mercredi 10 novembre 2010

363 : mardi 9 novembre 2010

Je rêve d'une mort subtile, d'une mort camouflée, que le dernier sursaut des masques travestisse en extase ou en rire. Je rêve d'une mort qui s'ignore, innocente et sournoise, du couteau au détour des ruelles, de la balle perdue qui me préserve jusqu'au bout de l'horreur du choix. Je rêve d'une mort anonyme, effacée, opaque à force d'ourdir ses raisons, ou n'en ayant pas, qui, ne justifiant et n'achevant rien, sauverait le secret qui, peut-être, n'existe même pas hors d'elle... Je rêve d'une mort qui échoue, comme tout doit échouer, sauf l'amitié qui, n'exigeant rien, se plaît à encore et toujours offrir, en cette discrétion qui tant lui ressemble...


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Il y eut comme une rafale de vent qui emportait tout, un grand froid à travers le silence. Ils ne savaient plus où aller, ne savaient plus qui ils étaient, où ils en étaient. Il y a eu cette absence, comme un oubli, une entracte, un intermède. Pause. Ils n'ont pas fermé les yeux. Ils avaient tant crié. Cette cohérence les torturait comme un carcan de rationalité. L'absurde de temps à autres les saisissaient, alors ils se concentraient pour ne pas s'oublier. Ils songeaient à demain, rêvaient à leur passé. Allongés sur la crique, ils avaient tous deux la fièvre, de loin on aurait dit qu'ils dormaient. Ce soir-là transis par l'effroi ils n'avaient plus semble-t-il l'humeur à faire de l'humour. Ils luttaient pour ne pas trembler. Les nuages masquaient le ciel sombre. Parfois un rayon de lune transparaissait au travers de la masse grisâtre et lourde au dessus d'eux. Des émotions fugaces s'enchevêtraient. Comme cette étrange conscience de se sentir vivre ou cette vague impression qu'on les épiait. Transis d'effroi, tenaillés par la faim et la fatigue ils n'avaient plus la force d'être inquiets. Seul le bruit de la mer les rassurait un peu, profondes régularités et irrégularités, lentement, ils se parlaient doucement et se comprenaient, ils s'écoutaient respirer, regardaient aussi l'horizon brumeux ; et, ensemble, peut-être, ils conjuraient l'inconnu, ces doutes et ces incertitudes.


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C’était venir au bureau avec l’album acheté la veille au soir à la Fnac, et l’écouter, toute la journée, en boucle, ne faire principalement que ça, sous couvert de quelques lignes de code tapées au clavier, de quelques mouvements et clics de souris, pauses café.


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Je m’étais agacé depuis longtemps du manque de fraîcheur de mes phrases et déclarations dès que je reprenais les mêmes mots, les mêmes explications et récits, lorsque je les énonçais à plusieurs reprises. J’aurais voulu trouver une nouvelle manière de dire les choses à chaque fois qu’il m’était posé un question que quelqu’un d’autre, une autre fois, m’avait déjà posée. J’y parvenais parfois, mais bien souvent, la réponse ayant déjà été formulée par mes soins auparavant, à plus forte raison si j’avais réfléchi avant de la livrer, je reproduisais malgré mes désirs et espoirs les mêmes mots, les mêmes arguments, je relatais les mêmes faits et exposais les mêmes relations logiques, les mêmes causes, comme si j’émettais mes messages selon le tracé d’une feuille que j’avais pliée la première fois, et dont le pli est ineffaçable, et que je n’avais d’autre feuille à employer que celle qui remplissait définitivement et seule sa case. J’essayais pourtant, et c’est par ces tentatives probablement, que je ne parlais ni n’écrivais comme parle un perroquet, que je ne récitais pas, car j’étais soucieux de penser à la conformité que pourraient avoir mon récit ou mon explication à ce que je pensais être la réalité, tout de même c’étaient bien souvent les mêmes formulations déjà données qui constituaient mes réponses - comme si, les réponses n’ayant pas été changées pour ou selon moi, leur formulation me laissait captif, à la façon dont les plantes peuvent être contraintes par un tuteur. C’était déjà un premier aspect de fiction qui s’instillait là, précisément en raison de mon désir d’honnêteté et d’exactitude. Je me serais autorisé le mensonge, l’authenticité temporelle de la langue que j’émettais aurait été moins discutable. L’exigence de vérité dont je ne voulais me défaire, et qui aussi me causait ce malaise quant aux répétitions, m’empêchait dès le départ cette autre solution.