Les Voisins poussent sur des carrés de pelouse jaune et flétrie des petits chiens têtus qui tirent sur leurs laisses. Les Voisins pleurent derrière leurs volets fermés - je les entends qui reniflent et lancent des bruits de soufflets. Les Voisins explosent de bonheur quand il fait soleil, se renfrognent quand il pleut. Les Voisins viennent au monde, immondes, baveux, roses comme des berlingots. C’est les chéris à leur maman. Ils finissent tout oublieux d’eux-mêmes et du reste, dans un pyjama à carreaux. Parfois, ils arrosent des fleurs en plastique jaune avec un rire idiot et on les laisse faire, quand ils ne tombent pas d’un seul coup du ciel comme des paquets de neige en plomb. Entre temps, les Voisins font des tas de choses. Je me dis souvent qu’il faudrait que je parle aux Voisins.
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À l’image du grand horloger, Léon préférait celle d’un pitoyable marionnettiste.
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Du télégramme, la vieille décédée ce jour, ne rien tirer, ça ne veut rien dire, c’était peut-être hier. La peine d’avoir un ami postier. Voilà comment les mondes : on est complètement indisponible et impuissant et des choses arrivent. La Vieille, la sorcière, disparue ? Cannée ? A n’y pas croire. Il faut trouver comment contacter Picris, ou Excofier, ou quelqu’un. Il faut trouver un téléphone public, ce qui, fait, nécessite encore une carte, que farigouleBASTARD n’a jamais tenue entre ses doigts. Le tout en place, celui-ci appelle d’abord à l’auberge, c’est le plus sûr pour la plupart. Une voix gréseuse lui répond que Picris n’est pas loin, que les gamins vont le chercher, et qu’il attende. Des gamins ! Un fada de quarante-cinq ans et son frère trente-neuf qui boivent des bières à l’œil chez leurs parents et aident un peu aux menus travaux, et braconnent en patientant un héritage plus que soupçonneux. Picris arrive, visiblement hors de souffle, et répète Affreux, affreux ! mais farigouleBASTARD veut des faits, et voilà toute l’histoire qui fera un entrefilet dans le Daubé et la Provence : LA POLICE DE SISTERON VIENT PRETER MAIN FORTE A LA GENDARMERIE DE MONTBRUN-LES-BAINS DANS LE CADRE DE L'AFFAIRE DU MEURTRE D'IZON ET MONTAUBAN. LA VICTIME, UNE RETRAITEE DE 71 ANS, ETAIT CONNU COMME "LA VIEILLE" DANS LE PAYS. AUCUNE TRACE DE SUSPECT MAIS LA PISTE DU CRIME PASSIONNEL SEMBLE PRIVILEGIEE PAR LES ENQUÊTEURS. L'ENQUÊTE SUIT SON COURS Affreux ! Affreux ! farigouleBASTARD demande des nouvelles de Celle, et sent le roussis, mais Picris lui répond ce qu’il ne veut entendre. Introuvable, invisible, personne ne l’a revue depuis ton départ, il y a dix jours. Abattue en plein jour, Fari, affreux ! Sur la Tuègne ! Affreux. Après essorage des sentiments, Picris demande ce qu’il fait, comment il va, mais farigouleBASTARD se mutine, et décide de raccrocher. A présent tout ce qui peut arriver sera à son crédit, il va devoir affronter ce qu’il avait à peine commencé d’entrevoir et qui déjà est terminé, fini. Doublement. Pour toute personne le connaissant, la grande façade qu’il arbore au visage est le signe d’un tremblement d’incendie dedans et mieux vaut ne pas croiser. Enfermé dans sa chambre avec le premier vin trouvé — l’avantage des villes — il jouera debout, dans son théâtre de solitude, avec des fantômes de chair et d’os et des morceaux éventés de vie entre les dents, et il mordra, farigouleBASTARD, il mordra non plus seulement ses vêtements achetés neufs et neufs cousus pour le voyage, non plus sa main et ses doigts qui en saignent, mais tout ce qui d’une histoire ne s’apparie à aucun mythe, qui est le rythme même de l’intime, le battement des cœurs, le va-et-vient des ventres, cela il le ressasse il le mâchonne il le déglutit à n’en plus pouvoir et ses nuits sont écarlates et ses jours sont des nuits. Il n’a plus rien à faire ici, tout ceci est une farce, lui-même doute de lui-même et que ferait-il autrement ? Mais la vie est précieuse parce que justement il n’y a pas d’autrement, ce n’est pas comme le métropolitain ici, on ne change pas de voie à volonté et on ne peut pas descendre en route. Les dernières minutes sont glorieuses, chemise ouverte, torse devant, il crie dans son capiton comme un hère qu’on aurait enterré vivant.
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Dans les narines, l’air ne rentre plus. Même en se raclant précautionneusement des sinus, pas un gramme d’air ne traverse le nez. Les cotes ne frémissent pas d’un iota. Une tombe. La gorge se mure dans une immobilité marbrée. La mâchoire se décroche laissant les lèvres desséchées entrouvertes. La langue s’alourdit progressivement. De la pierre. Le rosé de la peau du visage et des mains reflue, une mer de vie se retirant d’une plage caillouteuse. Moite est la blancheur opalescente qui s’étend à la surface du corps. Des gouttelettes de sueur s’égrènent. Hoquetante, la deuxième inspiration et toujours pas d’air. Les paupières s’écarquillent un peu plus les pupilles des points d’aiguille. Corps iceberg où ne résonne que le chaos du cœur. Les pulsations intérieures se démantèlent en crescendo. C’est effrité dedans. Quelque chose d’indicible t’a emmuré. Le sang se concentre autour du cœur et du foie. Troisième essai pour inhaler de l’oxygène, ne serait-ce qu’un mince filet, une brise essoufflée se déroule des sinus au plexus. Halètement. La cage thoracique se soulève enfin, les cotes frémissent. Réanimation. Et quand la langue se colle au palais dans un clic minuscule, désormais le déglutissement est possible. Libération. Tu oscilles en arrière. Tu hausses des épaules dans un mouvement décontracté. Déferle subitement la sensation que tu viens d’y échapper, cette fois, tu viens d’y échapper. C’est passé tout près. Tes poils se hérissent. Sanglots retenus. Soupirs silencieux. Sidération effacée. Tu y tiens. Fondamentalement. Finalement. Irréductiblement. Plus que tout, tu y tiens et tu tiens.
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Tamel pensait que, pendant qu'il fermait les yeux, un peu du monde qu'il habitait s'en allait par des chemins secrets visiter d'autres gens.
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Agnès se laisse emporter dans l'ivresse du vent, ses cheveux virevoltants au grès de la brise. Elle oublie la lourdeur des jours passés, les craintes qui la retenaient et l'empêchaient d'avancer.