dimanche 31 janvier 2010

80 : samedi 30 janvier 2010

Ni votre mariage ni votre mari ne m'indisposent, Madame, je m'accomoderai très bien d'une aventure extra-conjugale, mieux que très bien. Votre époux était là avant moi, je serai donc sans jalousie, rassurez-vous, et j'accepterai de bon cœur de partager vos faveurs amoureuses avec lui. Un légitime se respecte, et je m'y tiendrai. Pour tout vous dire, amant attitré de l'épouse d'un autre est certainement ce qu'en amour je préfère : à soi le rôle le plus flatteur d'être celui dont la fréquentation est exclusivement agréable. Ne se voir que pour donner grand plaisir à nos corps, se livrer fougueuse affection, se flatter et se dire que ce ne sont que ces moments-ci, ceux passés ensemble, qui donnent le véritable sens du bonheur. Car ils laissent imaginer qu'une vie pourrait n'être que ceci, ce qu'elle ne peut pas être, nous le savons tous deux, mais la grande affaire est de trouver le point de vue depuis lequel il semble que ce soit possible, sans commettre l'erreur d'aller vérifier que ça ne l'est pas. Le bonheur est une promesse de bonheur, et demander des comptes à cette promesse est faire le deuil du bonheur. Voici ce que je vous propose, Madame, le bonheur, comment pourriez-vous le refuser ? Pas pour des raisons morales, rassurez-moi, soyons sérieux. Si c'est par inquiétude pour mon sort d'officieux, soyez sans crainte, les mérites du bonheur que je vous vante valent autant pour moi. Cette fréquentation contrariée, exclusivement consacrée à l'amour, satisfera tous mes besoins affectifs et sexuels, m'offrira même en la matière, dans les premiers temps du moins, ce que peut-être je préfère au monde, le vouvoiement pendant l'amour, et me livrera de même la promesse du bonheur qui est le bonheur lui-même, et dont je ne pourrai cesser de vanter les mérites. Nos rapports seront idéaux, soyez-en certaine. Il fallait pour cela que l'un de nous deux soit marié, vous l'êtes et je vous en remercie, car je n'en serais pour ma part pas capable.

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C'est ce que j'ai fait de mieux. Cet album, j'ai l'impression de le porter en moi depuis toujours, comme si j'étais né avec. Nous avons, tous peut-être, quelque chose en nous de supérieur à tout le reste, tout le reste de ce que nous pouvons créer, construire ou être. Mais combien ont le temps, l'occasion, la chance, d'accoucher de ce grand œuvre ? Combien ne prennent jamais conscience qu'ils peuvent, qu'ils doivent l'accomplir ? Combien y touchent du doigt sans jamais y parvenir, empêchés par toutes sortes de restrictions mentales ? Ce meilleur de nous-mêmes, nous le possédons tous, sommes peu à le savoir, et quelques-uns à l'exploiter. J'ai eu cette conscience, j'ai eu cette chance, j'ai eu ce temps. Quand j'écoute mes vieilles chansons, mes premières chansons (ce qui ne dure jamais longtemps parce que je les trouve insupportables), tout en me demandant pourquoi j'ai fait tel choix esthétique ou comment j'ai pu raconter telle connerie, je sais que tout a servi à me mener jusqu'ici, tout n'était que la genèse de ce disque. A l'époque, bien sûr, je l'ignorais, je me trouvais très bon et me demandais simplement si je le resterais. Maintenant que je suis vidé, je peux mourir. Artistiquement. Je vais faire un album de Noël.