vendredi 19 novembre 2010

371 : jeudi 18 novembre 2010

Ce serait aux confins de la ville. Ce serait, devant tes fenêtres, un espace défait. Tu apprendrais à l'aimer, à décider de l'aimer, à te permettre de l'aimer, malgré son ingratitude, sa banalité morne, selon les critères que tu croirais être tiens, que tu aurais appris inconsciemment, qui auraient flottés dans l'air qui t'avait nourrie, fait grandir, faite, que tu croirait avoir décidés. Et tu chercherais des mots pour te justifier : évidents : l'espace, la lumière, l'absence de vis-à-vis, les rares passants - un peu plus creusés : la géométrie, ce symbole de maison se détachant sur le grand rectangle noir, et puis, pour la touche d'irrégularité nécessaire, pour caler cette image que tu affronterai jour après jour, l'ouverture vague sur la droite, ce coin d'immeuble, le chemin qui menait on ne savait où – et tu n'avais jamais trouvé l'issue, buttant sur d'autres immeubles, des murs. Mais en réalité, d'emblée, tu l'avais aimée cette non-vue, peut être pas aimée mais faite tienne, et la regardant sans la voir, comme on met sans y penser un vieux chandail pour entreprendre un travail familier, en apparence ingrat, structurant, tu pouvais laisser ta pensée ou ton imagination prendre leur envol, ou se déployer lentement, buter, revenir, être.

----------------------


C’était passer la matinée à trier un nombre anormalement élevé d’emails, en lire quelques uns, répondre à encore moins, en mettre beaucoup de côté puis, le midi, manger trop lourd, un couscous et, les heures de l’après-midi qui suivaient, grasses, buter sur ces lignes de code qui paraissaient pourtant évidentes il y a seulement quelques jours.


----------------------


Il fut à peine visible dans la nuit qui tombait, lui qui était comme une ombre toujours, et qui par les jours obscurs rasait les murs et n’était à la nuit qu’une autre nuance du sombre. C’est parce que je regardais dans cette direction, songeur, flânant d’une pensée instable à une autre moins stable encore, d’une idée infime à une même pas idée fugace - c’est tourné vers la rue tandis que je m’abandonnais à la rêverie qui, bien que toujours changeante et en cela comme sautillante, était entièrement baignée de lenteur -, que je pus percevoir un minuscule mouvement d’empreinte de ténèbres par lequel je reconnus son passage. J’oubliai de faire un vœu.


----------------------


Une norme comptable est, sous couvert de donner une représentation fidèle et précise de l’activité économique, une réduction dramatique de la vie à quelques chiffres et autres décimales, une image asséchée de la réalité du mouvement et des sentiments, une vue sans ambition des possibilités ouvertes à l’enthousiasme de chacun, une sorte de limitation des possibles dans un cadre strict d’amortissements et de provisions, d’autant qu’elle se garde bien, en tant que norme fondée sur le sacro-saint principe de prudence, de révéler les potentiels et les aspirations, et se contente de constater le passé, ce qui est arrivé et non pas ce qui pourrait être, l’avenir vers lequel on se porte, parvenant ainsi à supprimer toute idée d’un futur possible, d’un lendemain, qui chante ou qui grince, l’alternative n’est même pas envisagée, aboutissant, au final, à une hypothèse suicidaire de fin du monde imminente.