mardi 21 juin 2011

584 : lundi 20 juin 2011

Ai-je fait ce rêve d'un vieil asile, où nous étions nombreux, pièces nues derrière des arches – nos pauvretés parées par ce noble bâtiment, son austérité rythmée. Et nous y entretissions nos désaccords, notre solidarité, notre dénuement, rendus plus aigus, peut-être, par cette semi liberté en si rude esthétique. Nous en pervertissions l'ordonnance par des débordements de tissus et ustensiles, et profitions des fins d'après-midi, quand le soleil perdait de sa virulence, pour errer, converser à mots lents, en regardant les enfants en tornade, dans la poussière de la grande cour, autour du vieux platane boursouflé de cicatrices, sous les appels et musiques qui s'échappaient des cellules ou des galeries et s'abattaient sur nous. Derrière la grille la ville s'activait, aussi crainte que proche.


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C’était, finalement, pouvoir déjeuner avec cet ancien collègue, dans un quartier à mi-chemin, inconnu des deux, dans un restaurant au hasard, au menu appétissant, aux plats décevants, surtout le dessert. Prolonger la conversation par un café (trop fort), discuter du temps partagé ensemble, de qui est devenu quoi, de qui a des nouvelles d’Untel, des différences et particularités de cette boîte comparativement aux autres connues depuis ; se dire au-revoir sur la promesse d’un déj prochain.


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Sophie laisse le sommeil l'envahir de son insensibilité bienheureuse.


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Rencontre II Plusieurs jours avaient passé depuis la visite des deux frères. Aude s’était reposée et avait entrepris un grand tri dans les affaires de sa grand-mère. C’était long, mais elle prenait son temps. Les vêtements, d’abord, qu’elle devait donner. Chacun était sous housse et elle les sortait un par un, revivant des scènes de vie : la longue robe sombre qu’elle portait si souvent, qui était, disait-elle, sa seconde peau. C’est vrai qu’elle lui allait bien, elle accentuait sa minceur et mettait en valeur ses yeux ! Et puis cette grosse veste en lainage qu’elle ne quittait plus, contre laquelle elle avait si souvent enfoui son visage. Oui, elle exhalait encore son parfum ! C’était troublant, il lui semblait parfois voir sa grand-mère se glisser dedans… Aude connaissait cette garde-robe. Elle réalisa tout à coup combien cette femme était économe. A part deux jolies robes fleuries qui lui étaient inconnues, tout était là, sous housse et bien propre, et chaque vêtement parlait à son cœur. Elle s’attaqua au linge de maison, parfaitement plié et repassé, embaumant la lavande conservée dans de petits sachets fleuris, qu’elle avait aidé à confectionner. Puis, un peu remuée et lasse, elle ferma la pièce et descendit dans le jardin. Sur la première marche, une enveloppe était posée, sous une grosse pierre. Elle regarda attentivement l’écriture longue et fine, mit l’enveloppe dans sa poche puis s’avança dans les allées. Le gros arbre au tronc creux était toujours là, de même que la branche en forme de balançoire ! C’est là qu’elle venait se réfugier l’été, qu’elle cachait ses trésors, c’est là aussi, beaucoup plus tard, qu’elle avait commencé à écrire…Toute une partie de sa vie défilait, les meilleurs moments, les plus heureux ! Les yeux fermés, elle se laissa envahir par les souvenirs. Dans sa tête, résonnait encore la voix ferme et un tantinet inquiète de sa grand-mère : « Aude, où es-tu ? Il faut rentrer maintenant ! » Plus jamais elle ne lui sourirait ! Elle soupira, fit demi-tour et alla s’asseoir sur la passerelle. Un mince filet d’eau serpentait parmi les herbes folles. Elle se souvint alors de l’enveloppe et l’ouvrit. C’était un message très simple : Si le cœur vous en dit, passez nous voir, nous sommes sur le vieux chemin de l’étang, la maison blanche entourée de lilas. A très bientôt, Mathieu. Elle replia la missive et entra dans la maison. Elle était touchée mais sa nature sauvage lui soufflait de ne pas répondre. Décidément, elle ne changerait donc jamais ! Ce besoin de s’isoler qui la taraudait indéfiniment ne l’avait pourtant pas aidée. Elle se rua dans le petit bureau, les larmes aux yeux et s’enferma pour écrire. Entourée de livres, de photos, de quelques tableaux dont elle connaissait les moindres détails, elle se sentait protégée. Le fauteuil à bascule était vide mais le châle en soie bleu l’attira. Elle frissonna et le mit sur ses épaules. Puis il n’y eut plus rien d’autre que sa main qui traçait les mots sur les pages blanches.


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Farigoule Bastard s'est rendu à la capitale, invité au vernissage d'une rétrospective sur son œuvre. A vrai dire, Il ne savait pas exactement en quoi consistait son œuvre. C'est ainsi que, curieux et en sandales, car chez lui les siroccos assèchent les rivières | la chaleur décérèbre les murs, le voilà qui débarque à Paris, arpente les quartiers mornes et riches du bord de Seine, et se met en quête d'un lieu où passer la nuit. Il a froid aux pieds.