mardi 13 avril 2010

152 : lundi 12 avril 2010

Attendre dans la fraîcheur de l'aube, dos à plat sur le drap, yeux filtrant, que naisse lentement le dessin familier des stucs - lumière blanche se glissant par la fenêtre ouverte, s'étendant insensiblement et dégourdissant la pénombre autour d'elle, ricochant sur l'infime relief, suivant les courbes de la rosace, soulignant les petites perles ou fleurs en bouton qui s'en échappe – et avec le jour la douleur s'éveille, s'intensifie jusqu'à mériter son nom, née de la tension, l'espérance de l'heure où on pourra s'accorder les médicaments légers, juste suffisants pour amener détente, montée douce du sommeil pendant que le plafond se dore timidement. Plus tard, dans la touffeur de l'après-midi débutant, attendre que cesse le vacarme du soleil dans la cour, derrière les persiennes, attendre que vienne le désir de l'action. Attendre que la vie passe, et déplorer, vaguement, d'en avoir fait si peu.

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Il s'est avancé comme un somnambule, les bras en avant pendant les pas qu'ils a dû marcher depuis la buvette jusqu'au centre de la piste, les bras en avant comme si des fils de marionnettiste tendus depuis le plafond les lui avait dressés devant lui, des fils qui n'étaient pas davantage là qu'il n'y avait de manipulateur pour s'en saisir à l'autre bout qu'ils n'avaient pas et qui pourtant auraient expliqué pourquoi chacun des mouvements de cet énergumène, comme ceux de ses cinq ou six sosies, semblait mu depuis l'extérieur de son corps, pourquoi son sourire immobile semblait tiré par des élastiques depuis derrière ses oreilles et derrière ses oreilles des élastiques qui auraient maintenu dans la fixité d'un masque le visage qu'il avait pourtant de chair sous son crâne chauve. Il a marché jusqu'au centre de la piste où tout ce que les environs contenait de jeunesse au fond du corps de ses campagnards s'oubliait dans des transports d'exaltation dansante, emportée dans l'incandescence explosive de la survoltée coulée sonore et rock'n roll de l'orchestre du père Théodore. Il est tombé à genoux quand il est arrivé au centre, ses bras toujours tendus, ouverts plus larges que ses épaules et les paumes dressées vers les planètes qui par-delà le ciel au-delà du plafond sous lequel ils étaient tous gravitaient indifférentes sur le fil d'orbes inconnus et autrement centrés, et alors une voix, qui peut-être était celle du mouvement des planètes en leur chute circulairement perpétuelle le long des orbes, parla par sa bouche immobile et traversa le mur du sourire béat et fixe qu'il avait au bout du corps agenouillé et immobile, portant comme branches ses bras dressés et tendus. La voix parla qui ne perça pas la nappe battante du rock'n roll et que les danseurs d'abord n'entendirent pas, pas avant que l'incident d'une inconnue marionnette non animée de fils et qui par la taille et la chair était image d'homme, et homme elle-même peut-être, pas tant que cette créature agenouillée jusqu'au plein milieu d'eux ne les arrêtât dans leur danse et afin qu'ils la considérassent à la hauteur de l'anomalie qu'elle était à leur côté, puis qu'à la façon d'une flaque d'huile l'immobilité subite de ces quelques uns fût transmise à leurs voisins jusqu'à ce que tous se soient arrêtés et qu'enfin devant une assistance intégralement et inopinément plantée les deux pieds au sol comme s'il s'agissait de racines en terre l'orchestre laissât choir la musique comme d'entre ses mains l'on fait tomber au sol un objet. Alors la voix déclama seule pour le silence qu'ils firent tous.