que nous ne descendions pas avant le repos. Nous renonçâmes à comprendre et montâmes, la boîte de conserve dans un de nos sacs afin de renouveler ultérieurement l'expérience. Nous priâmes quatre fois la boîte de conserve de nous indiquer la direction, elle conforta quatre fois le sens de notre marche. Nous regardâmes régulièrement par les fenêtres, et vîmes le sol toujours plus proche. Nous avions renoncé à comprendre et continuâmes la marche dont nous étions persuadés qu'elle était bel et bien une ascension. Quand nous vîmes le sol quelques mètres plus bas seulement, nous montâmes quelques dizaines de marches encore et arrivâmes à une porte ouverte sur l'extérieur de la cage d'escalier. En l'empruntant, nous nous trouvâmes sur le trottoir d'un carrefour de ville. Elle ne nous était pas familière.