C'est un jour étrange, comme un premier vendredi du mois, où vaseux, je tente vainement de communiquer avec des individus virtuels, emportés dans un convoi fragmenté. C'est un jour où l'on se dit, eh oui, les gars, déjà 807, comme un aboutissement. Mais aussi un jour où je me sens comme en marge, paumé, même Léon, Johny, Lou, Jean-Rémy, Cornaline, Suzie et les autres n'arrivent pas à me prouver que j'existe, devenu personnage numérique d’une littérature immatérielle. Mêmement, il m'est impossible de prouver que je n'existe pas. Serait-ce cela l'autofiction ? Ou serait-ce cette suite de mots incontrôlés, d'onomatopées inintelligibles qui auraient cependant un sens, une sorte de glossolalie, une litanie de maux récitée chaque jour ? Perdu dans ces pensées douloureuses, je décide de changer de côté, de remonter la couette, et de redormir jusqu’à demain, comme je le fais depuis un an, et ma dernière pensée avant de sombrer dans le sommeil sera d’imaginer quel jour sera le 808e.
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Elle fait toujours très attention au début. L'idée qu'une régularité dans le clapotis de l'eau puisse trahir ses explorations la gêne. Après tout son compagnon est dans la pièce à côté. Bière à la main, il regarde le foot, concentré sur le jeu et sourd au reste. Elle reste néanmoins discrète sur ce rendez-vous avec elle-même qu'elle s'autorise, en douceur puis ensuite elle ne sait plus, lorsqu’elle exhale un soupir rassasié elle réalise qu'elle a lâché de sa réserve et oublié le monde. Un but entouré de cris de triomphe la rassure et elle ferme les yeux le temps d'un sourire.