Elles n'ont pas saigné lorsqu'elles ont été abattues, lorsque chacune d'elle a été traversée par une cartouche et s'est étalée dans la neige. Elles n'ont pas saigné car elles n'avaient pas de chair mais une âme sans corps, une âme ancestrale et première qui était de l'air en mouvement, retenue par un tissu noir pour lui donner forme et visibilité, et qui était le corps. Ces trois corps noirs qui faisaient trois silhouettes que je suivais, ce ne sont plus que trois morceaux troués de tissu étalés dans la neige sous la neige qui tombe ininterrompue. La forêt de sapins dans laquelle nous allions entrer me fournit un abri, comme elle en avait donné un aux chasseurs qui nous attendaient pour tuer sous mes yeux les trois silhouettes noires. Je n'avais pas à craindre les chasseurs, s'ils avaient voulu me tuer, ils l'auraient déjà fait et sans la moindre difficulté. Je pouvais attendre et réfléchir quelques heures à l'abri de la forêt, peut-être y passer la nuit glaciale moins froide qu'ailleurs, mais il me faudrait bien trouver un chemin pour sortir de là où mes défunts guides m'ont mené, que ce soit en revenant à mon point de départ ou en me rendant seul à destination.