mardi 2 mars 2010

110 : lundi 1er mars 2010

Oui, c'était bien ainsi qu'on pouvait faire brûler une maison de bois, très simplement avec de l'essence dispersée et un torchon enflammé pour faire partir le brasier. La nuit dans son dos s'était allumée d'un halo orange qui aurait fait disparaître les étoiles au-dessus de sa tête s'il lui avait pris d'alors chercher à les voir. Son souffle était trop raccourci par l'effroi pour que sa course effrénée puisse le lui faire perdre, il exécutait précipité le plan qu'il avait élaboré et suffisamment répété dans son esprit pour que la panique ne l'empêche pas de savoir qu'il devait aller à sa voiture et vider les lieux, être déjà loin lorsque quiconque viendrai ici combattre le feu ou chercher des traces dans les cendres. Les quelques secondes pendant lesquelles, encore léché par la fournaise crépitante, son corps tout entier tremblant luttait pour parvenir à démarrer la voiture lui semblèrent être un avant-goût de la perpétuité qui était depuis un instant devenue son dû. Il parvint à partir et retint sa vitesse jusqu'à l'autoroute, car il s'était prescrit une vitesse ordinaire, une allure innocente tant qu'il était dans les environs. Sa panique était laborieusement jugulée par la vitesse contrainte du véhicule, et ce n'est qu'une fois sur l'autoroute qu'il trouva un peu de soulagement en poussant autant qu'elle pouvait l'être sa voiture. Alors il ne penserait plus vraiment, il serait noyé dans un peur indistincte qui ne retrouverait sa netteté que lorsqu'il reprendrait la conscience de sa situation et la certitude de la réalité de l'acte qu'il venait de commettre, lorsqu'après que ses pensées vagabonderont vers des idées quelconques, il retombera comme une masse sur les faits eux-mêmes, l'assassinat multiple par incendie qu'il venait de tenter, la très forte probabilité de son succès, l'assassin qu'il était irréversiblement devenu en conséquence. Toute une vie à avoir peur de l'irréversible, à retenir ses actes et ses décisions pour basculer après longue préméditation dans pire que ce que font les plus déterminés et les plus inconséquents. Dans ces moments où lui reviendrait en pleine figure la réalité factuelle que son esprit avait furtivement écarté, il croirait avoir cette fois réellement tout perdu, tout sauf ce qui lui restait encore à perdre, ce qu'il avait encore peur de perdre même s'il estimait n'avoir plus rien. Plus rien sauf la peur comme poids de sa vie.