mardi 15 novembre 2011

718 : lundi 14 novembre 2011

Une barrière à mon rêve. Un cercle de planches qui m'entoure - j'ai buté sur le mot planches qui ne convient pas. Je reste, un moment, bataillant avec des mots en tourbillon fugitif sans trouver ce qui pourrait désigner cela - je pense latte mais cela se masque sous les traits blancs de mon plafond, je dis pal mais ce n'est pas ça - c'est haut, c'est rectangulaire, c'est cannelé comme un pilastre très ouvragé, cela semble être du bois, mais ma main ne me transmet pas de sensation, c'est doré, mais d'une dorure très ancienne, brunie qui pourtant brillent, doucement, comme d'un souvenir de lueur. Et dans les intervalles entre ces planches, lattes ou pals, il y a des vases qui flottent, au niveau de mon buste, dans un vide noir. De drôles de vases, en gouttes d'eau, en balustres, en flûtes, du moins ils ont dû avoir ces formes, mais leurs flancs, précieux comme du marbre, ou des pierres, comme une marqueterie florentine, se déforment sans arrêt, se tendent, se gonflent en joue malade, se rétractent, pendant que les trois fleurs métalliques plantées dans leurs cols restent immuable. J'essaie de passer une main vers le plus beau, celui qui est devant moi, pour l'entourer, le stabiliser, mais elle ne rencontre que du vide.

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Un jour le village des Hules fut suffisamment près de la mer pour qu’on puisse l’apercevoir depuis les fenêtres des maisons les plus hautes. Tous eurent alors le désir d’aller à sa rencontre. Si la tradition évoquait bien ce lac immense dont on ne peut voir le visage en son entier, aucun d'entre eux n’était suffisamment âgé pour avoir vécu un tel événement. Le précédent passage du village à proximité des lèvres de l’eau salée datait de plus de trois vies d’ancêtre et les quelques images peintes – d’anciennes reliques – où l’on pouvait deviner l’étendue liquide adossée à l’horizon, ne signifiait plus grand chose depuis bien longtemps.

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Je n'aurai jamais eu l'idée d'embaucher Marguaret si mon cousin ne me l'avait recommandée. Elle servait des tables à l'occasion dans son "arrière cuisine" qui servait de tripot improvisé à la racaille du coin, et elle savait tenir les plus aventureux à distance tout en allégeant de temps à autre leurs portefeuilles. Quoique fine et plutôt petite, elle n'avait pas son pareil pour lancer un arrière droit là où il fallait si la nécessité se présentait. J'avais besoin d'être épaulée par une partenaire qui saurait tirer son épingle du jeu sans attirer les soupçons et mon pari fût réussi. Personne, dans les casinos que nous dévalisâmes, ne songea à nous lorsque l'étendue de nos méfaits fut découverte. Filles de mafieux, nous savions qu'on ne s'improvisait pas malfrat, mais qu'avec un peu d'astuce et beaucoup de bon sens nous pourrions aller loin. C'est pourquoi je fus désolée le jour où je du me résoudre à lui faire porter le chapeau pour sauver ma peau. J’espérais alors sincèrement qu'elle ne s'en tirerait pas afin de m'épargner sa vengeance, et que je trouverais une autre comparse aussi douée qu'elle. Ce soir-là, alors que j'étais à deux doigts de basculer du balcon du sixième étage, je dus convenir qu'aucun de mes souhaits ne s'était réalisé.