vendredi 5 novembre 2010

358 : jeudi 4 novembre 2010

Portrait Assis sur un rocher, les pieds dans l’eau, il laisse aller ses pensées. Cette vie, sa vie, il serait tenté de la déverser dans les flots. Il aime ce moment où il prend le temps, du temps pour lui, à ne rien faire d’autre que laisser aller son regard au gré des vagues. Le jour décline, le tumulte s’apaise. Enfin ! C’est toujours comme ça : il marche longtemps, seul, puis son pas ralentit, il cherche un rocher et s’assoit. Il pense qu’il devrait être heureux, rien ne le presse. Au début, il se sent bien, les petits tracas quotidiens s’effacent, la douceur du soir l’attrape. Comme si son corps, tout à coup, se détendait, se détachait. Et puis, sournoisement, ça le reprend. Une immense lassitude, un terrible besoin de prendre sa tête dans ses mains et de la balancer devant lui jusqu’à ce qu’elle roule et s’abîme dans les vagues. Il ne sait plus, il ne sait rien, il ne veut plus, il n’en peut plus. La nuit tombe doucement, et avec elle cette curieuse sensation de dégoût de soi. Il se sent devenir opaque, ses pieds ont froid, il est incapable de bouger. Alors il reste là, jusqu’à ce que le rocher le morde. C’est chaque fois la même chose. Il a du mal à déplier son corps, à se lever, à se rassembler. Puis il reprend sa marche, se concentre sur sa respiration, tout en se demandant s’il n’est pas fou. Il est toujours étonné de se retrouver devant sa porte sans savoir comment il est arrivé là. Personne ne l’attend, il entre, se déshabille, enfile son vieux peignoir, allume une cigarette, hausse les épaules, soupire, secoue la tête et éclate de rire.


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C’était arriver au bureau, retirer le casque, éteindre la musique, poser sa veste, son sac à dos et, pas encore assis, se figer, les yeux dans un souvenir aussi confus que récent : se demander si l’on avait bien fermé la fenêtre de la chambre. Angoisser de ne pouvoir rentrer, ou peut-être si, se dire que mais quand même, regarder l’heure, dehors pas de pluie, tant pis, tant mieux, finalement rester, quoiqu’il arrive.


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Le conducteur du train a eu un moment d’absence. Il s’est arrêté à une station fermée pour travaux et à ouvert les portes. Quelques passagers qui se tenaient debout près des portes, en prévision du prochain arrêt, sortirent par réflexe, avant de voir les échafaudages, les outils de chantier et les couloirs condamnés. Le chauffeur partit à pied sur le quai, en demandant aux quelques voyageurs qui étaient sortis de bien vouloir regagner les voitures. Il exprimait sa confusion d’avoir commis cette erreur. Une fois le train reparti, il formula de nouvelles excuses au micro, d’une voix tendue qui trahissait son malaise. Parmi les voyageurs qui étaient sortis à la mauvaise station, depuis la banquette où j’étais assis à l’intérieur d’une des voitures, j’en ai vu un qui s’était délibérément caché derrière une palissade, sans être vu du chauffeur, et qui n’était pas remonté. Il s’était tenu près des portes et était directement parti se cacher, comme s’il l’avait prémédité, et avait espéré ce type de distraction de la part du chauffeur.


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Dans le carré de la fenêtre, elle voyait la route noire, le ciel blanc, les nuages gris. Le vent sifflait, poussait les oiseaux et des vagues de bruine dans l’air glacé. Personne à l’horizon. Dedans, le silence et l’odeur des vieux livres écornés et empoussiérés. La journée passa ainsi. Quand la nuit se mit à tomber, elle se mit à espérer que quelqu’un vienne. Mais non. Le lendemain démarra comme la veille s’était terminée. Et ainsi de suite des semaines entières.