Étrange sentiment d'être resté au bord, y compris de la déroute.
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Il avait promis et aurait préféré perdre mille fois la vie que de manquer à sa parole. D’autant plus que celle-ci l’engageait vis-à-vis de son propre frère, celui-là même qui lui avait offert le plus précieux présent que l’on puisse faire à un vivant. Vingt années à parcourir le monde en tous sens de son pas assoiffé. A se donner à ce pour quoi il se savait venu au monde, à savoir l’errance : ce mouvement du corps qui lave l’âme et la nourrit de mets raffinés, abondants, parfois trop relevés mais toujours vivifiants. Bien sur, il avait souvent souffert de la solitude et des morsures franches et réelles ou virtuelles et subtiles de ceux, plantes, bêtes, hommes qui avaient croisé son chemin. Mais lorsqu’il retrouvait en pensée le contact de cette rivière vive et chargée de présence, dans laquelle il s’était immergé pendant tout ce temps dont son frère lui avait fait l’offrande, lorsqu’il percevait en lui-même la trace de ses pas, Le Mat se retrouvait en état d’absolu bonheur. Quelques souvenirs pourtant lui tiraillaient ses chairs provisoires et griffaient son esprit de mélancolie. Malgré ou à cause de cela, sans hésitation il se dirigea vers le grand chêne qu’autrefois il avait habité.
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Pour survivre dans les rudes conditions du territoire humain, il est conseillé de se cautériser une à une toutes les facettes des yeux. Ne conserver qu'une seule de leur multiples ommatidies. En effet, chers confraternels, nos pupilles multi-tâches ont trop tendance à sangloter sous l'intensité de l'éblouissante lumière solaire. En cautérisant vos 807 omnatidies et en épargnant une, vos yeux n'exhaleront plus que de mini-sanglots au son inférieur à 0,007 décibels, (quasi indétectable pour l'oreille humaine). Pour augmenter votre aptitude au camouflage sur cette planète, misez sur quelques associés. Quels sont vos alliés objectifs sur terre ? Ils sont trois : l'écorce de hêtre; les pythons ; les antennes de portables. L'écorce de hêtre, parce sa couleur est raccord à celle de notre surface extérieure, ce qui permet un camouflage aisé. Les pythons, parce que leur vitesse de reptation est synchrone avec la notre, (quand nous avançons dans les parages de ce reptile, nos ondes cérébrales se fondent avec leurs reptations, ce qui nous garantit une invisibilité à moindre coût). Cet effet a pour cause de privilégier certains points d'accès au territoire humains, ceux où se trouvent les pythons; c'est pourquoi le débarquement est prévu en Guinée équatoriale et au Congo. Et pour finir, chers confraternels, les antennes de portables, parce qu'elles impulsent des vibrations qui accélèrent notre régénérescence cellulaire, ce qui booste notre vélocité en fixant un acide essentiel à la base de notre troisième cortex antérieur. En effet, chers confraternels, si les trois conditions sont réunies (écorce d'hêtre ; pythons et antenne de téléphone portable), toutes nos capacités invasives sont décuplées. C'est pourquoi c'est ici, à ce point précis de la carte, que nous allons débarquer. Au Gabon, notre première ligne se déploiera en octaèdre pour un repérage en deux phase: détection des forces humaines; repérages irradiants. Nous procéderons d'abord à la conquête du territoire humain; à son regroupement dans un second temps ; à son transfert dans la galaxie grise dans un troisième; puis à sa dissolution dans la Voie Lactée. En effet, chers confraternels, notre gouvernement est en train de finir un super laboratoire pour recycler l'énergie humaine et ainsi renforcer notre espèce pendant quelques kalpas. Ce guide de survie en territoire humain que vous tenez dans vos tentacules a été conçu et écrit pour nous permettre à nous tous, les gurtraxteys des milles galaxies, nous permettre et nous faciliter une entrée triomphante et rentable dans cette poubelle de l'espace que certains nomment Terre.
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Je suis ici depuis deux mois, et nous jette des cailloux. Tu sais ce que ça veut dire ? Des cailloux. On a la police, on a les militaires, mais on a aussi des gens, de braves gens, des petites gens, qui nous envoient des cailloux. Je suis ici depuis trois mois, mais je suis déjà venu, et revenu. Je suis allé ailleurs aussi, une autre porte de la citadelle. On a pris des bateaux, les bateaux ont sombré, on a nagé. On a pris des trains, les trains ont mystérieusement déraillé. On a pris des avions, on n'en est pas sortis vivants. Je suis Djibril Sy, et je reviendrai. Je rejoins une femme, je rejoins ma femme, que j'ai laissée dans un camp dans le désert. Elle a réussi à passer, on me l'a dit. Tu cherches ta femme aussi, je sais que tu me comprends. Elle est de l'autre côté, derrière ce rideau de fer. Regarde. Des miradors. Des barbelés. Sponsorisés par votre fédération, subventionnés. C'est une forme altérée, c'est une forme alternative des stations balnéaires. Je connais tout le tour de la frontière, je l'ai parcourue entièrement. Mais je reviens toujours ici, c'est mon point. C'est mon clock. La famille n'est pas loin, peut-être, cela me donne la force nécessaire. L'hiver est doux. Certains sont rentrés pour la nouvelle année, s'accordent une pause. Je passerai. J'attends le réveillon pour passer. J'attends Noël pour passer. Je serai le prochain petit Jésus. Je filerai à travers les barbes, les balles et les cailloux, je poserai le pied sur ce même sable, je serai en Europe. Vous avez peur de nous ? Vous ne savez pas qui on est, combien on est, vous ne connaissez pas notre détermination. Vous ne savez pas ce dont on est capable. Mes frères s'entrainent, je les ai vus le week-end dernier à Patras. Ils sont une bande mêlée, avec des Viets ou des Chinois je ne sais pas, quelques Arabes. En chemisette la plupart du temps, un mauvais blouson percé qui laisse échapper la laine synthétique en plein hiver. Une bouteille d'eau attachée avec du simple raphia autour du cou. Ils montent et remontent les grilles. Là aussi, l'armée, mais pas les miradors. Eh oui, il y a des touriste, qui prennent le Ferry pour Ancône ou Brindisi. Ça marquerait mal. Et eux, dès que le soldat a le dos tourné (ou las, s'accorde lui-même une pause), il montent et remontent la grille et se faufilent dans las camions ouverts par la douane, ou sous les essieux, s'accrochent comme ils peuvent aux cartes, au pot. Je les ai vus. Je sais de quoi je parle. Nous on veille sur eux, de loin. En esprit. En pensée. En cœur. On n'a plus le courage de ça. Puis les blessures diverses, les faux-bonds du corps, les épreuves gravées sur la peau ou dans les os, ça va. Je fais le planton ici, sur ma terre, pour mettre un autre pied sur ma terre. Je passerai coûte que coûte. Je rejoindrai ma femme. On m'a dit qu'elle y était, qu'elle était passée. Je la trouverai. Le monde n'est pas plus grand que le cerveau d'un homme. L'Europe n'est pas plus vaste que la mémoire. Vous verrez : quand nous débarquerons, ce sera comme des souvenirs que l'alcool ou les jeux ou la télévision avaient enfouis, dissimulés, de mauvais souvenirs aiguisés comme des couteaux que vous avez essayé de perdre sous le fatras de vos mots, de vos enseignes ou de vos lois. J'arrive, tu sais... tu comprends toi ? Tu passes comme un renard, on dirait que tu rampes comme un limaçon, moi je suis avec toi, on est tous ensemble, on est un seul homme, un seul homme, un seul souvenir d'homme, un fantôme. L'histoire, mon ami, l'histoire — que tu le veuilles ou non, sous la forme d'un revenant, est en marche !