mercredi 3 novembre 2010

356 : mardi 2 novembre 2010

L’histoire n’avait pas pu être vraie, ce qu’elle relatait ne pouvait avoir d’autre réalité que celle d’un récit de fiction, une légende qu’on prétendait authentique, dont les conteurs affirmaient qu’ils connaissaient eux-mêmes une personne qui avait fréquenté un témoin direct, qu’ils savaient par ces entremises des détails sur ces faits que nul n’aurait pu inventer, et qui valaient bien toutes les preuves de véridicité, et contredisait aisément toutes les démonstrations qu’il n’y avait là que du factice. Ça ne tenait pas, soit les illuminés du sud enneigé n’était pas habités de l’absolue sagesse qu’on leur attribuait, soit ils ne s’étaient jamais laisser convaincre de quitter les lieux où ils avait été jetés dans l’existence, porteurs de sainteté. L’exil, même assisté par les plus convaincants des bienfaiteurs, n’avait pu être leur choix, ils se moquaient trop d’avoir à mourir ou de pouvoir s’octroyer un sursis supplémentaire, ils méprisaient trop toute autre forme de résistance que celle de la sainte et sereine impassibilité face à toute hostilité pour que des bateaux aient pu un jour les prendre à bords et les conduire jusqu’au Canada, une autre Russie d’immensité enneigée de l’autre côté des océans, pour aboutir par erreur au Continent Retiré qui se serait glissé sans qu’on s’y attende sur le trajet du vaisseau pendant leur fuite. Qu’ils soient restés sur les contrées de cette destination impromptue et évanescente n’explique que trop commodément qu’on ne sache plus où ils sont désormais, et que cet absentement ait été si subit. S’ils furent tels qu’on les dit, il n’était rien dont on aurait pu les convaincre, ni conversion, ni exil, ni survie, et ils durent très certainement être tous abattus dans leurs villages au fond des steppes et des forêts.


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C’était chercher d’où venait un bug, chercher longtemps les traces qu’il avait laissé, ajouter d’autres traces dans le sillage des siennes, petit à petit comprendre, refaire le puzzle de ses différentes manifestations, trouver les indices puis les preuves qui incrimineraient un bout de code.


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La nuit – rentrer chez moi, par les petites rues, en sortant d'une rencontre, et porter en moi comme un trésor, qui me fait le pas léger et le visage lisse, les mots entendus, échangés – la lumière des réverbères qui transforme les pavés en pointillé d'or roux, vif, étincelants des goûtes de pluie qui commencent à tomber, et j'avance d'une plage de lumière à l'autre, à travers des zones de nuit brèves – les petites rues qui s'enchaînent – et la pluie qui se lie au froid – le menton dans le col – les côtes qui se serrent – et peu à peu le souvenir des mots se trouve supplanté par cette marche gelée. Un peu de temps encore et je ne suis plus que misère, le froid et la pluie me pénètrent, descendent en moi – voilà qu'ils atteignent le petit paquet de souvenirs, et ils s'y attaquent. Je marche les épaules rentrées, le nez humide, les yeux plissés et les sourires se font moins francs, les mots perdent leur netteté – je tourne dans une rue – quelle était vraiment son intention en disant...? et, c'est vrai, elle a eu une petite grimace, et puis elle m'a introduite dans leur échange, et... – j'affiche un sourire crispé, je m'applique, je me mets dedans, je repousse toute idée – je marche, et mon petit trésor attend.