jeudi 16 juin 2011

579 : mercredi 15 juin 2011

C’était préférer ne pas.

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Elle ne sait plus. Combien de verres, combien de cigarettes, combien d'hommes. Elle danse sous une tente, il y a eu un mariage tout à l'heure qu'elle ne peut oublier, bien sûr, puisqu'elle y était et puisque les mariés dansent à côté d'elle. Elle tourbillonne dans des bulles de champagnes, il lui en faut encore, un peu plus, jusqu'à s'oublier, ne plus sentir, ressentir, souffrir, ne pas réaliser ce train qu'elle n'a pas pris et cet homme qu'elle aime, qui a ce pouvoir sur elle et qui en a épousé une autre aujourd'hui.


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Elle se glisse dans la peau d’une autre. Elle parle à tort et à travers, éclate de rire à tout bout de champ, grignote sans arrêt, prend des poses, boit beaucoup trop, lance des œillades au premier venu. Ceux qui la connaissent ne sont pas dupes et se demandent quelle mouche l’a piquée. Mais elle ne se démonte pas. Elle ne pense plus, elle va s’étourdir, s’oublier. Ce soir, elle joue, c’est tout ! Elle réclame de la musique et se met à danser pieds nus, seule au milieu de tous. On l’encourage, on l’applaudit, elle rit à perdre haleine, ses cheveux dénoués, prête à tout. Elle ne sent pas les mains qui l’attrapent, ne voient pas les visages inquiets de ses amis. Lorsqu’elle s’effondre à même le sol, elle les repousse et reste là, trempée de sueur, la respiration haletante, totalement ivre, un sourire idiot aux lèvres. C’est fini ! Elle le sait ! Elle a juste conscience du carrelage froid. Puis elle se relève, ramasse ses sandales, prend son sac, les regarde tous un par un et n’en reconnaît aucun. Le mal dont elle souffre ne les regarde pas ! Sur la pointe des pieds, elle se dirige à reculons vers la porte et s’enfuit. Elle veut aller jusqu’à la mer. Son corps ne répond pas mais elle le fait plier. Elle traverse sans regarder, ignorant les klaxons, marche au milieu des rues. C’est fini ! se répète-t-elle. Elle parvient enfin à la plage, se déshabille et s’allonge nue sur le sable, au bord de l’eau. Les vagues la lèchent, cela lui fait du bien. Le sable est doux et encore chaud. Le temps s’écoule lentement, ses yeux se perdent dans le ciel. Petit à petit, elle se récupère. L’autre s’est noyée : tant mieux ! Elle enfile sa robe, attache ses sandales, attrape son sac d’où elle sort une longue enveloppe brune. Maintenant, elle peut la lire. Elle repère un café, s’assied à la terrasse et méthodiquement, mot à mot, ligne par ligne, page par page, elle découvre ce qu’il lui a écrit. Elle voit ses mains tracer chaque mot. Elle entend son souffle. Elle devine son air tourmenté, ses lèvres qu’il mord sans cesse, ses pieds qui s’agitent sous la table… C’est fini ! Le café ferme, elle s’en va, serrant contre sa poitrine ce qu’elle avait de plus précieux. A la gare, elle récupère son sac de voyage et monte dans le train. C’était son premier concert, elle n’y sera pas. C’est mieux ainsi ! Elle n’a plus rien. Le train s’enfonce dans la nuit qui masque ses larmes. Elle serre l’enveloppe de toutes ses forces. C’est fini !