vendredi 10 juin 2011

573 : jeudi 9 juin 2011

Non, jamais Léon n’a joué ou ne jouera de bandonéon.


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C’était les travaux, dans la rue, le bruit, toute la journée, la tête cassée, pas moyen de réfléchir, de se concentrer, alors les pauses, les pauses, et toujours quelqu’un au regard buté pour nous lancer, épaules haussées, le regard de celui qui reste malgré le bruit, qui « taffe », de ce mot comme l’aspiration d’une cigarette qui vient froisser nos poumons, là le corps courbé sur le clavier, disponible et serviable, consciencieux.


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Avec Marthe nous avons fini de dresser les tables de la terrasse et nous sommes retournés au restaurant. Elle a jeté un dernier coup d'oeil derrière elle, s'est figée, et m'a pris le bras, me forçant à regarder la place. J'ai juré. Tout au fond, après la belle harmonie dessinée par nos tables et celles des deux restaurants voisins, un groupe, des touristes sans doute, de tous âges, en shorts de toutes tailles, s'était arrêté. Ils se sont décapelés de leurs sacs-à-dos-montagnes, les ont posés en repoussant légèrement les derniers fauteuils, se sont assis sur le trottoir, en rang, comme une petite haie. Une femme circulait, distribuant canettes et sandwichs qu'elle tirait d'un grand sac de Carrefour. Je me suis avancé, et j'ai commencé à leur expliquer qu'ils ne pouvaient rester là, que des bancs sous un arbre les attendaient à l'extérieur des remparts (je doutais un peu qu'ils soient libres, à vrai dire). Ils m'ont ignoré, sauf la femme qui m'a remercié avec un grand sourire, ou du moins je le pense, puisqu'elle parlait une langue que je n'ai pas reconnue. J'ai dû m'agiter un peu parce qu'ils m'ont regardé, en hochant la tête, très aimablement. À ce moment, Marthe s'est abattue en tornade sur leur dos, les poussant, criant, gesticulant. Ils se sont levés, sans trop de grommellements et sont partis. Les premiers clients arrivaient.


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Les verres tintent. Un rire cristallin résonne. Sandrine se penche en avant l'air conspiratrice tandis que sa voix grave se projette jusqu'à son voisin d'en face. A côté, son stagiaire Mattéo est troublé alors que son regard plonge pour la première fois dans le décolleté en dentelle d'une femme plus âgée que lui et tout autant troublante.