samedi 17 avril 2010

156 : vendredi 16 avril 2010

Sur une table de marbre blanc, le couvert était ocre et rouge sombre - le rouge des carrelages du palais ; assiettes et verres étaient placés dans les coins des sets en boutis posés en biais, et cela dessinait une petite géométrie vaguement esthétique, un peu, juste un peu, surprenante, violemment colorée (mais les dessins des assiettes et du tissu, dissemblables, étaient sobres, un peu étriqués, comme un baroque à la fois avorté et desséché), qui, dans son semblant d'originalité, appliquait toutes les règles des décorateurs en vogue. Marie a surtout pensé, comme sans doute tous les convives, que c'était parfaitement inconfortable. Ils se regardaient ; des petites phrases, en léger bourdonnement, voletaient autour de la table, avec prudence, tâtonnement pour se deviner, se classer, chercher des sujets de conversation entre des hommes au visage lisse, bronzé, costume de lin de couleurs évanescentes ou classiquement blancs, chemises au col ouvert, avec, parfois des foulards qui lui ont rappelé sa jeunesse, et certains nez autoritaires, quelques rides, lui ont fait signe, lui ont donné envie de connaître leurs porteurs, de pénétrer derrière la banalité, parfois la sottise de ce qu'ils disaient – il y avait aussi, lui provenant du bout de la table, de rare incursions du violoncelle d'un complet bleu de ciel mourant, et l'homme, assis un peu en retrait, avait les yeux perdus dans le vague, et puis en face d'elle les très beaux yeux brillants d'un très jeune homme qui lui ont souri, avant de se détourner vers la blonde au beau décolleté et à la moue lasse un peu plus loin, avec la même cajolerie, qui a continué le tour de la table, passant de femme en femme. Une majorité de cheveux souples, blonds ou auburn brillant, d'épaules plus on moins rondes et très nues, quelques casques de cheveux noirs, assortis à des voix profondes, creusées par la vie et les cigarettes, des jeunesses éclatantes, ou reconstituées, quelques ingénues. Un jeune couple, très dru, très frais, campagnard, faisait des allers et retours depuis la maison, apportant des couverts noués en bouquet et de grands plats de crudités décoratives, de petits coquillages, des grands bols de sauces colorées. Elle s'est préparé à s'ennuyer.

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Dans certaines circonstances le recours à la connaissance est une chute dans la faiblesse qu'on aspire à dissimuler par la connaissance dont on se pare comme consistance, celle là même à laquelle il est faiblesse de recourir. C'est un écran de fumée qu'on ne déploie que pour cacher, et qui donc montre en dissimulant, montre qu'il dissimule puisque sa monstration signifie une dissimulation. Le croton coccymelophyllus est une plante du genre croton et de la famille des euphorbiaceae, elle est présente en Nouvelle-Guinée. Sergueï Priakhine est un joueur de hockey sur glace russe né en 1966 qui pratiqua son sport en URSS, au Canada, aux USA, en Suisse, en Finlande, au Japon et en Russie. La première représentation connue d'un étrier dans une tombe de la dynastie chinoise Jin eut lieu en l'année 322 du calendrier Julien. Que brûle-t-on pour obtenir cette fumée dont on fera écran ? C'est une fumée dont on tire perpétuellement les fils inépuisables qui s'entremêlent. Et dès lors, l'écran s'avère être encerclant et spiralant, et si l'on tire abondamment sur les fils de l'écran de fumée de la connaissance on peut obtenir une tornade. Une chute dans la faiblesse qui s'avoue en dépit d'elle-même se révélant alors plus puissante que la force.