[open space] Partir. Je veux partir d’ici. Laissez-moi sortir de cet open-space qui n’a d’ouvert que le nom faussement expansif joyeux de son anglicisme. Ici, c’est fermé, clos, barré, bouché, muré. Ce n’est qu’une geôle moderne sous couvert d’espaces modulables où s’oppressent les esprits, se pressent les pensées, s’échaudent les neurones et finissent par s’écarter du monde réel les moindres civilités naturelles. On ne se salue plus, on se lorgne, s’épie, se suspecte, nous les sujets forçats de sa majesté rentabilité avec, en guise de boulets aux chevilles, des tables disposées en gerberas et des micro-casques greffés sur le lobe de l'oreille. Plus aucune courtoisie. Plus personne n’en veut. Les lieux ne sont pas opportuns. On vient ici par force, nullement pour se faire des amis. Même les termes collègues ou camarades ne sont plus employés. On se dénie, s’évite. Il n’y a guère que le sourire contraint de dix-sept heures qui peut encore témoigner d’une convenue aptitude à se respecter. C’est vide de sens, c’est plein de faux-semblants. On se rend ici pour mieux en repartir et ainsi se sentir vivre à nouveau. Qu’importe, je veux bien être asocial, ermite dans son antre, hyper atrophié de la relation humaine ou misanthrope de circonstance si je peux un jour m’extraire de cette promiscuité malsaine. Je veux partir d’ici. Laissez-moi sortir ou plutôt rentrer. Rentrer chez moi dans ma tanière retrouver quelques synapses cognitives.
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La dentelle que posait sur le crépi bruni du mur les rameaux morts s'épanouissant en réseau de traits fermes, souples, d'un brun presque noir, était si belle dans la lumière conquérante de cette annonce de printemps – elle se jouait de la grande ombre triangulaire projetée par la bâtisse derrière Julien, découpée comme schéma pour un franc coup de cutter, se glissant avec toujours autant d'évidence doucement autoritaire autour des fenêtres obscurcies, sur la paroi assombrie, dans l'absence de vie, pour ressortir plus délicate encore sur le mur illuminé, résille savante, omniprésente, délicate – et Julien devant le charme de cette ascèse en venait à souhaiter freiner l'arrivée de l'opulence qui s'annonçait, de l'envahissement progressif par les grasses feuilles d'un vert brillant, vernissé qui, peu à peu, nieraient le mur, le dissimuleraient derrière un indécis manteau bruissant doucement dans l'air de l'été.
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Trois idées claires ressortent de notre dernière Assemblée Générale. Il en découle que les statuts de notre association devraient être modifiés. Une réunion aura bientôt lieu pour déterminer si nous allons effectivement procéder à ces modifications, ce qui impliqueraient d'entreprendre, ayons bien ceci à l'esprit, de fastidieuses séances de rédaction et donnerait lieu à une toujours délicate Assemblée Générale extraordinaire. Trois idées claires, disais-je, trois idées fortes ressortent donc de notre dernière Assemblée Générale. La première, et c'est celle-ci qui plus que toute autre pourrait faire préférer aux plus scrupuleusement sensibles à la rectitude juridique d'entre nous quelques ajustements en termes administratifs, la première est qu'il est désormais absurde de toujours espérer que nous puissions collectivement commettre de nouvelles expositions. Ce qui n'est pas, j'en conviens, pour une association dont l'objectif, y compris légal, est de fournir un cadre administratif à nos expositions en tant que collectif de plasticiens, un constat anodin. D'aucuns se demanderaient ce qu'il reste, ce qui justifie encore l'existence de l'association, une fois qu'on a déclaré ceci. La réponse est très simple, et tout à fait imparable, sonnante et trébuchante, ce qu'il reste c'est quatre-cents euros. Le compte en banque de l'association est créditeur de quatre-cents euros, mes amis. De ce que nous pourrions faire de cette somme, l'Assemblée Générale n'a proposé qu'une seule idée dotée de clarté, et c'est la seconde des trois idées dont je vous ai annoncé l'existence, une idée également pourvue du mérite d'être très rapidement applicable, une idée à laquelle je suis pour ma part tout à fait favorable mais je ne souhaite surtout pas vous influencer à son sujet. Cette idée selon moi excellente est de miser l'intégralité de cette somme sur un cheval de course. Les choix de l'hippodrome, de la course et du cheval seraient conjointement effectués par le président, moi-même le trésorier et le secrétaire de l'association, élus par vous tous, de telle sorte que l'opération serait conforme aux usages de démocratie et de représentativité qui sont les nôtres. Enfin, la troisième idée clairement émise pendant l'Assemblée Générale, la troisième de toutes celles qui furent produites dont la clarté s'est distinguée par son caractère clair, la troisième idée forte dont j'ai à vous faire part est la suivante : nous avions eu l'occasion il y a quelques années de nous adonner à quelques belles parties de pêche en rivière avec pique-nique, le tout, depuis les sandwichs jambon-beurre jusqu'aux hameçons en passant entre autres par les fils nylon et les bouteilles de vin avait été financé par les deniers personnels de chacun des participants ; alors qu'il a été suggéré que nous reconduisions ce type de réunion bucoliques, récréatives et conviviales, un consensus s'est formé quant à l'intérêt supérieur représenté par la chasse, supérieur à celui dont relève la pêche s'entend. D'où la proposition suivante : chasser plutôt que pêcher. Et donc pourquoi pas chasser plutôt que faire des expositions, si jamais nous optons pour une modification effective et validée en préfecture des statuts de notre association. Nous deviendrions ainsi officiellement une association de chasseurs plutôt qu'une associations de plasticiens, et je ne vois personnellement aucune bonne raison de m'y opposer, et j'ajoute d'ailleurs que les points communs entre ces deux activités ne manquent pas, loin de là. Et puisque ces trois idées fortes sont reliées, ce qui est tout à leur honneur et un bel atout à leur crédit, il va de soi que les gains engendrés par le pari hippique serviraient à l'acquisition de fusils, cartouches, gibecières et autres accessoires indispensables à tout bon chasseur, ainsi qu'à la couverture des frais administratifs associés à l'obtention des permis de chasse.
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Le Type au fond du couloir (2/6) On trouvait là de quoi fumer bien sûr, et les conversations étaient constamment interrompues par le va-et-vient des acheteurs du jour, mais on venait aussi pour bavasser de choses et d'autres ou emprunter des livres que notre voisin possédait aussi en grande quantité. La décoration de sa chambre était plus que sobre. Le mobilier se limitait au lit, à la chaise et au bureau fournis par la résidence. Les murs étaient marqués de taches jaunes mais demeuraient parfaitement nus. D'ailleurs, dans ce lieu tout monacal, l'ensemble de ce qui constituait les traces du quotidien se trouvait au sol. Parmi la somme impressionnante de livres, de toutes sortes et sur tous les sujets, disposés en pile ou sur la tranche, trônait une éternelle casserole de coquillettes au jambon, une trousse de toilette, beaucoup de cendriers, quelques papiers en vrac et du matériel à dessin. L'historien semblait avoir lu tout ce qui jonchait le linoléum de sa tanière, et bien d'autres choses encore. Si bien qu'il était capable de faire une présentation sommaire, sans passion mais circonstanciée, de chacun de ses ouvrages avant d'en conseiller la lecture aux visiteurs. Selon lui, il n'avait fait que cela pendant trois ans. Lire, du matin au soir, durant trois bonnes années. Puis, mystérieux, il laissait échapper qu'il avait décidé d'arrêter, pour de bon.